18 septembre 2007

Commission de la Culture -Consultations sur le niveau d’immigration

Allocution de Martin Lemay, Député de Sainte-Marie—Saint-Jacques Porte-parole du Parti québécois en matière d’immigration, de communautés culturelles, de citoyenneté et de la métropole

Allocution de Martin Lemay, Député de Sainte-Marie—Saint-Jacques
Porte-parole du Parti québécois en matière d’immigration, de communautés culturelles, de citoyenneté et de la métropole
Consultations sur le niveau d’immigration lors de la Commission de la Culture à l’Assemblée nationale du Québec, le 18 septembre 2007

Il nous fait plaisir de participer à cet exercice de consultation publique sur le plan triennal du ministère de l’immigration et des communautés culturelles. Cette consultation, il faut le dire, qui attirait bien peu l’attention dans le passé, revêt cette année une importance toute nouvelle et nous devons nous en réjouir car trop rarement les enjeux réels de l’immigration au Québec alimentent le débat public.

L’importance de l’immigration n’est pas à démontrer. Il suffit de consulter les analyses démographiques pour s’en rendre compte. Le taux de natalité très bas conjugué au vieillissement de la population appellent à une politique d’immigration énergique et à des stratégies d’intégration novatrices.

Par ailleurs, recevoir ces dizaines de milliers de nouveaux arrivants annuellement amène inévitablement son lot d’incompréhensions, de tensions et d’ajustements de part et d’autre, ce qui est tout à fait normal.

De plus, ces débats qui étaient jusqu’à tout récemment presque exclusivement montréalais, sont maintenant devenus pan québécois et nous devons nous en féliciter car cette question ne regarde pas seulement Montréal mais tout le Québec. Les solutions à l’intégration des nouveaux arrivants exigent une mobilisation de toute la société. Comme montréalais, je me dois d’insister sur le fait que, malgré ces tensions et ces inquiétudes légitimes, la vie en société dans la métropole se passe très bien.

Il est important de souligner que nous avons sensiblement les mêmes interrogations que d’autres sociétés d’accueil dans le monde occidental, sauf dans le reste du Canada, où le multiculturalisme est non seulement la philosophie, mais la loi. Nous reviendrons sur ce sujet.

D’entrée de jeu, nous affirmons haut et fort notre déception face au plan d’action proposé par le gouvernement. Comme si ce débat très important pour le Québec n’était que quantitatif. Nous le répèterons jamais assez, le niveau d’immigration est également intimement lié à notre capacité d’intégration. Par intégration nous voulons dire la responsabilité des nouveaux arrivants de participer au meilleur de leurs capacités à la société d’accueil. Cette société d’accueil a également des responsabilités car, l’immigration est un contrat formel et moral qu’un nouveau citoyen et sa nouvelle société signent ensemble.

Ces grands principes étant mis de l’avant, qu’en est-il dans la réalité ? Au-delà des belles paroles, le gouvernement actuel a sabré dramatiquement dans le budget du ministère. De $127 millions qu’il état en 2003, il est aujourd’hui de $111 millions et, paradoxalement, le nombre d’immigrants augmente d’année en année. Ces coupures équivalent à une diminution budgétaire réelle de plus de 33% par immigrants et ce, autre paradoxe, dans le contexte où la subvention du gouvernement fédéral augmente.

Force est de constater que le discours de ce gouvernement est une chose, la réalité en est une tout autre.

À la lumière du plan d’action gouvernemental, il est difficile, sinon impossible d’affirmer que nous remplissons notre part du contrat. Est-ce que nos efforts en francisation, en intégration en emploi et en régionalisation sont suffisants ? Nous ne pouvons l’affirmer car le document est muet en ce qui concerne les résultats du ministère et ses stratégies dans ces domaines, d’où notre déception.

Par exemple, comment expliquer le fait que pour 36% des immigrants, la langue de travail est l’anglais ? Ces chiffres sont inquiétants et le ministère les rapporte dans son document d’orientation sans aucune explication, avec une légèreté déconcertante. Lorsque l’on sait que d’ici quelques années à peine, la totalité de la croissance de la population sera issue de l’immigration, on peut se poser la question de l’impact qu’aura cette nouvelle donne sur la langue française, principalement à Montréal.

Il nous semble que, une étude prospective sur la pérennité du français, dans le contexte démographique que l’on connaît, serait fort utile pour nos travaux et pour le débat public. Malgré moult chiffres et analyses démographiques, pas un mot sur le portrait futur du Québec francophone. En d’autres termes, il aurait été intéressant, sinon incontournable, de se projeter dans le temps car, les décisions d’aujourd’hui ont des conséquences sur la réalité de demain.

Il en va de même pour l’intégration en emploi. Alors que nous apprenions la semaine dernière que le taux de chômage est plus de 18% chez les nouveaux arrivants qui sont au Québec depuis moins de 5 ans. De plus, la difficulté qu’ont les immigrants à faire reconnaître leur formation et leurs diplômes nous souligne les difficultés que ce gouvernement a à bien cibler ses priorités et à atteindre les objectifs qu’il s’est lui-même fixé.

L’autre défi est celui que pose la régionalisation de l’immigration. Bien que souligné mais, encore ici, des pistes de solutions générales sans analyses et sans objectifs. Comme les autres sociétés occidentales, les nouveaux arrivants se concentrent dans les régions métropolitaines. Au Québec, c’est 83% qui résident dans la région métropolitaine de Montréal, alors que, selon Emploi-Québec, la moitié des emplois disponibles sont à l’extérieur de cette même région. Malgré ces chiffres accablants pour le gouvernement, on ne sent pas le sentiment d’urgence qui normalement devrait l’animer.

Vous l’aurez constater, monsieur le président, comment pouvons-nous sérieusement débattre du niveau d’immigration sans un plan d’intégration digne de ce nom ? Un plan contenant non seulement quelques pistes se solutions mais également des objectifs attendus et des résultats clairs. Poser la question, c’est y répondre.

Dans le débat auquel se livrent ces dernières semaines plusieurs citoyens concernés par le sujet de l’immigration au Québec, il m’apparaît important de préciser le point de vue du Parti Québécois sur cette question.

Dans un premier temps, je désire dénoncer l’habitude qu’à prise le chef de l’Opposition officielle de lancer un pavée dans la mare et, ensuite, de disparaître de la scène laissant tout le monde en plan. Un chef de l’opposition digne de ce titre ne se contente pas seulement de « lancer des débats » mais il propose également des solutions. Il est facile de faire des déclarations à l’emporte-pièce et d’avoir l’attention des médias. Il est plus difficile de soutenir les solutions que l’on propose et de tenter de convaincre la population de la justesse de celles-ci. Mais pour convaincre de ses idées, encore faut-il en avoir.

Parlant de simplification, la question de l’immigration ne saurait se limiter à un enjeu uniquement économique comme l’affirmait le premier ministre en fin de semaine. Nous avons parlé du taux de chômage scandaleux des nouveaux arrivants ajouté aux coupures drastiques dont le ministère a été victime. Dans ce contexte, il faut être particulièrement culotté pour se poser en donneur de leçon comme l’a fait le ministre du développement économique.

L’immigration est d’abord et avant tout une aventure humaine. Le désir profond de vouloir améliorer son sort et celui de sa famille est le fondement des mouvements migratoires. Affirmer que ce sujet se limite au développement économique relève d’une vue de l’esprit réductrice. Les enjeux sociaux et culturels sont tout aussi importants et faire fi de cette réalité en dit long sur le manque de sensibilité de ce gouvernement sur cette question.

Toujours est-il, que pour nous, du Parti québécois, notre désir de rapatrier tous les pouvoirs en matière d’immigration, ne surprendra personne. Assumer tous les pouvoirs fait parti de notre engagement politique. L’avenir de notre peuple passe, entre autres, par une politique d’immigration que nous devons contrôler totalement.

Dans ce dossier, la symbolique est d’une grande importance. Par conséquent, nous sommes d’avis que, plus le message est clair, plus l’intégration des immigrants s’en retrouve facilitée. En effet, si les immigrants savent qu’ils s’en viennent au Québec, société française, dont l’espace public est laïc et qui promeut l’égalité entre tous ces citoyens et citoyennes, moins le choc culturel sera grand et ce, tant pour les immigrants que pour la société d’accueil.

Ces messages et cette symbolique actuellement proposés aux nouveaux arrivants doivent changer radicalement. Nous ne pouvons plus nous permettre de les accueillir dans le multiculturalisme et le bilinguisme canadien mais bien dans une société respectueuse et ouverte pour ses minorités, certes, mais également désireuse de survivre et de s’épanouir comme peuple francophone d’Amérique.

Nous avons confiance dans la force d’intégration de notre culture, enrichit justement des différents apports de populations immigrantes. Mais nous demeurerons toujours fragiles et inquiets, entourés que nous sommes d’une population anglophone de plus de 330 millions d’individus. Comme si cela n’était pas suffisant, notre proximité avec la gigantesque machine à uniformiser les cultures que sont les Etats-Unis accentue encore plus cette fragilité.

Un autre message tout aussi important est celui que l’espace public est laïc. Si nous nous sommes écartés durant la Révolution tranquille du pouvoir du religieux dans l’espace public et politique, ce ne serait certainement pas pour y replonger et ce, même à petite dose. C’est là ou le bât blesse pour nous au Québec : le multiculturalisme canadien n’intègre pas les populations immigrantes, il exacerbe les différences, dont les différences religieuses. Les diverses politiques fédérales, les chartes des droits et les différentes cours de justice en font souvent la preuve.

D’autre part, il est primordial que les nouveaux arrivants comprennent clairement que l’égalité entre les femmes et les hommes est plus qu’un discours. C’est une réalité quotidienne sur laquelle il ne saurait y avoir aucune concession. Les femmes ont gagné de haute lutte leur place dans la société et il serait impensable de reculer à ce niveau.

Maintenant que le parlement du Canada nous a reconnu comme nation à part entière, cette reconnaissance doit bien vouloir dire quelque chose. La responsabilité de l’immigration et de la citoyenneté est un pouvoir symbolique et réel pour une nation. Ce ne sont pas que des synonymes de démographie et de besoin en main d’œuvre, bien que ces facteurs soient importants. Il serait temps d’assumer cette responsabilité jusqu’au bout, d’envoyer des messages clairs et de se sortir enfin du multiculturalisme canadien.

D’ailleurs, quand le gouvernement le plus fédéraliste de l’histoire du Québec décrit le partage des pouvoirs en ce domaine comme une contrainte, cela veut dire quelque chose.
Si nous exigeons tous les pouvoirs en immigration, c’est également pour les ressources financières, humaines et législatives. Avoir les ressources pour établir les choix stratégiques en ce domaine, c’est une chose, mais avoir ces ressources pour faciliter l’intégration des immigrants à la société d’accueil en est une autre.

En terminant, notre proposition n’a aucunement comme fondement de remettre en cause une politique d’accueil de réfugiés. Il va de soi que nous sommes tout à fait en accord avec les différentes ententes et conventions internationales qui nous permettent d’accueillir des citoyens qui, dans leurs pays, risquent leurs vies ou des sévices pour des raisons politiques ou religieuses. Comme société relativement riche et développée, nous avons un devoir de supporter ceux et celles qui sont dans une situation difficile.

En conclusion, nous sommes d’avis qu’une légère augmentation de l’immigration serait approprié mais à la condition que diverses stratégies d’intégration plus énergiques et plus ciblées soient mises sur pied par le gouvernement et que les ressources financières soient au rendez-vous. Ce qui n’est pas le cas actuellement.

Donc, nous entendrons les différents individus et groupes qui viendront partager avec nous leur perspective sur ces importants enjeux et nous pouvons vous assurer, monsieur le président, que nous jouerons un rôle constructif dans ces échanges certainement fructueux que nous auront.

Merci de votre attention.

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