30 avril 2015

Voyage en Argentine en 2015

Un voyage au bout du monde

Ce titre peut surprendre, mais en 2015 c’est vraiment un voyage au bout du monde que ma compagne de voyage, Lucie et moi, nous avons réalisé. En effet, ce voyage nous a conduit à Buenos Aires, le long de la côte de la Pampa Argentine jusqu’à Ushuaïa, en passant par les iles Malouines, puis la remontée par le passage du Cap Horn, les fjords du Chili jusqu’à Valparaiso et Santiago. Ce périple, car il s’agit bien d’un périple, nous a fait vivre des expériences uniques qui m’ont grandement marquée.

L’Argentine possède une histoire complexe et violente qu’il est intéressant de partager un peu pour mieux comprendre le pays.

Depuis la découverte du fleuve appelé Rio de la Plata au XVI ième siècle, l’Argentine a fait partie des Royaumes américains de l’Espagne sous la tutelle de Lima au Pérou. L’Argentine n’a été détachée de cette tutelle qu’en 1778, alors que l’Espagne crée une nouvelle entité composée du Haut Pérou, du Paraguay et de l’Argentine. Buenos Aires devient alors la capitale de la nouvelle vice-royauté du Rio de la Plata, lui permettant de prospérer pour devenir le principal port marchand de l’Amérique Latine sur l’Atlantique. Sa prospérité entraîne alors l’immigration de Catalans, de Basques et de Galiciens, tous en provenance des côtes du Royaume d’Espagne.

Le XVIII ième siècle voit alors, l’émergence du métissage de Buenos Aires avec la présence grandissante de populations européenne, noire et indigène. Ces populations métissées se sont établies dans les banlieues rurales de la ville avec leur propre mode de vie comme leur propre langage. Ils gardaient les troupeaux des riches propriétaires terriens. On les surnomma d’abord « gauderios », puis « gauchos ». Ils devinrent avec le temps une véritable milice régentant la pampa environnante.

Les années 1800 seront plus difficiles pour Buenos Aires qui fait l’objet de convoitise de la part des Anglais, comme des Français, qui souhaitent mettre fin au monopole espagnol sur le plus grand port d’Amérique du Sud. L’indépendance de l’Argentine va se réaliser alors que Ferdinand VII sera occupé à reprendre l’Espagne à Napoléon et que les royaumes des Amériques de leur côté, veulent se libérer du joug espagnol. Durant cette période de guerre, le   « Libertador » (libérateur) des Amériques, le général José de San Martin voyant une opportunité, malgré son éloignement de Buenos Aires, réussit à convaincre ses délégués au congrès de déclarer l’indépendance de l’Argentine le 9 juillet 1816, alors qu’il trompe les troupes royalistes fidèles à Ferdinand VII. Il les avait attirées de l’autre côté de la Cordillères des Andes, par une ruse militaire. Il s’en suivra une série de soubresauts politiques alors que Buenos Aires continuera d’être l’objet de toutes les convoitises.

Néanmoins, les aspirations de la population suivent le courant et l’Argentine devient le pôle politique et spirituel des offensives contre le joug espagnol. La réputation d’arrogance de Buenos Aires attirant de nombreux aventuriers européens remonte à cette époque et ne la quittera jamais plus.

On dit des Argentins qu’ils « descendent tous du bateau », contrairement aux Péruviens ou aux Mexicains, descendant respectivement des Incas et des Aztèques. Les portègnes, ou «portenos», parce qu’ils habitent le grand port d’Amérique du sud, sont de bons vivants et la ville est reconnue comme étant la plus gaie du continent. Les autorités de Buenos Aires considèrent alors le reste du pays comme une sorte de zone sauvage pour les indiens et les repris de justice. Elles s’acharnent à imposer leur pouvoir aux provinces.

Le pouvoir politique de l’Argentine se partagent alors en deux groupes: les
« unitaires » et les « fédéralistes ». Les fédéralistes défendent l’indépendance des provinces avec un statut particulier pour Buenos Aires, alors que les unitaires favorisent un État central fort au détriment du pouvoir des provinces. C’est durant la même période, qu’un conflit avec le Brésil en 1825 entraîne la création de l’Uruguay. Le nouveau pays s’appropriera désormais la rive gauche du Rio de la Plata, soustrayant ainsi cette partie à l’ensemble des provinces argentines.

Après cet affrontement la nouvelle fédération doit relever un autre défi. Deux visions de l’avenir du pays s’affrontent. Les créoles proches de la terre s’opposent aux visions moderne et européenne des habitants de la capitale. Les partisans d’une fédération authentique avec à leur tête Juan Manuel de Rosas, riche propriétaire terrien de la province de Buenos Aires en seront les vainqueurs. Rosas sera élu gouverneur de la ville en 1835 pour un mandat de 5 ans et sera investi de pouvoirs exceptionnels. Malheureusement, le règne de Rosas ruinera la ville. C’est la période des relations tendues avec les étrangers. Des blocus français puis franco-britannique, poussent au départ une grande partie des élites du pays.

Ce règne des fédéralistes a été comparé au règne de la terreur en France. Rosas dirige le pays en dictateur et devient le maître absolu de la capitale. Il impose partout sa loi. Son mépris et les injustices qu’il pratique vont entraîner sa chute en1852 alors qu’il doit fuir le pays, déguisé en matelot sur un bateau anglais à destination de Southampton, où il mourra. L’histoire nous révèle que cela sera souvent le sort des dictateurs sud-américains!

Le successeur de Rosas se montrera aussi dictatorial que lui et supportera la Fédération avec la même force. Mais le 11 septembre 1852, en l’absence du nouveau dictateur d’Argentine (Justo José Urquiza) la ville de Buenos Aires déclare son autonomie par rapport aux autres provinces. Pendant les dix prochaines années, les portègnes se battront sporadiquement contre les troupes de « l’intérieur». En remportant une victoire militaire importante en 1860, ils assurent l’unité nationale et le pays finira par se rassembler. Bartolomé Mitré est alors élu premier président d’Argentine en1862. Il le demeurera jusqu’en 1868. Un monument à son effigie siège d’ailleurs sur plusieurs places centrales de différentes villes du pays.

C’est le début du développement de la capitale, Buenos Aires, vers une grande cité européenne. Les années qui suivirent sont malheureusement marquées par des épidémies de choléra, puis de fièvre jaune. En effet, la ville était reconnue alors pour ces moustiques en grand nombre. Durant la même période, un esprit de conquête venue de la Patagonie voisine entraînera l’éradication des indigènes. Tout cela pour des considérations économiques car les terres sont devenues nécessaires pour accroître l’élevage.

De 1880 à la première guerre mondiale, la cité portègne a connu un essor sans précédent. C’est la période de construction de l’Avenida 9 de Julio. Ce sera l’avenue la plus large du monde. On édifie des centaines d’immeubles tous plus beaux les uns que les autres pour accueillir des milliers d’immigrants. Italiens, Galiciens, Juifs de Russie, Syro-libanais, Anglais et Français constituent alors la moitié de la population. C’est la grande époque de la « ville reconnue comme étant l’une des plus belles du Nouveau Monde ». C’est durant cette période, que les classes de citoyens prennent formes.

Les artistes prennent de plus en plus de place dans la cité en créant même la
« république de la Boca », quartier où est né le Tango et qui abrite encore aujourd’hui une faune artistique impressionnante. La capitale devient le lieu de rendez-vous de la société littéraire du monde entier. Cependant, les ouvriers perdent graduellement leur place dans la société politique argentine. La crise économique de 1891 les jettera à la rue, provoquant la naissance du parti socialiste argentin en 1896.

La première guerre mondiale atteindra aussi l’Argentine où se réfugient plusieurs personnalités artistiques européennes. Alors que la capitale se modernise, la crise financière américaine de 1929 portera aussi un dur coup en plongeant ce pays, comme tant d’autres, dans un marasme économique. En septembre 1930, un coup d’État porté par les miliaires renverse le gouvernement légal. La junte militaire, généralement d’extrême droite, prendra le pouvoir. Ce sera le début de ce que certains ont appelé « la décennie infâme » où les crises et le chaos deviennent monnaie courante.

Même si la fin des années trente voit l’amorce d’une reprise économique, la seconde guerre mondiale fera son apparition dans le Rio de la Plata en 1939 entraînant dans son sillon la montée du fascisme. Ce n’est qu’en 1944 que le gouvernement argentin déclarera la guerre à l’Allemagne sous la pression des pays alliés en particulier les Etats-Unis et la Grande Bretagne. Mais il est trop tard et le Président doit démissionner.

Le nouveau président du nom de Farrel aura pour vice-président un certain colonel Juan Peron. Malgré son fascisme, Peron reçoit le support des ouvriers et ce, surtout grâce à l’appui d’une jeune starlette du nom de Eva Duarte rencontrée en 1944 lors d’une cérémonie en faveur des sinistrés d’un tremblement de terre. Juan Peron deviendra Président de l’Argentine en 1946, apparemment démocratiquement, avec à ses côtés son épouse « Evita ». C’est le début du Péronisme qui perdure encore aujourd’hui.

C’est dans cet esprit que j’ai visité un peu l’Argentine.

Buenos Aires

La ville tire son nom de la « Vierge du Bon Air », protectrice des marins qui
« enduraient mille tourments dans les eaux tumultueuses de cette région du monde ». Depuis que je suis toute jeune, cette ville me fascine. En effet, ma mère partageait avec ses filles son admiration pour « Evita », comme les Argentins l’appelaient. Eva Duarte Peron, devenue avec le temps, Evita Peron ou « petite Eva » est décédée en 1952, alors que j’avais 5 ans. Je me souviens de l’émoi que cela avait causé à travers le monde. Ma mère en était très affectée et nous parlait de cette femme comme d’un symbole de la liberté et du pouvoir féminin. Peu de gens savent d’ailleurs qu’Eva Peron a été soignée à Montréal vers 1950, parce qu’il s’y trouvait un centre de traitement du cancer par irradiation à partir de Cobalt 60. Ce dernier était produit dans le réacteur nucléaire CANDU, du laboratoire de recherches canadien de Chalk River.

On se rappellera qu’après la deuxième guerre mondiale la technologie CANDU était en compétition avec la technologie américaine pour produire de l’énergie nucléaire. Or, le procédé CANDU ayant été développé à des fins pacifistes et non militaires, permettait de produire le cobalt 60, avec lequel on commençait à expérimenter des traitements de radiothérapie contre le cancer. C’est sans doute pour cela qu’Evita avait choisi Montréal et l’université McGill pour se faire traiter. Ce traitement était très rare à l’époque et encore expérimental.

Eva Peron est restée à jamais inscrite dans ma mémoire d’enfant. En Argentine, on lui voue presqu’un culte que je partage facilement. D’abord, parce que cette fille, issue des milieux pauvres est morte trop jeune d’un cancer à l’âge de 33 ans. Elle avait rencontré Juan Peron à l’âge de 25 ans en 1944. Elle était devenue alors sa compagne dans l’ascension de celui-ci à la Présidence du pays en 1946. Il avait alors 51 ans.

Ainsi, « Maria Eva Duarte de Peron » a su rassembler autour de Juan Peron toute la classe pauvre de l’Argentine de l’époque. Une fois au pouvoir avec Peron, elle a toujours conservé ce souci d’aider les plus démunis et les plus fragiles, allant jusqu’à obtenir le droit de vote pour les femmes d’Argentine en 1949. Son œuvre sociale compte les pensions pour les retraités, les hôpitaux, les écoles, les colonies de vacances etc. Elle a parcouru le monde pour faire connaître son pays et les nombreux défis qu’il devait relever.

Malheureusement, ses efforts excluaient les intellectuels, les universitaires et les artistes. Malgré cela, par son travail et son talent, elle a contribué à forger l’Argentine d’aujourd’hui. La  « Madone des sans chemise » était bien aimée des indigents et des prolétaires. Elle a assuré le maintien de la dictature de Juan Peron et à son décès, les cérémonies à sa mémoire ont été grandioses. Mais Juan Peron aura tôt fait de, non seulement la remplacer comme première dame, mais également d’éliminer tout son entourage du pouvoir.

Après le décès d’Evita, le régime péroniste a fait l’objet de plusieurs rumeurs concernant notamment « l’or nazi » que le couple présidentiel aurait reçu en compensation de sa collaboration et de l’accueil de nombreux anciens dirigeants nazis. Juan Peron fut donc chassé du pouvoir en décembre 1955. Il s’exila à Madrid en passant par le Paraguay et le Panama. C’est durant son exil que mon mari et moi avons eu la surprise de le découvrir lors de notre voyage de noces sur la Costa del Sol en 1970, alors que nous fréquentions le même restaurant que l’ancien dictateur et son épouse d’alors Isabel. Nous en avons d’ailleurs une photo dans notre album de voyage!

Isabel deviendra la première femme Présidente de l’Argentine à la mort de Peron en juillet 1974, mais pour quelques temps seulement.

Malheureusement pour le peuple argentin, la dictature qui suivit le départ de Peron pour l’Espagne fut encore plus dure que la sienne. La répression des péronistes fut violente. Cependant les artistes et les intellectuels retrouvèrent leur voix et leur liberté. C’est durant cette période que l’on commença à se pencher sur la réalité indigène de l’Amérique latine, alors que la révolution cubaine battait son plein. Il faut rappeler que Che Guevara était argentin et c’est à cette époque qu’il partit pour Cuba afin de collaborer à la libération de l’île.

Durant ces années, le régime péroniste s’est restructuré. Les militaires dirigeaient toujours le pays avec, à leur tête une variété de présidents. Parmi eux, un général catholique intégriste du nom de Ongania, prendra le pouvoir par la force en juin 1966. Il imposera une morale stricte surtout face à la classe étudiante. Il s’ensuivra une autre période de chaos pour le pays alors qu’étudiants et professeurs quittèrent l’Argentine en masse.

En 1970 l’armée déposera Ongania et le remplacera par Roberto Levingston. À ce moment-là tous les groupes révolutionnaires seront majoritairement d’obédience péroniste. En effet, Peron attire les jeunes Argentins qui le compare à Salvatore Allende, l’idole du Chili voisin. Le vieux Peron reviendra donc en Argentine en juin 1973 et sera réélu Président pour la troisième fois en octobre de la même année. Mais le vieux général de 78 ans, est plus attiré par le fascisme que par les révolutionnaires. Ce sera une période de répression extraordinaire jusqu’à son décès en juillet 1974. Mais l’histoire politique turbulente et quelques fois sanguinaire de l’Argentine se poursuivra encore durant de nombreuses années avec des épisodes alternant entre la junte militaire et la démocratie. J’y reviendrai un peu plus loin.

Le péronisme a sans doute évolué et beaucoup changé, mais il demeure encore un parti politique important qui gouverne aujourd’hui l’Argentine sous la férule de Christina Kirchner.

L’icône qu’est devenue Evita Peron est reproduit partout dans la ville de Buenos Aires. Quand on arrive en voiture dans la ville par la célèbre artère principale de Avenida 9 de Julio on ne peut pas ne pas remarquer sur la façade supérieure d’un édifice, la sculpture de fer du profil d’Evita bien en vue sur une pierre jaune. Du côté sud de l’édifice, ce profil parle au peuple des banlieues pauvres avec une image souriante et vivante, alors que du côté nord, elle s’adresse sobrement aux mieux nantis de la ville. Le contraste est frappant.

J’ai aimé Buenos Aires. Pas seulement parce que je réalisais un rêve de voir cette ville, mais aussi parce que c’est une belle ville encore aujourd’hui.

L’obélisque de l’avenue du 9 juillet est le point de repère de la ville et le symbole de Buenos Aires. Inauguré en 1936 en l’honneur du 400ième anniversaire de la fondation de la ville, on prétend que sa forme phallique évoque le machisme des hommes argentins!

Ce qui frappe en arrivant, c’est la verdure de la ville. C’est étonnant parce que la région est plutôt sèche. Dans les faits, tout ce qui pousse à Buenos Aires y a été transplanté et plusieurs de ces plantes proviennent d’Afrique. La plaine de la  » pampa  » est sèche et sablonneuse Rien n’y poussait. Et pourtant aujourd’hui, ces arbres millénaires sont tous plus beaux les uns que les autres. Il y a beaucoup d’espaces verts dans cette ville.

En janvier et février c’est l’été, et la période des grandes vacances pour les habitants de Buenos Aires. La ville se visite alors très facilement. Le temps semble un peu au ralenti, comme partout durant les grandes vacances. Cela permet au visiteur de prendre le temps d’apprécier cette ville de 12 millions d’habitants, soit le tiers de la population de toute l’Argentine. En 1947, les Portègnes formaient toute la population de la ville avec 3 millions d’habitants. Comme toutes les grandes métropoles, Buenos Aires s’est agrandie et le grand Buenos Aires d’aujourd’hui est impressionnant même si le cœur de la ville demeure très accessible. Cette ville constitue un district fédéral et une province en soi.

L’Argentine est une république fédérale régie par une constitution datant de 1853 mais réformée à plusieurs reprises. Elle est partagée en 23 provinces dont les trois provinces de Patagonie (Chubut, Santa Cruz, Rio Negro) n’étaient que des territoires sous contrôle de l’Etat jusqu’en 1956. La Terre de Feu elle, n’est devenue province qu’au début des années 1990. Les Argentins y réfèrent comme étant le « bout du monde » (fin del mundo).

Le Président du pays est élu au suffrage universel direct pour quatre ans. Mme Christina Kirchner termine cette année (2015) son deuxième et dernier mandat comme Présidente de l’Argentine. Elle assume les fonctions de chef de l’État comme celle de chef du Gouvernement. Le pouvoir législatif est aux mains du Congrès partagé entre le Sénat de 72 membres élus pour six ans et, la chambre des députés de 257 membres tous élus pour quatre ans. On nous avait recommandé de visiter l’édifice du Congrès mais le temps nous a manqué. C’est dommage car il s’agit d’un lieu à voir pour mieux apprécier l’histoire de ce pays. Sa visite est gratuite d’ailleurs mais les heures d’ouverture sont restreintes.

Notre visite de la ville s’est faite en deux temps. D’abord à notre arrivée, un ami et ancien collègue de l’Assemblée Nationale et du Conseil des Ministres, André Boulerice et son ami Gilles, résidents d’été de Buenos Aires, nous ont accueillies à notre hôtel. Ensemble ils nous ont permis d’apprivoiser doucement cette ville. C’est en marchant que nous découvrons une ville. À Buenos Aires, c’est un plaisir de se promener à l’ombre d’édifices d’inspiration «Haussmanienne» et d’arbres centenaires.

Au départ de notre hôtel colonial, le « Panamericano », en plein cœur du quartier
« centro », sur l’avenue du 9 juillet, nous avons apprécié la beauté de cette avenue. Evidemment nous nous sommes dirigés vers l’est et les belles rues commerciales piétonnières de la ville dont la rue Florida et la rue Lavalle, puis Cordoba et le grand centre des « Galerias Pacifico ». Nous avons continué vers Puerto Madero et le quartier du vieux port. Ce quartier moderne et en devenir, abrite aujourd’hui tous les grands hôtels internationaux de luxe. Question de goût, ces hôtels offrent un design très moderne mais froid, tellement différents des hôtels coloniaux que je préfère.

Puerto Madero présente néanmoins une belle restauration architecturale. Ces vieux entrepôts offrent aux visiteurs une panoplie de services et de points de visite. Le pont de la femme (Puente de la mujer) est d’une beauté impressionnante par sa simplicité. Ce petit pont piétonnier relie le quartier Puerto Madero au quartier Centro en enjambant la digue no.3 du port du Rio de la Plata. Il est sensé représenter un couple en train de danser le tango, selon son architecte Santiago Calatrava. Il est superbe.

En remontant vers notre quartier Centro après un repas arrosé à l’excellent vin argentin (Malbec), nous avons pris la direction de la Plaza de Mayo passant devant la Casa Rosada, siège de l’exécutif et, la cathédrale métropolitaine devenue célèbre depuis que le pape est argentin. Je me suis demandée pourquoi le nom de Casa Rosada comme siège du gouvernement. Après une brève recherche, il semble qu’elle doive son nom au président Sarmiento, qui en 1873 aurait imaginé un compromis entre les deux forces politiques de l’époque: les Unitaires, symbolisés par le blanc, et les Fédéralistes, symbolisés par le rouge. D’où la maison rose! À Puerto Madero on peut d’ailleurs visiter, toujours sur la digue trois, le premier bateau école de la marine nationale argentine (1897) devenu musée, et qui porte le nom du président Sarmiento.

Quant à la cathédrale de Buenos Aires, avant l’élection du pape François, elle était plutôt connue et visitée pour le mausolée contenant les restes du libérateur de l’Argentine et des Amériques, le général José de San Martin. Ce mausolée est gardé par deux grenadiers. Une flamme éternelle brille également sur le côté droit de la façade avant de la cathédrale en l’honneur de ce dernier, mort en exil à Boulogne-sur- mer en 1822.

On ne peut pas passer sous silence l’émotion ressentie en traversant la Plaza de Mayo. C’est le cœur historique de la ville, fondée en 1580, et la scène de tous les événements politiques importants du pays. Encore aujourd’hui c’est sur cette place que continuent de se rassembler tous les jeudis les mères, devenues grands-mères, des disparus sous la dictature militaire. On ne nous donne pas beaucoup d’informations sur cette période. Il faut arracher les réponses pour obtenir des explications un tant soit peu complètes. Aussi une recherche documentaire est requise. Ces mères ont éveillé le monde à ce qui se passait alors en Argentine. Sans elles, on ne sait pas ce que serait devenu ce pays. Il existe un superbe film argentin produit sur ce sujet. Il m’avait marquée à l’époque où je l’ai vu alors que j’habitais à New York. Il s’agit de « La Historia Oficial » de Luis Puenzo, gagnant de l’Oscar du meilleur film étranger en 1984.

L’après Peron a été encore plus sanguinaire que le retour de celui-ci. Isabel et sa suite ont poursuivi la politique du vieux Peron. En 1976, une junte militaire présidée par Rafael Vidal s’empare du pouvoir alors que les massacres et les disparitions s’amplifient. De 1976 à 1983, les Argentins seront victimes d’une idéologie que certains ont qualifiée « de nouveau nazisme ». Pendant sept ans de terreur, on exterminera des familles entières et on ira jusqu’à prendre aux femmes leurs nouveau-nés pour les donner à des militaires afin de les éduquer dans l’idéologie nouvelle. Personne n’est épargné, même pas les journalistes. Le général Videla commande de «supprimer tous ceux qui ne correspondent pas aux idéaux occidentaux et chrétiens »! La cible privilégiée de la junte est la jeunesse. Il est difficile de s’imaginer toutes les horreurs commises.

Encore aujourd’hui il est impossible de connaître le nombre de disparus. On parle de 9 000. Mais c’est sans compter les disparus non signalés par les familles qui craignaient des représailles. Et elles seraient nombreuses. Certains historiens parlent de 30 000 personnes effacées de la terre à cette époque, à la suite d’une « terreur organisée ». Durant cette période, tous les Argentins ayant les moyens ont fui leur pays pour l’étranger.

C’est grâce à ces « mères » de disparus qui se réunissaient tous les jeudis à 15 heures, sur la place de Mai, devant le palais présidentiel, que le reste du monde découvre tout à coup ce qui se passe en Argentine. Lors de la coupe du monde de football qui a lieu en 1982 à Buenos Aires, les yeux du monde sont tournés sur le pays et la dictature de Viola. Les journalistes internationaux cherchent à comprendre ce pays, et « la marche de la Résistance » réussit à attirer leur attention. La junte militaire sera maintenant discréditée à l’étranger.

La politique des militaires plongera le pays dans une grave crise économique alors qu’il n’arrive plus à assumer sa dette. C’est ainsi qu’un général Galtieri, oubliant l’histoire du XVIII ième siècle, décide d’occuper les îles Malouines pensant pouvoir rassembler le pays et redorer le blason du pays au bord du gouffre. Cela ne durera pas. J’y reviendrai plus loin. Mais le retour à la démocratie sera toujours difficile dans ce pays. L’élection de Raul Alfonsin du Parti radical en 1983 mettra tout en œuvre pour faire oublier cette période. À partir de ce moment-là tous les Présidents du pays tenteront des expériences différentes pour relancer l’économie avec pour résultats un endettement encore plus grand. Depuis ce temps, l’Argentine se débat avec ses remboursements de dette, et ce surtout avec les Etats-Unis!

L’état un peu délabré de certains édifices publics en témoigne. Malgré cela, certains édifices méritent une visite. C’est le cas, du théâtre Colon, pratiquement en face de notre hôtel. Ce lieu encore prestigieux aura nécessité 18 ans et trois architectes à la fois français et italiens, pour sa construction. Débuté en 1890, il fut inauguré en 1908. Il est réputé pour son excellente acoustique. Avec une salle de 2 400 places assises et 300 debout, nous apprenons que la tradition voulait que les femmes et les hommes aient des rangées réservées mais que les places debout étaient mixtes. Les veuves pouvaient assister aux représentations dans des sortes de loges grillagées au niveau du parterre mais de chaque côté de la salle. Elles ne devaient pas être vues! La scène contient trois plateaux mobiles et permet d’offrir des opéras aussi grandioses que l’opéra Aïda de Verdi, choisi d’ailleurs comme premier opéra à l’inauguration du théâtre.

Dans un deuxième temps, notre visite s’est faite en bus pour un tour de ville assez long. Ainsi nous avons pu voir le quartier de Palermo avec la Place des nations unies et sa fleur gigantesque en aluminium. L’Argentine est en effet productrice d’aluminium depuis 1970. La société d’État Aluar exporte environ 70% de sa production d’aluminium. Palermo, est un quartier datant de 1871, alors que les riches familles de San Telmo avaient fui l’épidémie de fièvre jaune qui s’était abattue sur le quartier historique de l’époque. Plus tard, de riches familles du début du 20ième siècle y ont laissé de très belles demeures, aujourd’hui souvent occupées par des ambassades. C’est aussi un quartier en mutation un peu bohème et artistique. Le quartier tire son nom du premier propriétaire terrien Domingo Palermo.

Une visite à Buenos Aires ne serait pas complète sans un arrêt dans Recoleta, du nom de l’ordre des frères Récollets qui y avaient établi leur couvent. C’est dans leur cimetière que se trouve le mausolée et la tombe de Eva Duarte Peron. C’est le quartier parisien de la capitale argentine. C’est un quartier très agréable, très beau et très chic. Les touristes font presque tous le pèlerinage jusqu’au tombeau familial des Duarte pour se recueillir sur la tombe d’Evita. Plusieurs plaques fixées sur le tombeau impressionnant de marbre noir témoignent de l’affection qui lui est portée.

Une balade dans le quartier de La Boca, est déroutante. C’est le quartier des premiers habitants italiens de Gênes et de Naples. Là où est né le tango. C’est un quartier où règne une atmosphère populaire sans doute semblable à toutes les zones portuaires. Dans La Boca, on se sent un peu comme dans les rues de Naples. C’est à cet endroit précis que Pedro de Mendoza aurait fondé pour la première fois Buenos Aires en 1536, sur l’embouchure du Riachuelo qui rejoint le Rio de la Plata. On y trouve le Musée des beaux arts de la Boca « Quinquela Martin » du nom d’un peintre célèbre, enfant du quartier de La Boca. Enfin, une promenade préférablement de jour, sur le Caminito permet d’observer les cafés pour touristes, aux couleurs du quartier. Car des couleurs il y en a beaucoup dans ce quartier…

Enfin, on termine notre visite au quartier de San Telmo où vivaient les marins au XVIIième siècle. Le nom du quartier remonte à Pedro Gonzalez Telmo, un dominicain qui prêchait la Bible auprès des galiciens et qui se voulait protecteur des marins. C’est un quartier populaire incontournable où se concentrent tous les établissements de tango. C’est un quartier de jolis maisons, héritées des familles patriciennes y ayant vécues jusqu’en 1871 mais l’ayant abandonnées lors de l’épidémie de fièvre jaune. C’est à San telmo que nous avons pu assister à un spectacle/repas de tango. À « La Ventana » nous avons goûté le bœuf argentin dans toute sa splendeur et encore une fois le bon vin malbec. Dans la salle du restaurant trône les portraits des héros argentins, parmi lesquels Evita et le pape François 1er trônent côte à côte! Le spectacle vaut le déplacement et j’en ressens encore les frissons.

Après cette dernière journée, nous avons pris notre bateau pour amorcer notre « expérience au bout du monde »!

La croisière vers l’Antarctique ou La croisière s’amuse…

Le bateau est le « Golden Princess ». Dans les faits c’est le bateau ayant servi à l’émission « Love Boat ». Heureusement il a été entièrement modernisé. Ce paquebot loge 3 700 personnes. C’est beaucoup. Personnellement je n’ai pas aimé le bateau: trop grand, trop impersonnel, et trop commercial. Cela étant, la croisière a été très agréable. Notre cabine, une mini suite, nous permettait d’avoir chacune notre espace et de respecter notre intimité. En effet, les cabines régulières de bateau sont souvent petites et pour un couple, cela peut s’avérer agréable, mais pour deux femmes seules, cela nous semblait un peu serré. La salle de bains était spacieuse avec bain et douche. Somme toute un grand confort. Notre responsable de cabine était des plus avenant et notre croisière s’annonçait bien agréable.

Première escale : Montevideo, Uruguay

La première escale au départ de Buenos Aires est sur le Rio de la Plata à Montevideo. La capitale de l’Uruguay a été fondée en 1726. Avec une population d’environ 1,8 millions elle regroupe pratiquement la moitié de la population du pays. Pour y arriver nous avons navigué sur l’estuaire le plus large au monde variant de 48 mètres au début et atteignant 220 km de large à l’océan Atlantique. Tout comme le St- Laurent, Le Rio de la Plata nécessite des pilotes locaux pour la navigation entre Buenos Aires au sud-ouest et Montevideo au nord, à cause de la nature des eaux et des fonds.

L’Uruguay tire son nom d’un oiseau, l’uru qui vivait sur les rives du fleuve Uruguay, lequel sépare le pays de l’Argentine. On y parle une forme sud-américaine du Castillan qui m’est apparue plus facile à comprendre que l’espagnol argentin.

Déjà appelé la Suisse de l’Amérique du Sud, à cause de sa taille, de son niveau de vie et de sa politique sociale démocrate, l’Uruguay a perdu ce titre il y a bien longtemps. C’est grâce à un chef d’État du nom de Jose Batlle Y Ordonez, que le pays s’est doté d’une constitution en 1918 établissant des programmes sociaux encore aujourd’hui inégalés sur le continent sud-américain. Si l’Uruguay a perdu son statut de Suisse de l’Amérique du moins en terme de concentration financière, ce pays demeure un pays de justice sociale, encore social démocrate où, fait à noter, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est de 22%!

La capitale Montevideo montre les signes d’une ville ayant vu de meilleurs jours. Son parlement serait à visiter mais nous ne n’y sommes pas arrêtées. Il a la réputation d’être le plus beau en Amérique latine. Il serait semblable au parlement de Vienne, mais en pierre de l’Uruguay. Mais il faut faire des choix car le temps est court en escale.

Montevideo est une ville assez jolie avec ses édifices du XIXième siècle dans un style des Beaux Arts. Elle est belle et propre avec des parcs et plusieurs beaux monuments historiques et, des musées dont le « Musée des Gauchos ».

Le mot « gaucho » viendrait du mot indien signifiant « orphelin ». En effet, ces hommes étaient pauvres et vivaient seuls sans chef ni patron. À l’exception de leur cheval, leur selle, leur poncho et leur couteau, ils ne possédaient rien d’autres. Leur vêtement est encore utilisé aujourd’hui dans les rodéos ou les spectacles. Il s’agit du célèbre « bombacha», un pantalon bouffant et plissé, porté à l’intérieur de bottes de cuir arrivant aux mollets. Un ceinturon en tissu recouvre une ceinture en cuir retenant le pantalon et, sous lequel ils cachent leur couteau. Le gaucho porte un foulard au cou sans doute pour se protéger du soleil au besoin et se sert de son poncho pour se garder au chaud, comme couverture la nuit et comme outil de défense en cas de bataille au couteau.

Plutôt qu’une visite en ville, nous avons opté pour aller à Punta Del Este. En effet, cette ville côtière à la pointe est sur l’Atlantique, comme son nom l’indique, serait le St Tropez de l’Amérique du sud. C’est là aussi que se tiennent de nombreux congrès prestigieux et des conférences internationales. Elle attire des touristes de partout dans le monde. Mais ce sont surtout les riches brésiliens et les argentins qui y possèdent des propriétés pour les vacances avec quelques riches vedettes internationales.

Après avoir longé l’estuaire et le bord de mer à partir de Montevideo en suivant la superbe Rambla, il a fallu traverser les plaines sèches d’élevage uruguayennes pour arriver à Punta del Este après environ deux (2) heures de route. Tout le pays est couvert de vastes terres où se promènent le bétail et les chevaux. On dit qu’il y aurait 11 millions de vaches en Uruguay, ce qui fait près de quatre vaches par personne! Je crois cette statistique assez juste à en juger par ce que nous avons vu en route. Heureusement, nous avons constaté que récemment les Uruguayens s’étaient mis à la culture d’oliviers en provenance d’Espagne ce qui me semble très approprié pour le type de sol.

Avant d’arriver à Punta del Este, nous avons fait un arrêt à Casapueblo, cette résidence de l’un des artistes du pays les plus apprécié, Carlos Paez Vilaro. Aujourd’hui Casapueblo est un hôtel de 70 chambres, 50 appartements, avec entre autre chose, un musée et un atelier de travail, le tout dans une construction qui fait penser aux constructions de l’île de Santorini (Grèce). Ce serait l’architecte du pays, Carlos Hott, celui-là même qui a conçu l’Opéra Bastille et l’hôtel Hilton de Dubai, qui en serait le concepteur. Bien qu’il soit uruguayen, son bureau est établi à Toronto.

Arrivée à Punta del Este, c’est la surprise. Cette station balnéaire a été mise sur la carte « Jet Set» grâce à son festival du cinéma en 1950. Depuis, sa popularité chez les « riches et célèbres » ne dérougit pas. Les résidences sont magnifiques et leurs propriétaires viennent de partout dans le monde, même s’ils ne les occupent pas très souvent. Les noms des maisons affichent des origines françaises, anglaises, allemandes, espagnoles, portugaises, etc. Chaque propriété occupe une superficie déterminée, autour de 10 acres, et l’entretien des jardins y est obligatoire. Cela fait un ensemble magnifique.

Nous avons pu faire un saut au célèbre musée Ralli qui trône sur un promontoire dans la partie résidentielle. Ce musée privé et gratuit, présente des artistes sud américains et européens. Il est financé par la fondation Recanati Harry du nom d’un riche financier mécène anglais. On y trouve dans ses jardins de magnifiques sculptures de Dali, Bottero, Juarez, etc. La fondation possède cinq musées dans le monde dont celui de Punta del Este fut le premier en 1987. D’autres ont suivi à Santiago (Chili) en 1992, à Césarée (Israël) en 1993, à Marbella (Espagne) en 2000 et enfin, un second à Césarée (Israël) en 2007. Ce dernier est consacré à l’art classique du 16 au 18 ième siècle. Ce fut une magnifique découverte. Malheureusement le temps a été trop court, comme toujours dans ces cas. Mais le jardin des sculptures est inoubliable par la beauté des pièces et le décor où elles se trouvent.

Après un bon repas de luxe au cœur de la ville mais dans la section commerciale et touristique, nous avons quitté cet endroit hors du temps et de toute beauté pour rentrer doucement à Montevideo. En quittant, un dernier coup d’œil à l’œuvre de John Robertson, à l’entrée/sortie de la ville, une sculpture de main humaine sortant de terre, qui symbolise l’homme émergeant de la terre. Vraiment très beau. Un bain de beauté en somme cette visite.

Sur la route du retour nous apprenons qu’il n’y a pas d’autochtone en Uruguay. Leur annihilation a été décidée peu après l’indépendance vers 1850 parce que les Charruas et les Guaranis étaient jugés inassimilables. Fait intéressant, la langue officielle est l’espagnol, mais étant donné la proximité du Brésil au nord, la langue portugaise y est également enseignée comme langue seconde dans le nord du pays.

Enfin nous rentrons au bateau, fatiguées mais encore envoutées par les beautés que nous avons observées! Plus tard, le bateau lèvera l’ancre direction sud vers notre prochaine destination Puerto Madryn, le long de la côte de l’Argentine.

Alors que la veille au soir, nous avons navigué tout en regardant le « Super Bowl » en direct sur grand écran au dernier étage du bateau sous un ciel encore clair, ce soir nous aurons droit à des spectacles, un bon repas et un repos bien apprécié. En effet, nous serons en mer durant toute la journée du lendemain. Ce sera l’occasion de se rattraper dans nos lectures et nos exercices, histoire de brûler un peu de ces calories résultant de menus trop copieux.

Un mot sur ces soupers que nous prendrons en bonne partie à la même table. Nos compagnons de tables sont très sympathiques. Il y a ce couple Jo et Don du Colorado, absolument charmant, dont le mari est à la retraite depuis plus de vingt ans. Cet autre couple de Grenoble, Claude et Claude, dont la dame avait vécu et enseigné au Québec dans le cadre d’une coopération franco-québécoise, tout aussi agréable et qui partage la langue de Molière. Enfin, un autre couple de Québécois de Longueuil de notre âge Marc et Michou, dont le mari d’origine française est à la retraite mais dont l’épouse est encore active, également très intéressant. Somme toute, une belle table que certains soirs nos voisins enviaient à cause de l’atmosphère qui y régnait et du plaisir que nous avions. Nos américains ont réussi à apprendre quelques mots de français et tous ensemble on se débrouillait pour échanger amicalement. Un beau souvenir.

La Patagonie Atlantique

La légende dit que lorsque Magellan débarqua sur les côtes patagonnes en 1520, il aurait été confronté à des Indiens auxquels il attribua une taille démesurée. Or à l’époque, un roman espagnol avait pour protagonistes des monstres immenses nommés « Patagons ». C’est dans cet esprit que Magellan aurait associé ces Indiens aux « Patagons » et que cette région porte le nom de Patagonie! Aujourd’hui on connaît mieux cette région du monde par les exploits d’Antoine de Saint-Exupéry et de son collègue Jean Mermoz, qui y livraient le courrier d’une entreprise française du nom de l’Aéropostale, en partance de Buenos Aires. Pour les américains, cette région leur rappelle plus l’histoire de Butch Cassidy et du Sundance Kid qui s’y sont cachés avec Etta Place et, qui y ont disparu en 1907.

Aujourd’hui il n’y a plus d’Indiens en Patagonie. Ils furent massacrés méthodiquement, moyennant une parcelle de terre en récompense. En conséquence, une « oligarchie » patagonne domine la société de ces régions avec un pouvoir important reposant sur l’exploitation de ces terres.

En naviguant sur l’océan Atlantique, nous apprenons que c’est le deuxième plus grand océan du monde avec une superficie totale de 106,4 millions de kilomètres carrés. Il couvrirait environ vingt pourcent de la surface de la terre et vingt-six pourcent de sa surface aquatique. Son nom se réfère au dieu grec Atlas d’où son nom de « mer d’Atlas ». Ses eaux de l’Atlantique sud fourmilleraient de vie marine. Malheureusement même si nous avons observé longuement la mer depuis notre balcon, nous n’y avons vu ni dauphin, ni tortue de mer.

Notre premier arrêt dans ces régions immenses et superbes sera Puerto Madryn. Ce qui est étonnant c’est que cette ville a attiré l’attention seulement dans les années soixante-dix, alors que la société Aluar y établissait son usine de production d’aluminium. C’est une ville portuaire connaissant aujourd’hui l’un des plus haut taux de croissance en Argentine. Pourtant cette ville doit son existence à des gallois qui, voulant fuir les persécutions religieuses du pays de Galles, s’y établirent en juillet 1865. Le nom de la ville fut choisi en l’honneur de Sir Love Jones-Parry dont le domaine gallois portait le nom de « Madryn ». Il reste peu de chose de ces premiers habitants sauf le nom de la ville.

Puerto Madryn est un port en haute mer dans le « golfo Nuevo », une zone semi- désertique où la température se situe autour de plus ou moins 10C à l’année alors que la température de l’eau varie entre 8C en hiver et 18C en été. C’est un endroit reconnu pour l’observation de la nature et en particulier des baleines. On y trouve des réserves fauniques intéressantes où il est possible d’observer des baleines, des otaries, des phoques et des pingouins, surtout des manchots. La plus connue est la péninsule Valdès classée site du patrimoine mondial de l’UNESCO. La péninsule Valdès a aussi la particularité d’être à 132 pieds sous le niveau de la mer ce qui en fait le point le plus bas de tout le continent sud américain.

Avec son intérêt et ses efforts de promotion pour la protection des baleines, Puerto Madryn m’a fait penser à Tadoussac avec en plus, les neiges éternelles des Andes au loin et un développement immobilier touristique pas mal plus impressionnant en bordure du Golfo Nuevo, sans doute à cause de la proximité de l’usine d’Aluar et de ses besoins en infrastructure. Son musée océanographique, bien que modeste, permet au visiteur de mieux comprendre l’histoire de cette région et ses atouts naturels essentiellement axés sur la mer. Il se trouve sur un promontoire, dans le « Chalet Pujol » du nom de l’ancien propriétaire. On y a une très belle vue du Golfo Nuevo depuis le dernier étage, qui était sans doute l’observatoire préféré de ce scientifique. Quoique modeste, ce musée paléontologique serait le plus important en son genre en Amérique du Sud.

Puis c’est une autre journée en mer qui nous conduira au large. Nous traverserons des conditions de grosse mer. Pas facile de pratiquer le yoga durant cette journée en mer. Malgré les stabilisateurs, le paquebot semble avoir un peu de difficulté. Mais la journée se passe quand même sans problème. Durant ces jours en mer, le bateau devient une sorte de grand centre d’achats où les gens se précipitent pour voir s’il n’y aurait pas d’aubaines intéressantes. Généralement on peut toujours trouver quelque chose, mais ce ne sont pas des aubaines. Les asiatiques sont les plus friands d’achat de bijoux. Les européens sont plus portés vers les vêtements sport américains. Et les américains se promènent un peu et, finissent par acheter un produit souvenir du bateau : t-shirt, blouson, casquette, etc. Le tout avec une animation de danse de Tango tous les après-midi.

Les Iles Falkland ou Iles Malouines

Après cette journée en mer, nous nous réveillons au port Williams, sur la côte est de l’archipel des îles Falkland. Pour les Argentins, ces îles se nomment plutôt les Malouines. Nous descendrons à Port Stanley, la principale ville de l’archipel. Ce dernier comprend deux îles principales : l’est et l’ouest qui, avec 776 autres petites îles composent l’archipel d’une superficie terrestre de 4 700 miles.

C’est le capitaine anglais John Davis qui les auraient découvertes en 1592, mais ce sont les français qui auraient établi la première colonie sur l’ile de l’est en 1764. Ces îles sont situées entre l’Antarctique et le continent sud-américain en pleine mer Atlantique sud, à environ 8 000 miles de la Grande-Bretagne. Avec une population de près de 3 000 habitants, sans compter les militaires (autour de 3 000 peut-être selon nos informations) il convient de se demander pourquoi ses habitants tiennent tant à rester britanniques. Dans les faits, c’est pour des raisons non seulement historiques, mais surtout économiques. Leur niveau de vie dépend de la générosité de la Grande-Bretagne. Pratiquement tout le monde travaille pour le gouvernement ou y est lié de près ou de loin. C’est aussi le gouvernement britannique qui assure l’éducation des enfants en Angleterre au delà de l’école primaire ainsi que les soins de santé.

Pour rejoindre Stanley nous devrons prendre les navettes du bateau. La langue ici est bien sûr l’anglais. Le climat est rude avec des températures de 53F l’été (de décembre à Mars) et de 42F en hiver (d’avril à Septembre). Le paysage ressemble beaucoup à celui de la côte anglaise. Balayée par le vent, Port Stanley a été contrôlé par les anglais en 1845. Les couleurs des maisons et les fermes pittoresques nous rappellent que nous sommes en territoire anglais. L’église ou plutôt la cathédrale âgée de 125 ans est l’église anglicane la plus au sud au monde et « le » point de repère. Juste à côté on peut y observer une arche formée de la mâchoire de deux baleines bleues. Elle remonte à 1933.

Ce port en haute mer se spécialisait dans la réparation des bateaux voyageant à travers le détroit de Magellan en route vers la Californie, lors de la ruée vers l’or. D’ailleurs le port de Stanley serait le plus grand cimetière de bateaux du XIXième siècle. En se promenant dans le port, on peut voir certaines de ces ruines navales.

C’est probablement l’un des rares endroits encore peu touché par la civilisation telle que nous la connaissons. Même si ces îles ne sont qu’à 350 miles de la pointe sud de l’Argentine, elles sont essentiellement britanniques dans leurs habitudes et leur nourriture comme dans leur attitude: polie mais plutôt distante. On peut comprendre l’intérêt de l’Argentine pour ces îles tout comme celui des Britanniques. Aussi le coup « d’éclat » du 2 avril 1982 du général Galtieri ayant forcé l’occupation de ces îles par l’Argentine ne durera pas. Les britanniques les en chasseront trois mois plus tard en imposant une défaite humiliante à l’Argentine (une seconde fois dans l’histoire argentine, la première remontant au XVIIIième siècle) qui y aura perdu 649 soldats, contre 255 pour les Britanniques.

C’est ici que nous allons voir nos premiers pingouins. Ces îles n’étant que peu habitées, la faune maritime s’y épanouit partout. Nous aurons donc la chance de monter dans une vieille Land Rover qui nous conduira sur une ferme privée en bordure de la mer où se retrouvent des colonies de pingouins tous plus impressionnantes les unes que les autres. Il n’est pas facile de s’y rendre car il n’y a pas de route, seulement des chemins qui ressemblent à nos chemins forestiers, mais sans aucun arbre. C’est assez amusant de voir plusieurs Land Rover se frayer un chemin à travers ces vastes champs où broutent des moutons anglais.

Avant de quitter la route principale pour les chemins qui nous mèneront à la mer, nous pouvons observer des équipes d’hommes semblant travailler à l’intérieur de champs clôturés. Dans les faits, ces hommes s’affairent à désarmer les mines cachées sur une grande partie du territoire. Durant la guerre de 1982, des centaines de mines ont été enterrées pour éloigner l’ennemi. Aujourd’hui encore il faut les retirer et c’est le travail minutieux de spécialistes militaires chargés de protéger l’ile.

C’est à Bluff Cove, une ferme d’élevage privé de 35 000 moutons que j’aurai vu des pingouins dans leur habitat pour la première fois de ma vie. Quel spectacle grandiose! D’abord les plus beaux : les empereurs. Ils sont majestueux et vivent en groupes. Leur collier jaune et leur grande taille les distinguent des autres. Les bébés sortent la tête d’entre les pattes de leur parent à l’occasion, comme pour nous saluer.

Un peu plus loin, mais pas trop, des pingouins plus bas sur pattes et plus petits, appelés gorfous (gentoo en anglais) s’amusent alors que d’autres se jettent à la mer. Les bébés ne peuvent pas aller à la mer leur pelage étant trop fragile encore. Ils ne plongeront qu’au mois de mars. Les parents leur ramènent donc la nourriture et quand ces derniers rentrent de la mer c’est très amusant de les voir chercher leurs petits. Ces derniers ne sont pas peureux et s’aventurent souvent près de nous avec un regard qui semble nous demander ce que nous faisons là. Enfin, il y a les manchots, ces petits pingouins blancs et noirs qui sont très bruyants avec des petits cris perçants comme ceux d’oiseaux de proie. Ils font leur nid dans le sol et sont plutôt aventuriers. Leur course est très rigolote! Il y a aussi des manchots de roches également très petits mais nettement plus agressifs. On les appelle les « Rockhoppers ».

Nous avons marché sur la côte entre des petits drapeaux rouges placés à même le sol pour former un sentier d’environ 1 mètre de large. Cela sert plutôt de guide pour éviter de s’aventurer dans les colonies elles-mêmes et déranger les pingouins. Au centre de la côte mais en bordure de mer, un container peint et un peu décoré sert de musée pour aider à mieux comprendre ces petites bêtes. Un autre container adjacent sert de café. Des dames locales servent un « somko » à savoir des gâteaux maisons typiques avec un thé ou un café. Tout cela est tout à fait charmant, délicieux et tout à fait anglais!

Cette visite a été pour moi une expérience inoubliable.

Le Cap Horn, Ushuaia et la Terre de Feu

Le lendemain notre navigation nous fera passer le célèbre Cap Horn. Ce « cimetière de marins » occupe le point le plus au sud de l’Amérique du Sud et marque aussi la limite nord du passage de Drake. C’est une zone partagée entre le Chili et l’Argentine. Il s’ensuit donc une sorte de ballet diplomatique entre les autorités argentines et chiliennes avant chaque passage de navigation. Le passage du Cap Horn est un événement en soi. On nous a remis un certificat pour le prouver! C’est en effet impressionnant d‘observer le phare du bout du monde. Cela ne durera pas très longtemps mais suffisamment pour bien observer la nature rude de la région. Nous avions peine à rester sur le pont tellement le vent était fort. Heureusement du côté tribord où était notre suite, le vent était moins pénétrant.

Ensuite nous remontons vers « Tierra del fuego » ou terre de feu, une province formée d’un autre archipel d’îles. Elle tire son nom du fait qu’au moment de leur découverte par Magellan elles étaient toutes illuminées de feux. En effet, quatre peuples indiens vivaient dans ces steppes, ces lacs et ces forêts où vient mourir la Cordillère des Andes. Pour se réchauffer, ils entretenaient des feux. Ils sont tous disparus sous la pression de la colonisation.

Pour rejoindre cette terre un peu mythique, il faut d’abord traverser le détroit de Magellan. C’est en effet ce détroit qui isole la Terre de feu du continent sud américain. Sa traversée peut être plus ou moins difficile selon le temps qui peut se faire très brumeux. Ce qui fut notre cas. La Terre de feu dépend pour sa partie ouest du Chili et, pour sa partie est, de l’Argentine. Ushuaia en est la capitale argentine.

Ushuaia

Ushuaia est situé dans une petite baie de la Grande Ile de la pointe sud de la Terre de feu sur la côte nord du canal de Beagle. Ce canal tire son nom du bateau HMS Beagle sur lequel Charles Darwin a navigué durant son expédition de cinq ans autour de la pointe de l’Amérique du Sud.

Le panorama à l’arrivée est majestueux avec les cimes enneigées de la Cordillère des Andes à l’horizon. Avec une population de 57 000 habitants, Ushuaia c’est « au bout du monde »! C’est le thème d’ailleurs de la promotion touristique de cette région. Nous sommes ici à la porte de l’Antarctique.

Le temps est pluvieux. Malgré ce temps maussade nous pouvons admirer les toits de tôle ondulé des maisons de différentes couleurs. L’origine de la ville remonterait à 1871 alors qu’une mission anglicane s’y installait. Mais c’est à Augusto Lasserre, commandant de l’armée argentine, que l’on attribue la fondation de la ville en 1884. C’est à compter de ce moment qu’arrivent les premiers pionniers attirés par les rumeurs de présence d’or. Mais la colonisation n’a pas vraiment réussie.

En 1911, le gouvernement s’inspirant de ce qui se faisait en Europe, décide d’y installer un bagne qui abritera jusqu’à 680 prisonniers dans 380 cellules durant toute la moitié du XXième siècle. L’établissement est approvisionné par bateau une fois par mois, alors qu’un microsystème économique se développe autour de la prison et des services nécessaires aux prisonniers comme l’hôpital et le port. Il s’en suit une modeste période d’immigration qui ne prendra son élan qu’après la fermeture de la prison en 1947 par Juan Peron. L’arrivée d’immigrants italiens correspondra avec l’établissement en 1950 d’une base navale, encore en existence aujourd’hui. Dans les années soixante-dix Ushuaia devient une zone franche et les investissements abondent avec des salaires plus élevés que sur le continent. La crise économique générale du pays qui a suivi a eu un impact important sur l ‘activité d’Ushuaia. Aujourd’hui c’est surtout le tourisme qui maintient cette région un tant soit peu active. Par contre, la région demeure une zone franche, à savoir détaxée! Le niveau de vie y semble assez élevé.

Une ballade à bord du « train du bout du monde » nous permet de faire le trajet que les prisonniers accomplissaient matin et soir, pour approvisionner et construire la ville. Les nombreux troncs d’arbres en témoignent encore. Pour s’y rendre on croise le club de « golf du bout du monde » où des amateurs débutent leur partie avec un handicap de 4 et la termine avec un handicap de 22! Amusant comme parcours mais très accidenté avec des verts plutôt petits. On passera également la rivière Pipo et ses chutes. Enfin, on ne pourrait pas quitter cette région sans un envoi postal du « bureau de poste du bout du monde » situé au parc national Ensenada. Lucie y a acheté des timbres très spéciaux pour rapporter à une amie du Québec.

L’ancienne prison de la ville a été transformée en musée. Avec ses deux composantes : l’ancien bagne des récidivistes et la prison militaire, il a la réputation d’être l’un des meilleurs musées d’Argentine.

Nous rentrons au bateau qui quittera un peu plus tard ce centre géographique de l’Argentine et reprendra le canal de Beagle vers les fjords du Chili et Punta Arenas.

Le Chili

En route nous aurons le bonheur d’observer de magnifiques glaciers : Francia, Italia, Romanche. Nous pouvons observer la séparation claire des eaux entre la mer de glace et la mer salée dans ce passage. Mais nous ne pourrons pas voir le plus majestueux des glaciers, «Amalia».  A cause du mauvais temps survenu spontanément, le bateau devra changer sa route et procéder à quelques détours. Cela nous a quand même permis de voir un magnifique arc en ciel sur fond de glacier!

Durant ce passage nous verrons au fil de l’eau ce qui semble être des morceaux de glace. Dans les faits, ce sont des icebergs extrêmement dangereux pour la navigation! Le bruit d’un glacier qui casse et dont les morceaux se séparent pour se déplacer dans l’eau s’appelle « un tonnerre blanc ». Nous n’en avons pas observé au Chili, mais je l’avais déjà entendu en Alaska. C’est assez impressionnant. La clarté jusque tard dans la soirée est extrêmement agréable et nous permet d’observer la nature, les glaciers, les chutes sortant de ces derniers et même, ce qui nous a semblé être des skieurs ou simplement des marcheurs de montagne. En effet, ces régions sont réputées pour des marches en montagne exigeantes mais gratifiantes. Tout au long du passage nous pourrons voir quelques fermes d’élevage de poissons dispersées un peu partout.

L’arrivée à Punta Arenas se fera en matinée. Les formalités d’entrée au Chili sont complexes mais heureusement le bateau s’en occupe. C’est la beauté des croisières. Aucun souci sur ce plan. Les navettes nous conduisent au port d’où nous irons voir d’autres pingouins. Punta Arenas, c’est la porte de la Patagonie Chilienne. Même si cette ville remonte à la découverte du détroit en 1520, par le portugais Ferdinand Magellan dont il porte le nom, ce n’est qu’en 1848 que le Chili y a établi une colonie, pénale, elle aussi. Au XXième siècle les européens ont commencé graduellement à s’y installer. Avant l’ouverture du canal de Panama en 1914, c’était le principal port entre l’Atlantique et le Pacifique. Aujourd’hui c’est une ville portuaire d’environ 130 000 habitants et, à part les activités portuaires et touristiques, l’élevage occupe une grande partie de la population.

Cette fois nous irons voir une colonie de manchots. C’est, dit-on, la plus grande colonie de manchots en Amérique. Ces petits pingouins de Magellan, sont dans une ferme privée aménagée pour les touristes. On y apprend que cette année les pingouins sont arrivés en retard et que la colonie est en changement avec l’arrivée de pingouins empereurs en grand nombre. Mais, à cause de l’éloignement de l’observatoire, nous n’avons pas vu d’empereurs, seulement des manchots. Contrairement à notre visite précédente, le sentier est en bois avec au bout un promontoire d’environ un mètre par 3 mètres et il est hors de question de s’en éloigner. L’expérience est moins passionnante, mais à cause de la vision périphérique des pingouins, nous avons quand même la chance d’en voir marcher un ou deux un peu plus près de nous.

En conclusion, la visite du bras de mer de « Ottway » est décevante à cause du nombre de cars de touristes et de l’aménagement mal planifié. C’est un peu une trappe à touristes! Rien à voir avec Bluff Cove. Par contre, la route pour s’y rendre donne une bonne impression du pays. Nous aurons la chance de voir des « guanacos », un genre de lama ou de chameau. Il y aura aussi des « rheas », un genre d’autruche sans plume, des flamands et des oies sauvages entre autre. Les champs des fermes sont vastes et secs. Les élevages sont nombreux.

De retour au bateau, nous procéderons au passage vers l’océan Pacifique. C’est le plus gros océan sur la terre avec 46% des eaux de surface. Il couvre 165,25 millions de kilomètres carrés. Ce passage est tumultueux et les eaux croisées du Pacifique et du détroit de Magellan sont violentes. La journée en mer sera sportive avec des vagues de 4 à 6 mètres!

Notre dernière escale avant le débarquement sera Puerto Montt. La mer est encore forte mais moins qu’hier. Les vagues atteignent facilement 3 mètres. Cette ville est jumelée à Gaspé au Québec. À cause du temps brumeux nous n’avons pas vu très longtemps les neiges éternelles du volcan Osorno qui surplombe la ville. Mais l’arrivée par la mer est impressionnante. C’est une région très touristique encore. Établie en 1853, la ville a été nommée en l’honneur de Manuel Montt, président du Chili entre 1851 et 1861. Elle a surtout été fondée par les allemands.

Il y aurait environ 211 000 habitants à Puerto Montt. Il y fait beau au fur et à mesure que la journée progresse. Nous aurons ainsi l’occasion de nous y balader doucement et d’y trouver un joli village de pêcheurs à quelques kilomètres de distance du port. Cette marche nous fait du bien après une journée en mer, houleuse. Le marché regorge de poissons magnifiques, de produits locaux et de quelques ateliers d’artisans. Cette région est reconnue pour ces chutes et ces lacs. Je dois avouer que nous étions un peu fatiguées et que notre ballade en ville nous a permis de l’observer passivement. Nous ne nous sommes pas aventurées très loin au delà du village de pêcheurs.

De retour au bateau nous avons été témoins d’un magnifique spectacle aérien offert par un escadron du camp militaire à proximité du port. Le spectacle a duré une bonne heure et nous a permis de terminer notre après-midi sur la terrasse de notre bateau avec beaucoup de plaisir et sous un soleil radieux en sirotant un bon verre de vin Chilien.

Valparaiso, Santiago et le retour

Deuxième port et première ville du Chili, Valparaiso nous accueille dans toute sa splendeur. C’est un port naturel bien protégé qui est devenu le plus important port pour container et cela se voit très clairement dès l’accostage du bateau. Il y a des containers partout sur le port.

Arrivée au port à 7:30 heures, nous débarquerons entre 8 et 10 heures pour débuter une visite qui se terminera à l’aéroport de Santiago. Il faut souligner que sur ce bateau, la logistique des déplacements est impeccable et d’une efficacité remarquable. Cette dernière excursion nous permettra de laisser nos bagages avec la compagnie de croisière pour ne les reprendre qu’à l’aéroport. Non seulement est-ce très pratique, mais cela nous permettra une certaine transition entre le bateau et son rythme lent, et le retour à la vie trépidante des départs!

Aujourd’hui Valparaiso est un site patrimonial de l’Unesco ce qui lui vaut certains avantages par les moyens financiers qui y seraient associés. Cela permet une restauration de son port et de son quartier historique. Ce qui frappe à l’arrivée est la forme de la ville. À cause des montagnes environnantes, Valparaiso est construite en forme d’amphithéâtre. Les maisons semblent accrochées à la colline et pour y accéder une série d’escaliers et de funiculaires ressortent du décor. Sa population de 300 000 habitants vit accrochée aux 43 collines de la ville. C’est assez impressionnant et plutôt joli. C’est l’une des plus vieilles villes du Chili. Avant l’ouverture du canal de Panama, ce port était l’un des plus fréquenté de la côte Pacifique d’Amérique du Sud.

Depuis sa classification patrimoniale en 2003, des investissements importants sont faits dans le vieux port pour y construire des condos, des centres commerciaux et tout ce qui vient avec un port de croisière international. L’avenir dira si cela constituera un atout! Comme dans tous les ports du monde, on trouve une zone bohémienne près du port. On y apprend aussi que le plus ancien journal espagnol du continent « El Mercurio » y est encore publié. Cette ville a subi plusieurs tremblements de terre, mais elle semble toujours s’en relever. D’ailleurs c’est à cause d’un désastreux tremblement de terre en 1730 que les habitants se sont déplacés du bord de la mer vers les flancs de collines, donnant naissance à la ville « amphithéâtre ». Les quinze funiculaires (« ascensores ») restants et les tramways sont en quelque sorte l’héritage de l’histoire de la ville.

La ville est devenue la capitale de la province de Valparaiso en 1842 attirant un grand nombre d’immigrants d’Angleterre, des Etats Unis, d’Allemagne et de France à cause de l’essor des activités maritimes et commerciales. Graduellement après l’ouverture du canal de Panama, elle perd de son influence au profit de Santiago. Néanmoins elle accueille le siège de la chambre des députés, ou le Congrès national, depuis 1990. Cela correspond au retour du droit civil au pays et à la fin du régime militaire d’Augusto Pinochet. L’exécutif ou le siège du gouvernement demeure par contre à Santiago.

On y trouve quatre universités, ce qui est assez étonnant pour une ville de cette taille. Le siège de la marine nationale s’y trouve également, de même que le service des douanes et le Conseil de la culture et des arts. L’emblème de la ville demeure ses collines et quant on monte au mirador Baron, on comprend pourquoi.

Après cette trop brève visite, nous quittons pour Vina del Mar, une ville jardin créée en 1878 et comptant aujourd’hui 400 000 habitants et des vignobles tout autour, dont les vins sont reconnus dans le monde entier. Le long de la courte route qui nous y mènera on aura la chance d’observer le vieux château devenu club des militaires et la résidence d’été du Président, ou plutôt de la Présidente du Chili, Michèle Bachelet. Cette résidence aurait été construite en 1924. Le Casino remonte à la même époque et se veut une reproduction de celui de Monte Carlo. L’ensemble est assez attrayant et constitue un site de villégiature très couru. Mais il ne se compare pas à Punta del Este.

Puis nous filons vers Santiago à travers les montagnes de la Cordillère des Andes. Mais avant, un arrêt pour manger dans une superbe ferme où un BBQ à la mode chilienne (bœuf, poulet, porc) avec danse et délicieux vin local, le tout dans une ambiance sympathique, chaleureuse et amusante. Nos compagnes de tables sont américaines (« genre born again christian ») mais habitent le Paraguay et nous ont vanté la qualité de vie de ce pays (qualité/prix) durant tout le repas.

Puis c’est l’arrivée à Santiago, encore sous le charme des grandes vacances, puisque l’école ne débute qu’en mars ici aussi, et l’université en avril. Même si j’avais déjà vu Santiago pour y avoir fait des affaires, la visiter en touriste a quelque chose d’intéressant. D’abord, la Basilique de Santiago et son quartier animé. La religion catholique est très forte au Chili. On apprend pourtant que la pilule du lendemain est disponible ici, comme l’adoption par un couple de même sexe est aussi possible. Par contre, le mariage des couples de même sexe est interdit. Mais, l’union civile est possible.

Plusieurs écoles et universités occupent les anciennes et magnifiques résidences d’aristocrates. À la fin du XIXième et au début du XXième siècle, la chute des prix du nitrate et du charbon aurait fait fuir ces commerçants laissant leurs villas à l’abandon. Elles ont donc été reprises à des fins éducatives et culturelles. Un arrêt au palais présidentiel nous rappelle que Salvador Allende, le premier Président socialiste élu au monde, s’y serait suicidé en 1973, alors que les militaires s’étant emparés de la « Moneda », lui laissaient quelques minutes de réflexions, seul et isolé dans son bureau. Il y a laissé le mot « Tengo fe en Chile y su destino. » (J’ai confiance au Chili et à son destin).

Tout près de la Moneda on peut voir des bornes de recharge de taxis électriques près de la place de la constitution, bien identifiées. On n’arrête par le progrès! En se promenant vers la cathédrale métropolitaine devant la Plaza de los Armas, nous passons devant l’ancien parlement du Chili. Maintenant à Valparaison ce parlement loge dans un magnifique édifice de marbre rose ou plutôt du granite rose. Son architecture moderne est très différente de l’ancien édifice du centre ville de Santiago, lequel présente plus un style classique. L’ancien parlement aurait été construit sur le site d’une église des jésuites remontant au XVIième siècle et qui aurait brûlé vers 1850 en emportant dans la mort environ 2 000 personnes. En effet, les portes de l’église s’ouvraient par l’intérieur retenant ainsi tout le monde à l’intérieur. Le quartier entourant la cathédrale est appelé « petite Lima » à cause du nombre élevé de Péruviens qui s’y promènent ou qui y tiennent boutiques.

Il y a aussi beaucoup d’universités à Santiago que nous pouvons voir les unes après les autres en route vers le nouveau quartier financier de la ville. Les Chiliens parlent de ce nouveau quartier, comme étant leur « Canary Wharf ». C’est un superbe quartier en terme architectural avec des édifices modernes et de toute beauté. Tous les grands hôtels y ont maintenant leur adresse, comme l’ensemble des grandes entreprises mondiales. C’était ma première visite dans ce quartier et cela en valait la peine. C’est une image en quelque sorte du Santiago moderne et de demain.

Enfin nous quittons la ville vers l’aéroport en saluant la statue de la madone sur la colline St Christophe, un parc de 60 acres que l’on rejoint par funiculaire. Au pied de la colline coule une petite rivière transportant l’eau des Andes, une eau brune chargée de sable et probablement également assez polluée. Cette visite de Valparaiso et de Santiago me convainc de l’avance du Chili sur l’Argentine sur le plan économique. La corruption y semble moins présente également si l’on se fie aux contrôles douaniers. Le contraste entre les deux pays est assez frappant et probablement en croissance. Le Chili paraît, en tout cas aujourd’hui, plus stable autant sur le plan politique qu’économique que l’Argentine.

Puis, nous arrivons à l’aéroport de Santiago où nos bagages nous attendent fidèlement. Notre voyage de retour se fera en douceur mais le froid nous frappera de plein fouet à notre arrivée à Toronto. Cela nous causera un très long délai parce qu’il semble que les bagagistes de l’aéroport aient des contraintes de repos régulier dans leur convention collective, en cas de froid. Or il faisait -24C à Toronto! Notre arrivée à Montréal s’est donc faite à midi plutôt qu’à 9 heures.

Mais le voyage en valait la peine. De plus, nous réalisons que nous avons pratiquement pu tout voir ce qui était promis ou envisagé, le glacier Amalia en moins. En effet dans ces régions du monde, le temps change vite et il est fréquent que les bateaux doivent changer leurs plans de navigation. De plus, le brouillard empêche souvent d’observer les beautés de la nature. Nous avons eu du brouillard mais durant quelques nuits. Les signaux fréquents du bateau nous en faisait part régulièrement certaines nuits!

Alors nous sommes revenues très heureuses de ce périple hors du temps.

Source : plusieurs guides de voyages tel que Hachette, Petit Futé, Michelin et « Buenos Aires es Asi », par Lily Benmayor, Ediciones Arte Y Turismo, 1992.

 

Catégorie : Articles | Imprimer