17 mai 2007
UQAM: Québec blâme l’ex-recteur Roch Denis
Tiré de La Presse Par Malorie Beauchemin
Alors que les partis de l’opposition à Québec ont demandé des comptes, hier, au gouvernement libéral pour le fiasco financier de l’îlot Voyageur, la présidente du Conseil du Trésor, Monique Jérôme-Forget, a rejeté le blâme sur l’ancien recteur, Roch Denis.
«Il a passé pour un héros, le recteur, tout le monde l’a félicité. Sauf que c’était un château de cartes», a affirmé Mme Jérôme-Forget, en parlant du complexe qui devait initialement comprendre un pavillon universitaire, des résidences, des espaces de stationnement, une tour de bureaux et la station centrale d’autobus.
En émettant des obligations à un taux nettement supérieur à celui du gouvernement, sans au préalable avoir discuté avec le ministère des Finances, l’UQAM a forcé l’intervention du gouvernement, contraint d’acheter les obligations pour éviter une catastrophe économique. Québec est ainsi devenu le bailleur de fonds d’un projet qui s’est révélé par la suite mal ficelé.
En Chambre, la présidente du Conseil du Trésor a affirmé que l’UQAM avait «sournoisement» émis ces obligations. Or, rien n’oblige les universités à consulter le ministère des Finances au moment de se lancer dans des projets immobiliers. Mais toutes l’ont fait, avant d’émettre des obligations pour financer leurs projets, même l’UQAM, en 2004, pour le complexe des Sciences. En avril 2006, par contre, le ministère des Finances a appris l’intention de l’UQAM d’émettre pour 269 millions d’obligations lorsque le bruit a commencé à se répandre sur les marchés. Le rendement de ces obligations étant de 0,5 point de pourcentage supérieur à celles du gouvernement, les perturbations sur le marché des obligations étaient imminentes. En moins de 36 heures, le ministère des Finances a décidé d’acheter la totalité des obligations, pour éviter qu’elles ne provoquent une hausse des coûts d’emprunts futurs.
Si le Ministère n’était pas intervenu, l’UQAM aurait mis en péril la santé financière du gouvernement, a soutenu le sous-ministre associé aux Finances, Bernard Turgeon, lors d’une séance d’information. Si ce genre de transaction n’est pas exceptionnel pour le gouvernement, le fait d’acheter toutes les obligations d’un projet l’est, a-t-il expliqué.
M. Turgeon a affirmé avoir alerté son homologue à l’Éducation dans les jours qui ont suivi la transaction d’obligations.
Le gouvernement soutient toutefois qu’il n’y a aucun lien entre l’achat des obligations par le ministère des Finances, en avril, et le gouffre financier de l’UQAM – qui pourrait atteindre 200 millions – et que le ministère de l’Éducation dit n’avoir appris qu’à l’automne 2006.
Bouc émissaire ?
Pour les partis de l’opposition, il est « évident » que dès avril, l’UQAM montrait des signes que quelque chose clochait avec son projet d’îlot Voyageur.
« Il y a certainement eu quelqu’un qui a dormi au gaz, a dit le critique de l’opposition officielle en matière de Finances, Gilles Taillon. Ce n’est pas normal à partir du moment où il y avait ces signaux-là, apparus à la fois aux Finances, au Conseil du Trésor, et certainement aux oreilles du ministère de l’Éducation, de ne pas s’en être occupé. »
La porte-parole du Parti québécois, Rita Dionne-Marsolais, a pour sa part parlé de « grossière négligence administrative dans la gestion des fonds publics ». Selon elle, la présidente du Conseil du Trésor aurait dû aider le recteur dans son projet, notamment en l’envoyant consulter l’Agence des partenariats public-privé. Ce à quoi la ministre Jérôme-Forget a répondu que le gouvernement était impuissant puisque le contrat était déjà signé lorsque M. Denis en a informé le Conseil du Trésor.
Devant l’ampleur du gouffre financier constaté l’automne dernier, M. Denis a été contraint de démissionner du poste de recteur de l’UQAM en novembre.
Pour l’opposition adéquiste, c’est trop facile d’avoir « un bouc émissaire unique, qui actuellement n’est plus là », a affirmé M. Taillon, qui accuse aussi le gouvernement d’avoir voulu camoufler « ce désastre financier » à la veille d’une échéance électorale.