15 avril 2008
L’importance du délégué général du Québec à New-York
Depuis plusieurs semaines la question de la représentation du Québec à l’étranger attire beaucoup l’attention des médias. Plusieurs personnes cherchent à comprendre pourquoi la démission du délégué général du Québec à New York est si importante! Pour avoir occupé le poste de Déléguée Générale du Québec à New York de 1984 à 1987, je me sens personnellement interpellée et aujourd’hui je souhaite apporter certains compléments d’information pour vous aider à mieux comprendre l’importance de cette fonction.
Depuis plusieurs semaines la question de la représentation du Québec à l’étranger attire beaucoup l’attention des médias. Plusieurs personnes cherchent à comprendre pourquoi la démission du délégué général du Québec à New York est si importante!
Pour avoir occupé le poste de Déléguée Générale du Québec à New York de 1984 à 1987, je me sens personnellement interpellée et aujourd’hui je souhaite apporter certains compléments d’information pour vous aider à mieux comprendre l’importance de cette fonction.
D’abord, il faut savoir que le Québec possède un réseau de représentations à l’étranger que nous appelons des « délégations ». Pourquoi? Parce que les ambassades du gouvernement du Canada ne suffisent pas à répondre aux besoins de tous les canadiens et plus particulièrement aux besoins des québécois de langue française. Le Québec n’est pas seul à offrir un tel service à ses concitoyens, plusieurs autres provinces maintiennent des représentations à l’étranger également.
À l’heure où l’on se parle, le Québec possède un réseau de 25 représentations à l’étranger. De ce nombre, quatre (4) constituent des antennes, dix (10) sont des bureaux, onze (11) sont des « Délégations » et sept (7) sont des « Délégations dites Générales ». Une délégation est qualifiée de « Générale » quand elle assume une coordination de plusieurs bureaux ou Délégations et plusieurs responsabilités à la fois bilatérales avec le pays d’accueil et multilatérales avec des organisations internationales sur son territoire.
Une délégation offre des services dans plusieurs secteurs d’activité dont : l’économie, l’éducation, la culture, l’immigration, le tourisme et les affaires publiques. Le terme « délégation » a été choisi pour éviter les querelles diplomatiques avec le gouvernement fédéral.
La « DGQNY » est l’une des plus anciennes représentations du Québec à l’étranger. L’ouverture de ce bureau remonte même avant l’ouverture du Consulat général du Canada à NY. Elle a été ouverte en 1943. Sa mission était essentiellement financière. En effet, en 1944, le gouvernement du Québec annonçait la création Hydro-Québec. Il devait en conséquence financer l’acquisition de certaines entreprises d’électricité. Le financement requis par cette opération s’est fait à New-York et le délégué général du Québec y a joué un rôle non négligeable.
Peu de gens savent d’ailleurs que le Québec a longtemps financé ses grands projets sur le marché américain. En effet, notre premier emprunt sur ce marché remonte aux environs de 1878 alors que le Gouvernement du Québec devenait le premier gouvernement étranger à obtenir du financement sur la célèbre rue « Wall Street ». Aujourd’hui on connaît mieux cette rue de New York et son rôle important dans le financement international. À l’époque, son rôle n’avait pas la même envergure. Il fallait beaucoup d’audace au gouvernement du Québec pour aller chercher 2 millions de $ américains pour un projet local. Mais le projet était important et son financement était impossible au Canada. Il s’agissait de l’extension de la ligne de chemin de fer de Montréal jusqu’à Québec.
À cette époque les financiers anglophones de Montréal ne voyaient ni la possibilité de rentabiliser ni la nécessité de construire ce chemin de fer jusqu’à Québec. Heureusement la clairvoyance et l’audace du gouvernement du Québec ont eu raison de ces financiers à courte vue!
C’est donc pour rassurer les milieux financiers de New York que le Gouvernement du Québec ouvrait la Délégation du Québec avec pour mandat de répondre aux questions des milieux financiers et de signer au nom du Gouvernement du Québec les documents officiels nécessaires aux nombreux emprunts ultérieurs. Cette responsabilité est unique à la « DGQNY ». Plus tard, en 1961 et dans les années suivantes, d’autres délégations générales comme Paris, Londres (1962) Bruxelles, Mexico, Tokyo, et Munich se sont ajoutées au réseau des représentations du Québec à l’étranger. Mais seule la « DGQNY » a le pouvoir de signature des documents d’emprunts au nom du Gouvernement du Québec sur le marché américain.
Il est important de souligner que contrairement à la délégation générale du Québec à Paris qui elle, possède en France un statut diplomatique accordé par le pays d’accueil, les États-Unis n’ont jamais accordé de statut diplomatique à la DGQNY. Aux États-Unis, le délégué général est un agent étranger et à ce titre, ne doit avoir aucun écart de conduite même accidentel sous peine d’expulsion.
Le délégué général du Québec à New York est dans les faits un officier de l’État. Il signe les documents d’emprunts au nom du gouvernement du Québec et au besoin au nom de la ville de Montréal, quand cette dernière emprunte aux États-Unis. En conséquence, la signature du délégué général est significative et équivaut à celle du Ministre des Finances du Québec en son absence sur le marché financier américain.
Le délégué général du Québec est le garant de la réputation du Québec. Ce qui lui arrive, les gestes qu’il pose, tout ce qu’il fait, peut avoir un impact sur la perception des marchés et sur la crédibilité du gouvernement du Québec. C’est pour cela que les raisons de la démission du délégué général du Québec à New York doivent être rendues publiques de façon à démontrer clairement que la réputation du Gouvernement du Québec ne sera pas affecté aux États-Unis.
Une réputation c’est long à bâtir et c’est tellement facile à détruire!
Catégorie : Allocutions,Chroniques | Imprimer