3 janvier 2020
navigation Turquie en 2019
Une navigation en Turquie en 2019
De mouillage en mouillage en Méditerranée Turque
J’étais allée en Turquie en 2009 lors dune croisière dans les iles Grecques en partance d’Athènes et se terminant à Istanbul. J’avais alors eu la chance de voir Éphèse, ancienne ”somptueuse résidence du gouverneur romain” où le pouvoir de Rome s’observe par les magnifiques ruines à peine abimées encore aujourd’hui. On prétend que 150 ans après J.-C., pas moins de 250 000 personnes habitaient Éphèse, alors partie de la colonie de l’empire romain. Mais cette cité magnifique suscite l’envie. Si bien qu’après de multiples ravages, l’empereur Constantin converti au christianisme, transfère la capitale de l’Empire à Bysance en 312 et la rebaptise Constantinople en 330. Il interdit les cultes païens et remplace les temples par des églises. Cette civilisation durera 11 siècles au cours desquels la ville sainte sera encerclé de murs et de forteresses que l’on disait imprenables. Mais elle finit par tomber aux mains des Ottomans et devint Istanbul! C’est là que débute cette aventure.
En septembre 2019, ma soeur Luce et moi avons choisi un voyage en bateau depuis la côte méditerranéenne au sud-est de la Turquie, à la rencontre de la Méditerranée et de la mer Égée. Ce périple s’est déroulé dans les eaux ”turquoises” et cristallines des nombreuses baies longeant les terres où défilent le pays des Lycéens dont Homère parle dans son ”Iliade”.
Notre vol vers Istanbul se fait sur Turkish Airlines. On m’avait recommandé cette compagnie avec raison. Notre vol d’une durée de 9h30 sans escale vers Istanbul débute avec du champagne Tattinger au départ de Montréal en fin de soirée. La classe affaire est très confortable avec des sièges pouvant s’allonger entièrement, un chef en résidence et un bar depuis lequel le personnel voit à nos moindres désirs. J’ai aimé les petits détails à la manière turque par exemple, le petit lampion dans un origami blanc sur le plateau repas du dîner et les condiments dans des petits minarets! Déjà on sent la délicatesse de l’Asie. Le menu est intéressant et varié. Le ravioli aux champignons servi par le chef lui-même était divin comme tout le reste. Comme je ne dors pas beaucoup en avion je me suis rattrapée dans les films à voir. Le petit déjeuner était turc avec des fruits et de l’excellent café servi dans des tasses en porcelaine campées dans un support argenté en plastique. Plutôt ordinaire mais joli quand même. Nous atterrissons à 15 heures, heures d’Istanbul. Le nouvel aéroport d’Istanbul est immense et magnifique. Désormais tous les vols internationaux arrivent à cet aéroport. Il est par contre loin de la ville. Heureusement la navette de l’hôtel, que nous avions réservée, nous attendait à l’accueil. Ce fut très agréable après un long vol.
Nous avions choisi l’hôtel boutique ”Pierre Loti”, un nom très commun à Istanbul. Cet officier de la marine française a laissé sa marque dans ce pays. Il était très amoureux d’Istanbul mais surtout d’une jeune femme du nom d’Aziyadé appartenant au Harem d’un homme plus âgé. Il en parle dans son livre Fantôme d’Orient (1892). Notre hôtel est situé à la porte du quartier historique de Sultanhamet sur la rive européenne. Il est confortable. Le service y est excellent. Il compte un restaurant sur la rue et un autre sur le toit d’où nous pouvons voir la corne d’or et la mer de Marmara. Le tout est agréable pour un séjour. Nous y logerons une nuit à l’arrivée et une semaine au retour de notre navigation. Il était important de vérifier s’il ferait l’affaire pour une semaine complète!
La ville d’Istanbul est fascinante parce qu’elle est à la fois occidentale et orientale, ayant un pied sur chacun des deux continents. Son histoire est complexe et j’y reviendrai plus loin.
Après une nuit de repos nous retournons à l’aéroport d’Istanbul pour prendre un vol vers Dalaman, aéroport de la région très touristique de Mugla. À l’arrivée nous prendrons une voiture pour nous rendre dans la baie de Göcek. C’est à la Marina de Göcek que nous monterons sur le bateau qui sera notre résidence pour notre semaine de navigation. Notre chauffeur est bien à l’arrivée mais ne comprend pas un mot d’anglais ni de français. Nous nous sommes débrouillées pour lui faire comprendre où nous voulions nous rendre et après quelques arrêts et coups de téléphone, il nous conduit à bon port. J’ai appris par la suite, que ce chauffeur était le père du propriétaire de l’agence avec laquelle les arrangements avaient été faits. Ce dimanche, l’agence était très occupée et ce dernier avait demandé à son père de le remplacer pour ce court trajet. Il avait seulement omis de lui indiquer précisément où il devait nous conduire.
Nous avons été très surprises qu’il y ait si peu de français dans ce pays. Il y a beaucoup de touristes britanniques mais pratiquement pas de touristes français. Il semble que ce soit la même chose en Grèce. Sans doute avec le tourisme de masse, les anglophones, américains ou britanniques ont envahi ces régions magnifiques et l’anglais est devenu visiblement la ”lingua franca” des touristes.
Notre arrivée à la Marina avait été devancée puisque nous devions lever l’ancre seulement le lundi matin. La propriétaire du bateau nous a offert de monter à bord la veille quand nous lui avons dit que nous ne voulions pas loger dans un hôtel local mais qu’il valait mieux arriver la veille pour être certaine d’être à l’heure. Tous les autres passagers attendus habitaient dans la région. En arrivant, nos cabines étaient prêtes mais c’était le branle-bas de combat sur le bateau. Les derniers préparatifs allaient bon train et la propriétaire nous informe que son matelot ayant quitté, son remplaçant était tout nouveau et il faudrait sans doute lui montrer plein de choses. Heureusement il ne s’agissait pas du cuisinier! Après les présentations d’usage, nous saluons le capitaine, son fils, agissant comme cuisinier et, le nouveau matelot.
La propriétaire du bateau est canadienne et se prénomme Sue. Elle vient de Calgary. C’est l’épouse du capitaine. Luce l’a baptisé l’Amirale. Pourtant elle n’a rien d’autoritaire. Elle est plutôt douce et s’occupe surtout du marketing, des réservations et de la logistique qui en découle. Le reste est pris en charge par le Capitaine qui connaît bien son bateau. Elle nous incite à aller nous promener en nous rappelant que le service ne débutera que le lendemain, ce qui avait été convenu antérieurement. Une fois en tenue sportive, nous partons à la découverte de ce petit port assez charmant. On se familiarise, faisons quelques achats, explorons les restaurants pour le repas du mid et pour le dîner plus tard. Une belle journée d’ajustement à notre nouvelle vie marine.
Le bateau est ce que les Turcs appellent une ”Gület”. Il s’agit d’une sorte de goélette d’où vient d’ailleurs son nom sans doute. C’est un bateau à fond plat, en bois avec une poupe élargie. Cela permet d’avoir quatre (4) cabines d’invités en plus de la suite du capitaine. Cet aménagement offre la possibilité d’avoir une grande terrasse sur le devant du bateau. Cela est très agréable pour s’étendre, lire ou dormir. Les cabines offrent un lit double ou deux lits simples, une salle de bain avec douche, toilette et lavabo avec la climatisation si besoin est. À la fin septembre, la climatisation n’a pas fonctionné beaucoup mais en saison estivale je suis certaine qu’elle doit fonctionner parce qu’il fait chaud dans cette partie du monde. Le bateau est bien tenu et mesure environ 20 mètres. Son nom: ”Arkadaslik”, signifie ”amitié”.
Luce remarque que l’équipement de navigation est plutôt rudimentaire: pas de sondeur de profondeur, ni de boussole ou autre équipement maritime électronique. Il n’a pas de quille, c’est la voile qui sert à garder l’équilibre du bateau. Après échange avec le capitaine, elle comprend qu’il connaît sa région ayant pêché dans ses eaux toute sa vie. Nous constaterons plus tard que la profondeur de l’eau est très grande dans cette région où on navigue à vue!
La navigation est idéale pour découvrir les côtes turques. Nous avons un parcours qui nous permettra de longer la côte turque, traverser en Grèce et revenir dans la région de Mugla. le circuit a été convenu d’avance mais selon la propriétaire, elle peut répondre aux circuits désirés par ses passagers. La Turquie a une longue histoire et nous en découvrirons quelques parcelles seulement.
Nous ne connaissions pas nos voisins de cabine avant d’arriver, mais la propriétaire était convaincue que nous les apprécierions étant donné qu’elle les connaissait déjà. Avant de finaliser nos engagements nous avons beaucoup échangé par courriel afin de bien comprendre ce dans quoi on s’embarquait pour ne pas avoir de mauvaise surprise. Nous avons loué deux cabines, mais il est possible de louer tout le bateau. Le prix de la location dépend du circuit bien sûr, mais couvre toute la cabine quelque soit le nombre de personnes qui y logent, incluant les repas et les breuvages alcooliques ou non. J’ai compris que ce type de navigation était très populaire dans cette région qui s’y prête d’ailleurs à merveille.
Le lendemain matin les autres passagers arrivent. Il s’agit de deux veuves allemandes, Monika et Brigitte, et d’un couple de Britanniques, Elaine et Gareth. Ils habitent tous Féthiye, une ville touristiques tout près du port de Göcek. Ils nous apprendront beaucoup de choses sur Féthiye où de nombreux européens, surtout britanniques, passent leurs hivers. Pour Elaine et Gareth il s’agit d’immigration parce qu’ils ne retourneront pas en Angleterre, ou plutôt en Ecosse. Ils se sont retirés dans cette région où les soins de santé seraient impeccables et où les britanniques ne voient pas leurs revenus de retraite imposés (sauf celles en provenance de l’Etat), les deux pays ayant signé un traité fiscal à cette fin. Cela explique la forte présence de britanniques dans la région! Nos deux amis britanniques en ont visiblement assez de la Grande Bretagne, même s’ils possèdent encore une propriété là-bas ”pour quelques temps encore”… Quant aux deux allemandes, Brigitte vit en Turquie depuis plus de trente (30) ans où elle s’est installée avec son mari, décédé depuis, alors que Monika habite Berlin mais vient passer quelques temps sous le ciel clément de Féthiye qu’elle fréquentait déjà avec son mari, décédé également. Avec le Capitaine Oktay, la propriétaire Sue Fockner, le chef Ozan et le matelot Semih on lève l’ancre pour la baie de Koca Bük.
Nous croiserons quelques îles de la Baie de Féthiye et il nous faudra environ deux (2) heures pour arriver au mouillage de Koca Bük pour prendre notre premier repas sur le bateau. En arrivant nous plongeons dans ces eaux magnifiques à environ 26C-30C. La salinité de l’eau surprend comme sa clarté. On voit très bien le sable fin à 10 mètres de profondeur sans problème. Notre premier repas est excellent et tous les mets sont bien présentés et assez raffinés. Le ”Meze” est composé d’une quantité de petits plats froids et chauds, à la fois salés et sucrés et quelquefois assez pimentés. Beaucoup de légumes qui sont souvent accompagnés de yaourt au lait de chèvre ou de brebis. C’est absolument délicieux. Le vin rosé est bienvenue et nous faisons tous connaissance entre passagers. Sue veille discrètement au grain mais intervient peu avec les passagers à moins d’être interpellée ou de s’enquérir de nos choix.
L’après-midi se passe en étudiant les cartes pour nous situer et comprendre notre navigation, interrompant nos études par quelques bains de mer fabuleux. La journée coule doucement sans que l’on s’en rende compte. Ce soir-là il a fait un peu chaud et Elaine a dormi sur le pont. Le lendemain matin, elle nous a dit préférer cela parce qu’elle est plus confortable. Si j’ai bien compris dès que le bateau s’éveille et que les matelots s’activent elle descend dans sa cabine.
Le deuxième jour de navigation célèbre l’anniversaire de Brigitte. C’est le jour où Luce ne s’est pas levée. Vers 11 heures je me suis un peu inquiétée alors j’ai frappé à sa porte de cabine. La belle dormait paresseusement dans son lit ”puisqu’elle n’avait rien à faire comme elle était passagère”. Elle venait de réaliser que ses vacances seraient différentes de ses habitudes de navigation alors qu’elle était propriétaire de son bateau! Nous avons pris le petit déjeuner sans elle et souhaiter bon anniversaire de naissance à Brigitte pour ses 67 ans. Une discussion sur l’âge s’en suit et tout le monde s’étonne de notre condition physique. Nous nous engageons pour la navigation de la journée qui nous mènera à Marmaris puis à Kardiga Bay pour la nuit alors que Luce s’amène sur le pont tranquillement. J’ai l’impression que ses vacances viennent de débuter!
Marmaris est un petit village très pittoresque entourée de palmiers avec une forteresse convertie en musée. Malheureusement le village est envahi par des Russes qui y possèdent quantités d’appartements. C’est joli mais très achalandé. En arrivant le coup d’oeil est agréable malgré un grand nombre de vacanciers de conditions variables. Les petites rues de la ville sont charmantes mais comptent un peu trop de boutiques de toutes sortes où se trouvent beaucoup de contrefaçons comme à plusieurs endroits en Turquie. La clientèle touristique est consommatrice ici. Du haut de la forteresse nous pouvons très bien apercevoir notre ”caïque”, nom générique donné à notre type de bateau. Ce bateau a déjà quarante ans (40). Il est bien entretenu et modernisé ce qui le rend très confortable. Il est aménagé pour des séjours de plus de quelques jours et les circuits proposés à l’occasion tiennent compte du besoin d’approvisionnements essentiels et réguliers. Lors des escales, chacun visite les lieux à son goût. Le rythme est lent et les heures d’embarquement sont convenues d’avance pour éviter des désagréments. Nos voisins de cabine sont aussi disciplinés que nous et il n’y a pas eu de retardataire dans aucun des ports. À Marmaris, nous remettons nos passeports au capitaine pour les formalités de sortie de Turquie puisque demain nous naviguerons vers Rhodes en Grèce.
De retour sur le bateau nous levons l’ancre en direction de la baie de Kadirga, pour le mouillage de la nuit. Durant cette navigation nous échangeons sur différents sujets. Elaine, une ex-directrice des services d’impôts britanniques nous expliquent les raisons pour lesquelles il y a tant de britanniques installés en Turquie. À part les avantages fiscaux, pour les Britanniques, les services de santé de grande qualité que le coût de la vie serait assez faible. Tous nos compagnons de bateau en témoignent. Au souper, nous célébrons l’anniversaire de Brigitte avec gâteau et champagne dans un bel esprit festif.
Le lendemain matin le réveil se fait tôt alors que l’équipage s’active pour les préparatifs de départ vers l’île Grecque de Rhodes. La traversée prend quelques heures durant lesquelles chacun vaque à ses intérêts. On s’informe sur Rhodes. J’ai un bel échange avec Gareth, un ingénieur très intéressant qui a pratiquement fait le tour du monde et qui s’amuse avec son nouveau jouet, une caméra ”pro” avec laquelle il peut faire des films sous l’eau. Il fait des tests et nous nous amusons beaucoup. Elaine et Gareth sont vraiment très intéressants et ils partagent leurs expériences professionnelles avec humour et générosité. Chacun souhaite bon anniversaire à Luce cette fois, et on convient que nous prendrons le souper dans un restaurant de la vieille ville de Rhodes chez des amis de Sue et du Capitaine. Nous sommes à environ 18 km de Rhodes.
La navigation est douce et nous abordons la marina de Rhodes juste en fin d’avant midi. La marina pour petites embarcations est loin du port des gros bateaux. On nous y conduit tous ensemble après le passage obligé à la douane. En quittant la zone portuaire chacun choisit son circuit. Comme je suis déjà allée à Rhodes je suggère de visiter l’île puisque nous irons dans la vieille ville en soirée. En étudiant une carte de l’île affichée à la sortie du port, nous échangeons dans la langue de Molière. Un chauffeur de taxi nous aborde en français et nous offre de nous servir de guide à bord de sa très belle mercedes E200 noire. Nous ne pouvons refuser cette offre et nous négocions les conditions qui nous permettront de mieux comprendre l’île de Rhodes et son histoire étant entendu qu’à la fin du tour nous descendrons à la porte de la vieille ville. Le nom de Rhodes concerne à la fois l’île et sa ville principale. Cette île a la forme d’un fer de lance d’environ 80 km de long par 38 km de large. Elle compte plus de 200 km de côtes dont une grande partie est rocheuse. Par contre l’intérieur est riche de cultures d’olives évidemment, de vignes, d’agrumes etc.
Cette visite de l’île est extrêmement intéressante. D’abord parce que notre guide est très cultivé. Il connaît bien son île et parle un français impeccable. Nous prenons la route du bord de mer et de cette façon nous découvrirons la nouvelle Rhodes comme la vieille. La nouvelle ville de Rhodes remonte à l’empire ottoman et encercle la vieille ville à laquelle on réfère également comme étant la citadelle de Rhodes. Rhodes est la plus grande île de l’archipel du Dodécanèse et possède une histoire très riche ayant été occupée notamment par les romains, les croisées et les arabes. C’est ici que se croisent les mers Égée et Méditerranée. Les points de vue sont impressionnants et ce qui frappe c’est la quantité de touristes en bord de mer pour un mercredi. Mais cette île est très courue par les touristes et nous sommes encore en saison touristique à la fin septembre.
En passant en bord de mer, nous pouvons imaginer le site possible où le ”colosse” de Rhodes fut érigé à l’entrée du port de Rhodes. Cette sixième ”merveille du monde” était gigantesque, avec environ trente mètres de haut. Il représentait le dieu Hélios, le dieu soleil. Il s’écroula et disparut à la suite d’un terrible séisme plus de 200 ans avant J.-C.. Ce qui fait que le site déterminé n’est que pure supposition.
Notre tour de l’île nous fait monter jusqu’en haut d’une colline où nous pouvons marcher et visiter les ruines récemment mises au jour, d’un théâtre grec, d’un stade et des vestiges de ce qui fut une ville antique. Ces ruines sont bien conservées et permettent d’imaginer avec assez de justesse l’envergure de cette ville de l’antiquité. En redescendant vers la mer, nous découvrons les différents quartiers dont plusieurs maisons aujourd’hui appartiennent à des étrangers. Cela fait augmenter le coût de la vie pour les résidents de cette ville selon notre guide. La ville de Rhodes est située au nord de l’île et il est facile d’observer que la principale source de revenus de la ville soit le tourisme.
De retour à l’une des portes de la vieille ville nous nous engouffrons avec tous les touristes dans la forteresse de Rhodes, la vieille ville. La qualité de conservation de cette forteresse est indéniable et son ensemble est impressionnant. Comme nous savons que nous reviendrons ici pour la soirée, nous filons à travers les petites rues pour rejoindre le château des Grands Maîtres où aboutissent pratiquement toutes les petites rues de la cité médiévale. C’est le ”royaume” de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem qui occupera l’île durant plus de deux siècles, de 1291 environ jusqu’en 1522. Ces héritiers des ”Hospitaliers” y construiront des auberges, des hôpitaux, des églises etc. pour accueillir, nourrir et soigner les chevaliers de passage conformément à l’esprit des premiers compagnons du frère ”Gérard l’hospitalier ». L’ordre religieux catholique hospitalier et militaire remonte au temps des croisades et disparaîtra au XIXe siècle.
On retrouve d’ailleurs en marchant dans ces petites rues, les auberges bien identifiées du nom de la langue de leurs visiteurs/occupants: celle de la langue de France, de la langue d’Auvergne, de la langue de Provence, de la langue d’Aragon, de la langue de Castille etc… En effet, les chevaliers ne parlaient pas tous le latin et pour éviter des conflits il était mieux de les loger selon leur langue commune. Chaque langue avait son auberge et une hiérarchie existait au sein de chacune des auberges. Ces magnifiques constructions de la vieille ville de Rhodes relèvent du travail des chevaliers de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem.
Rhodes constituait à cette époque, le dernier rempart de la chrétienté contre les Sarrasins. La cité ”hospitalière » a résisté une première fois au siège ottoman mené par Mehmed II (le vainqueur de la prise de Constantinople) en 1480. Elle tomba finalement aux mains de Soliman le Magnifique en1522. Néanmoins la population rhodienne restera sous la protection (religieuse) du patriarche grec de Constantinople. En remontant vers le château des Grands Maîtres, nous pouvons lire les nombreuses plaques rappelant le rôle de chacun des bâtiments restaurés au fil du temps, en tout ou en partie. Le circuit est bien documenté. La visite du château des Grands Maîtres se résument à quelques parties du château à cause du grand nombre de visiteurs et du temps qui file.
En quittant le château nous nous arrêtons pour casser la croûte sur une terrasse surélevée face à la bibliothèque de Soliman le Magnifique. Malheureusement elle est fermée ce jour-là. Ce sont les aléas du voyage. Mais je me rappelle ma visite d’il y a quelques années. Elle m’avait tellement impressionnée. C’est à ce moment-là que l’on réalise combien cette partie du monde a toujours été avancée sur le plan culturel. Cette bibliothèque était réservée à l’usage exclusif du sultan dont on dit qu’il fut le plus grand sultan de l’empire Ottoman ayant régné 46 ans (1520-1566), le plus long règne d’un sultanat.
En redescendant vers le port pour rentrer au bateau afin de se reposer un peu avant d’aller souper, on est en mesure de s’imprégner de l’esprit des lieux malgré le nombre impressionnant de touristes! Décidément cette partie du monde subit le tourisme de masse de façon assez importante.
Après un petit repos nous montons sur le pont pour prendre le champagne de circonstance afin de célébrer l’anniversaire de Luce. Nous partons tous, incluant les deux matelots, vers la vieille ville et le restaurant ”Mama Sofia” dans un bon esprit.
La famille nous attend et une grande table est montée pour nous sur la place, à l’abri de la circulation piétonne. Le restaurant nous offre un ouzo puis nous choisissons différents plats à partager. L’échantillon de plats grecs est impressionnants et nous tentons de goûter à tout. Tout est bon et le vin coule abondamment. Au dessert, un troubadour grec s’amène pour ”sérénader” la fêtée. Tout le monde s’amuse et la fête continue jusqu’au bateau.
En somme, une belle soirée douce, festive, gaie et généreuse. Luce met fin à la soirée vers 23:30 ce qui constitue un exploit! Elaine monte en pyjama pour dormir sur le pont alors que Gareth, après avoir bien pris soin de Luce toute la soirée, descend dormir dans sa cabine comme nous toutes. Tout le monde est tombé dans les bras de Morphée en toute sérénité et sans arrière-pensée mais avec des beaux souvenirs! Le lendemain matin nous lèverons l’ancre à 8 heures vers l’Île de Symi. Après toutes les festivités, ce sera un peu tôt, mais bon c’est le capitaine qui décide…
Le lendemain matin, à la levée des corps, nous naviguons durant deux heures vers la baie de Bozukkale en Turquie pour le petit déjeuner en mouillage. C’est un endroit avec différentes ruines et d’ailleurs son nom se traduit par ”château brisé”. Le bain de mer nous rafraîchit les esprits et le corps nous ramenant à la réalité. Luce est soucieuse. Elle me dit qu’elle a perdu une jolie bague achetée avec moi l’année précédente au Japon. On s’informe et personne n’a rien trouvé. Nous n’avons pas bu au point de perdre la raison quand même. Franchement, je me dis qu’elle a dû la mettre de côté et ne s’en souvient pas. Cela reviendra. En bonne avocate, elle a ses soupçons, mais il ne se passe rien. On oublie la chose et on espère que cela se règlera bien d’une façon ou d’une autre.
À ce mouillage, nous observons de nombreuses tortues qui nagent nonchalamment près du bateau. La première est assez grosse mais les autres font environ 60 cm de diamètre. Puis nous reprenons la mer vers l’île grecque de Symi où nous accostons en début d’après-midi. C’est l’ile d’approvisionnement en alcool surtout, à ce que nous dit Sue. À l’arrivée au port en attendant les formalités douanières, nous observons les nombreuses personnes dans l’édifice de la mairie. Ce sont des migrants qui attendent désespérément leur autorisation de séjour. Il faut être prudent nous dit-on. Cette île est inondée à chaque printemps semble-t’il. Luce et moi décidons d’explorer ce joli port et prenons un petit train touristique pour en découvrir le plus possible. C’est un lieu touristique pour les grecs et il y en a beaucoup qui nous regardent avec intérêt et peut-être un peu de suspicion. Mais la ballade est divertissante. Cette île a été rasée par les allemands lors de la deuxième guerre mondiale et depuis, elle a été reconstruite à l’italienne comme avant. Au retour on vient nous chercher en canot pour revenir au bateau.
Après cette courte pause, nous reprenons notre navigation dans les eaux turques. Nous jetterons l’ancre vers 18 heures dans la péninsule de Bozburun. En route, j’observe une chèvre pratiquement en suspens sur une colline rocheuse qui semble se faire chauffer au soleil. Au début, je croyais à un sculpture mais quand elle s’est mise à bouger j’ai bien vu qu’il s’agissait d’une chèvre très athlète. Un spectacle désarmant comme beaucoup durant ce voyage. Au coucher du soleil on voit très bien le caractère désertique de cette région en automne. Au mouillage, après un bain de mer agréable nous prendrons un bon ”raki” (ouzo et eau) avant un bon repas aux étoiles. Il fait un peu plus frais ici aux environs de 20C et certains sont plus frileux que d’autres. Mais la soirée est douce et nous avons un peu de récupération de sommeil à faire!
Le lendemain on se réveille en douceur. Il fait chaud et nous voguerons vers Ekincik une fois les formalités turques complétées. La navigation durera six heures vers la baie de Dalyan. Durant cette navigation nous aurons la chance d’observer un paysage très particuliers.
Sur les montagnes environnantes de nombreux tombeaux lycéens sont creusés dans le roc de la montagne. Ils offrent des façades sculptées magnifiques ayant traversées le temps puisque ces tombeaux remontent jusqu’au 4 ième siècle avant J.-C. C’est un spectacle saisissant.
L’eau est magnifique, d’une couleur turquoise incomparable et avec une profondeur impressionnante. Les deux matelots tentent depuis le début de notre périple de pêcher des poissons en laissant traîner leur ligne le long du bateau durant la navigation. Aujourd’hui ils semblent avoir réussi à en attraper un. Malheureusement, ils n’ont pas réussi à le capturer parce que la ligne s’est cassée. Il était peut-être un peu trop lourd. Dommage. Ils sont bien déçus. Le souper est tranquille et malgré l‘échec de la pêche nous mangerons de l’excellent poisson.
Le lendemain on lève l’ancre à 7:30 heures pour naviguer vers la baie de Hamam et y passer la journée. Ce lieu aurait abrité le Hamam de Cléopâtre. Il y a beaucoup de bateaux aux alentours parce que nous sommes au début de la fin de semaine. C’est un lieu très visité. Durant cette navigation j’ai eu une grande victoire. Pour la première fois ou presque, j’ai battu Luce au ”scrable”. Cela n’arrive pas souvent alors je tiens à le souligner. Luce est la championne de la famille à ce jeu.
Enfin, le lendemain ce sera notre retour dans les îles de Göcek et la dernière journée de cette navigation hors du commun. Durant ce dernier mouillage nous sommes témoins d’un phénomène apparemment assez fréquent dans ces eaux. Un magnifique bateau moteur (cruiser) ancre pas très loin et deux ou trois hommes se trouvent sur le pont quand nous voyons deux très jeunes filles sauter à l’eau suivis de deux d’entre eux. Visiblement tout le monde s’amuse de manière très particulière sur ce bateau. Le lendemain matin ils partiront assez tôt après une soirée un peu olé, olé…
En cette dernière journée, ce sera les préparatifs de départ, les derniers bains de mer et les bagages. Luce a retrouvé sa bague évidemment et tout le bateau s’est réjoui qu’aucun de nous ne soit un voleur! Nous rentrerons à la marina de Göcek vers 9 heures et notre chauffeur Mustafa nous cueillera à 10:30 heures pour nous conduire à notre prochaine étape: Antalya.
En route vers Antalya
Mustafa est un nom fréquent en Turquie,( comme Jean-Pierre en France ou Fritz en Allemagne). Notre chauffeur est sympathique et s’exprime très bien en anglais. Notre route est longue mais belle. Le paysage est extraordinaire. Chaque baie est plus belle que la précédente. Nous arrêtons à quelques endroits pour observer cette côte turquoise. C’est l’automne mais on ne le dirait pas en regardant le paysage depuis cette route de corniche moderne. Nous prenons le lunch à Kas, une jolie ville de bord de mer. En turc, le nom de ce petit village signifie ”sourcil”. Il repose sur le fait que la ville serait à l’entrée d’une petite péninsule ayant la forme d’un sourcil! De notre restaurant sur la rade nous pouvons observer quelques exemples de maisons ottomanes avec de jolis balcons et des portes massives. Encore ici il y a beaucoup de touristes britanniques. Il y a de la vie dans ce petit bourg. Malheureusement nous n’aurons pas le temps de visiter ce lieu qui abrite de nombreux vestiges archéologiques notamment des tombeaux lycéens. C’est aussi dans les environs de Kas, que l’on trouve l’Eglise St -Nicolas et les vestiges des cités englouties par la montée de la Méditerranée au fil des ans et des siècles.
Il faut continuer vers Antalya, parce que le temps file et il reste encore une longue route. Nous y arrivons à 17:30 heures pour constater l’importance de cette ville. C’est l’une des stations balnéaires les plus fréquentées de cette côte. Cela est dû non seulement à sa situation avantageuse, mais également à son climat exceptionnel offrant 300 jours de soleil par an! Cette ville est intéressante. Nous y pénétrons par la nouvelle ville. Notre hôtel se trouve dans la vieille ville, appelée aussi Kaleiçi, où il faut circuler à pied, à moins d’avoir un chauffeur qui doit nous conduire à l’hôtel. Les ruelles du quartier Kaleiçi sont très étroites, très accidentées mais très charmantes.
Assises dans la voiture nous touchons pratiquement les murs des maisons et les gens doivent se tasser pour nous laisser passer. Arrivées devant notre hôtel il est difficile de juger de sa qualité. C’est un ensemble de maisons d’un ancien pacha. Comme les anciennes maisons turques, une muraille entoure et isole complètement les bâtiments. Je ressens un pincement devant cette muraille et je me demande si j’ai bien choisi l’hôtel. Une fois arrêtée, le chauffeur descend nos bagages et le portier nous accueille à la porte. En pénétrant à l’intérieur, mes inquiétudes disparaissent. Ce lieu est un oasis dans une vieille ville très animée. On nous attend avec le sourire et l’accueil turc d’usage. Notre chambre donne sur la cour intérieure au deuxième étage, alors que les fenêtres offrent le paysage des toits de la vieille ville et des nombreuses restaurations en cours dans ce quartier historique.
La chambre est spacieuse avec deux lits, un divan et un coffre pour déposer nos effets. La salle de bain est authentiquement ”Izmir” avec ses tuiles bleues à tulipes magnifiques. Nous y serons très confortables. L’hôtel est calme et d’une discrétion absolue. Malgré la fatigue du voyage, nous partons explorer le quartier et descendons jusqu’à la mer. Le port ressemble à celui de n’importe laquelle ville de la Méditerranée avec ses restaurants en bord de mer, ses cafés, ses glaciers etc. Il ne manque que les luxueux yachts de la côte d’Azur! Les bateaux d’excursion d’un jour les remplacent désavantageusement d’ailleurs. Ce sont des caïques aménagées aux thèmes des ”pirates des Caraïbes”. C’est vraiment laid. C’est lors de cette première visite que nous rencontrons les premiers groupes de touristes chinois, assez jeunes en apparence pour la plupart.
Nous prenons le ”raki” suivi du repas du soir en regardant la baie et les murailles de la forteresse de la vieille ville. La terrasse où nous prenons notre repas est un peu à l’écart de la foule et il est possible d’observer toute la baie. Le serveur est gentil et nous a donné une table isolée des fumeurs. C’est le défaut de la Turquie. On y fume encore beaucoup trop et partout. Après le repas, le retour à l’hôtel nous force à monter les longs escaliers de pierre depuis le port en passant devant les nombreux marchands offrant divers produits aussi tentants les uns que les autres. Comme nous passerons ici quelques jours, nous verrons tout cela plus tard! Mais il faut bien dire que l’artisanat turc semble superbe.
De retour à l’hôtel après quelques hésitations quant aux ruelles à choisir, nous rentrons heureuses de notre journée et de notre soirée.
Au matin, nous constatons quelques départs de couples anglais et nous prenons notre petit déjeuner copieux sur la terrasse intérieure avec vue sur la piscine entourées de jasmins en fleur dans un calme impressionnant. Le gérant nous apporte des brioches chaudes et s’informe sur notre confort. C’est très agréable. Le rythme est lent. On planifie la journée en déterminant les endroits à découvrir pour les jours à venir. Le temps est très confortable et la piscine très tentante. Nous décidons de faire nos découvertes en avant-midi et de revenir pour le lunch, une petite baignade et un petit repos avant de poursuivre en milieu d’après-midi.
Nous partons pour la place de l’Horloge, sorte de point de rencontre ou de départ pour les visites. Cette ville historique compte de grandes avenues très achalandées. La situation géographique de cette ville est remarquable et malgré la foule, il y règne une atmosphère de détente ou plutôt de vacances.
Antalya fut le chef lieu de la région historique de la Pamphylie en Asie Mineure, juste au nord de la Lycée. On prétend que cette région était très convoitée à cause de sa situation géographique et de son climat. C’est facile à croire. Elle devrait son nom au roi de Pergame, Attale II qui légua ses Etats à Rome en 133 avant J.-C. faisant de la Pamphylie une Province romaine d’Asie. C’est le célèbre empereur Hadrien qui construisit les premiers remparts de cette précieuse ville en 135 apr. J.-C. Ces derniers furent consolidés par les Byzantins au 7 ième et 10 ième siècles permettant à la ville de résister aux attaques des Ottomans et protégeant de ce fait les croisés en route pour la Palestine. Malheureusement comme Constantinople, elle passa aux mains des Ottomans au 14e siècle avec la victoire de Mehmet II.
Après la première guerre mondiale et la signature du Traité de Sèvres qui partagea les territoires turcs, Antalya revient à l’Italie jusqu’en 1921et la guerre de l’indépendance turque. Ce fut une période d’expansion importante. Aujourd’hui la ville vit de son activité industrielle liée à l’agriculture régionale en plus de l’activité portuaire qui en fait l’un des premiers centres d’exportation turcs avec le port d’Izmir.
Notre visite d’Antalya se concentre dans la vieille ville bien sûr à cause de ses vestiges archéologiques intéressants et de son histoire. Deux grandes artères très achalandées limitent la vieille ville et la nouvelle. Nous avons d’ailleurs cherché une agence de voyage sur l’une d’elles pour préciser nos réservations de retour sur Istanbul. Ce fut compliqué et il a fallu débourser une dizaine de dollars pour confirmer le tout. La prochaine fois que je recevrai un avis de la compagnie d’aviation je ferai le changement tout de suite et je n’attendrai pas d’être rendue à destination!
La vieille ville embrasse une anse minuscule laquelle isole cette ville du golf d’Akdeniz. C’est sans doute pour cela que le climat y est si doux. De retour sur la place de l’horloge on se dirige vers la célèbre porte d’Hadrien. Elle aurait été élevée en l’honneur du passage de ce célèbre empereur romain. Majestueuse et superbement restaurée, elle serait l’un des plus anciens vestiges la ville. Haute de 14 mètres, la porte était à l’origine dans le mur d’enceinte de la ville avec une tour de guet de chaque côté. Elle est magnifique. Personnellement je suis toujours impressionnée par les oeuvres construites en l’honneur d’Hadrien ou, sous sa gouverne. Ce sont toujours des chef d’oeuvres d’architecture. Même le célèbre mur de défense construit par Hadrien en Angleterre. Cette sorte de fortification de pierre traversant l’Angleterre d’est en ouest, pratiquement à la frontière de l’Ecosse est impressionnant. Le” mur d’Hadrien”, avait pour fonction de définir les limites de l’empire romain et de stopper les nordiques qui envahissaient régulièrement le nord des îles britanniques en détruisant tout sur leur passage.
Le vieille ville est truffée de ruines plus ou moins restaurées allant du minaret tronqué à la mosquée d’Aladin. En se promenant nous découvrons dans l’une des fortifications, un joli restaurant en terrasse d’où nous pouvons très bien voir l’anse du vieux port. Nous déciderons d’y prendre le souper plus tard en soirée. Nous y rencontrerons par hasard un couple de Québécois visitant la Turquie en groupe et dont la fatigue commençait à non seulement se voir mais également à se comprendre. Il faut prendre le temps de vivre en voyage si on veut vraiment apprécier et se souvenir de ce que l’on a vu et surtout de ce que l’on a appris.
Enfin, au fil des ruelles, des toits roux et des restes de remparts, nous découvrons une ville pleine de charme où s’activent quantité de travaux de restauration qui viendront ajouter à l’attrait touristique de cette ville. Sans doute qu’ils en effaceront un peu le charme. C’est la plaie du tourisme de masse que nous aurons l’occasion de découvrir de manière plus violente à Istanbul!
Notre séjour à Antalya a été très agréable. Un accueil à la manière turque, avec un thé à la pomme offert par un restaurateur à l’occasion, une atmosphère méditerranéenne en bord de mer et les vestiges d’une histoire qui nous est un peu familière quant à sa partie romaine. Le tout nous a laissé un souvenir inoubliable.
Istanbul
De retour à Istanbul, nous retrouvons notre joli hôtel et entamons un séjour plus
culturel dans cette ville à la fois européenne et asiatique. Une ville tellement intéressante mais qui aujourd’hui est envahie par des hordes, et le mot n’est pas trop fort, de touristes. En plus ces touristes sont majoritairement chinois, et la délicatesse ou la politesse ne sont pas leur qualité première! D’ailleurs lors d’un séjour en Chine, notre guide avait eu ce commentaire en parlant de ses compatriotes: ”les chinois sont tous des paysans”. On s’en rend bien compte quand on les croise en voyage malgré leurs vêtements souvent faussement griffés!
Comme nous sommes à la porte du quartier touristique de Sultanahmet , il est impossible de ne pas remarquer la quantité de visiteurs de partout. Ceux provenant de Bulgarie, de Roumanie, ou de Russie y viennent pour se procurer des biens de luxe. D’ailleurs la dévaluation de la livre turque favorise le commerce international. Tout le monde se promène dans les rues muni de sacs pleins d’achats divers. Plusieurs visiteurs semblent également en voyage de noces. Ceux-là sont très visiblement musulmans et à l’occasion, certaines épouses sont non seulement voilées mais recouvertes de la tête au pied avec seulement les yeux visibles! Le reste de la faune touristique vient de partout mais il est très rare d’entendre parler français. Ce qui m’apparaît encore très étonnant étant donné son histoire. Mais bien sûr il faut comprendre que les américains y sont présents avec des bases militaires depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ce qui peut fournir une certaine explication.
En effet, la France fut la première grande puissance chrétienne à établir des relations avec les Ottomans. François 1er s’était allié à Soliman le Magnifique et envoya un ambassadeur permanent auprès de la ”Sublime Porte”, tel qu’on la nommait en 1536. La France obtint alors d’importants avantages commerciaux. La Sublime Porte est le nom français de la porte d’honneur monumentale du Grand Vizir à Constantinople, siège du gouvernement du sultan de l’Empire Ottoman. On se rappellera que le français était la langue diplomatique internationale en Europe à l’époque, d’où cette expression ”Sublime Porte” pour désigner l’Empire Otttoman. Ce n’est qu’en 1936, que l’utilisation du terme de ”Sublime Porte » tombe en désuétude alors que le siège du gouvernement turc se déplace à Ankara sous la gouverne d’Ataturk.
Dans tous les guides touristiques, il est fait mention de la grande diversité culturelle de la population habitant la Turquie. En effet la Turquie rassemble des peuples enracinés de longue date que ce soient les Celtes, les Grecs, les Arméniens, les Juifs etc. Et cela se voit dans la population dont les traits ne sont absolument pas homogènes. Toute cette variété découle de l’ancien empire Ottoman et des déplacements des différentes populations, souvent nomades. Malgré cela, et bien que les Turcs soient souvent de religion musulmane à plus de 90%, ils ne sont pas arabes. Et leurs langues seraient différentes, bien que cela soit difficile à affirmer quand on ne parle ni le turc, ni l’arabe.
Notre visite d’Istanbul se résume aux endroits touristiques typiques. D’abord la ”citerne byzantine” mieux connue sous le nom turc de ”palais englouti” . Je tenais à ce que Luce voit ce site remarquable. Malheureusement il était en restauration et même si nous avons pu visiter le site, il n’y avait pas d’eau et des sections entières étaient inaccessibles. L’impression n’était pas la même. Quelle tristesse! Néanmoins il a été possible d’admirer tout au fond, l’une des colonnes supportée par une énorme tête renversée de la déesse Méduse. Elle proviendrait d’un temple antique. Ce site compte un ensemble de 336 colonnes de 8 mètres de haut qui normalement se reflètent dans l’eau. C’est tout un spectacle en temps normal.
Cette citerne construite sous le règne de Justinien au 6 ième siècle, est la plus grande citerne souterraine d’Istanbul. Les Ottomans s’en servirent d’ailleurs pour alimenter en eau, le palais du Topkapi. Il faut préciser ici que l’eau est un ”enjeu vital” dans cette partie du monde. Les réserves d’eau de Constantinople assuraient la possibilité de soutenir un long siège. C’est pour cette raison que les empereurs byzantins avaient mis au point un système sophistiqué d’aqueducs pour recueillir l’eau des sources en provenance de la forêt de Belgrade. Cela permettait d’alimenter les réservoirs et les fontaines de la capitale. Justinien est considéré comme l’un des plus grands empereurs byzantins. En fait, il aurait été le dernier grand empereur romain à Istanbul.
Par la suite, ”l’empire romain d’Orient” a continué l’oeuvre en s’affirmant par une construction politique spécifique de religion chrétienne et de langue principalement grecque. Les siècles suivants ont vu cet empire s’affaiblir par des guerres civiles multiples, puis se relever et devenir l’objet de la convoitise Ottomane. La capitale Constantinople, quoique bien protégée par des fortifications incroyables que l’on peut encore admirer aujourd’hui, a été prise par les croisés de la quatrième croisade en 1204 et devient le siège de l’empire « latin” de Constantinople jusqu’en 1261. Malheureusement les croisés ont pillé la ville qui ne s’en est jamais remise. Elle redeviendra byzantine en 1453 à la suite de plusieurs tentatives Ottomanes.
C’est le sultan Mehmet II, dit Fatih ”le conquérant”, qui réussira à prendre la capitale de l’Empire byzantin et s’installera à Constantinople apportant les moeurs Ottomanes avec lui. Évidemment cette victoire est interprétée comme une victoire de l’islam sur la chrétienté. Dans cet esprit, Constantinople sera rebaptisée ”Istanbul” ce qui signifierait, ”dans la ville de l’Islam”. Ce sera le début d’une sorte d’âge d’or de l’empire Ottoman qui ne disparaîtra qu’au 20 ième siècle à la suite de la première guerre mondiale. Son rayonnement et sa grandeur sont dûs au sultan Soliman le Magnifique (Süleyman en turc,1520-1566)) qui aurait été le plus brillant sultan de l’histoire Ottomane. En treize campagnes militaires à la suite de multiple conquêtes et alliances, il prend le contrôle des mers depuis la Méditerranée vers l’océan Indien en passant par la mer Noire, la mer Caspienne et la mer rouge.
Les successeurs de Soliman le Magnifique sont moins talentueux. Débutera après son décès, un long déclin de l’empire Ottoman en particulier au 17 ième et 18 ième siècle. Cet empire s’étendait autour de tout le bassin méditerranéen avec Constantinople/Istanbul comme capitale. Après la première guerre mondiale, la partition de l’empire Ottoman débuta avec la défaite de ses alliés. Il perdit ses territoires du Moyen Orient que se partagèrent le Royaume-Uni et la France. C’est l’une des raisons pour laquelle on se questionne sur l’absence du français dans ce pays.
Après l’humiliation de l’occupation franco-anglaise les Turcs furent entraînés par le chef militaire Mustafa Kemal dans une guerre d’indépendance contre les Grecs et les Occidentaux. La guerre d’indépendance turque (1919-1922) donna naissance à la République de Turquie et à l’abolition de la monarchie Ottomane. Fondée par le militaire Mustafa Kemal Atatürk en 1923, la Turquie moderne est aujourd’hui une république parlementaire, laïque et constitutionnelle. Tout rappelle la fierté de cette période à Istanbul, quoique j’aie observé à cette deuxième visite, dix ans plus tard, que le Président actuel semble vouloir se substituer aux symboles de celui d’Atatürk si l’on se fie aux portraits et aux photos bien visibles à travers tout le pays!
Nous avions bien identifié les sites à visiter afin de mieux comprendre l’histoire de ce pays et surtout de cette ville. Aussi armées de nos châles et de nos guides nous avons procédé à la visite de la Mosquée Bleue et de sa voisine la Basilique Sainte Sophie, le tout entrecoupée de pauses café, ouzo/raki, lunch etc. Ces ”monuments” ont chacun leur histoire fascinante. Ils sont magnifiques et d’une richesse qui rappelle les empires qui les ont érigés.
Haghia Sophia, le nom grec de Ste Sophie, fut rebâtie par l’empereur Justinien après une première destruction en 532. Les travaux de construction sont réalisés sous la direction de deux des plus éminents architectes de l’Empire byzantin. Ils durèrent moins de six ans et auraient mobilisé pas moins de 10 000 ouvriers. On dit que l’empereur n’aurait pas hésité à piller les cités antiques de Delphes, d’Athènes et d’Ephèse pour décorer son oeuvre. Après la prise de la ville par Mehmet II en 1453, quelques heures auraient suffi pour la convertir en mosquée. Plus tard, Ataturk en aurait fait un musée en 1935. Encore là, la restauration en cours nous empêche d’en apprécier toute la beauté et la richesse, mais il est facile de l’imaginer.
De la même façon, la visite de la Mosquée Bleue a été perturbée par des travaux de restauration importants. Construite en 1609-1616 elle a requis plus de temps que Ste Sophie. Sise sur le site du Grand Palais byzantin elle constitue la dernière grande réalisation impériale d’Istanbul due à l‘architecte Mehmet Aga. C’était le point de départ des pèlerins qui se rendaient à La Mecque. Elle fut dotée au départ de six minarets à l’instar de la mosquée de La Mecque. Mauvaise idée car elle provoqua la colère des religieux. Pour calmer le jeu on érigea un septième minaret. Le sultan Ahmet Camii en fut l’instigateur et son tombeau est d’ailleurs situé juste à côté de la mosquée Bleue. On le visite facilement mais il n’est pas particulièrement riche.
Cette journée s’achève doucement au bazar de la vieille ville, ”Arasta” situé juste en contrebas. Tous les bazars turcs sont des cavernes d’Ali Baba. Ce sont des marchés couverts avec des labyrinthes de boutiques. Celui de la vieille ville est petit et agréable à découvrir. Nous y avons d’ailleurs fait des découvertes de cuirs de qualité, sans parler des soieries magnifiques et des serviettes typiquement turques que la propriétaire du bateau nous avait recommandées! Ce soir-là nous avons dîné dans un restaurant en terrasse en bordure de la rue mais à l’intérieur, de façon a éviter les fumeurs. Nous ne l’avons pas regretté même si le restaurant était ouvert sur l’extérieur.
Le lendemain ce fut un grand tour de la ville d’Istanbul. Il faut bien comprendre cette ville immense et pour cela le tour guidé en bus est essentiel. Nous avons donc débuté sur la côte de la Corne d’or d’où nous avons fait le tour du quartier de Sultanahmet pour ensuite continuer vers les nombreux murs de l’ancienne forteresse de Constantinople. On traverse par le pont Galata pour dépasser la tour Galata et monter vers la place Taksim. Une visite à Istanbul ne peut pas se faire sans aller sur la colline Pierre Lotti. On dit qu’il aimait y prendre son café et observer sa ville favorite en écrivant. La colline a pris son nom quand Ataturk a décidé d’honorer sa mémoire, parce que Lotti avait aidé les Turcs dans leur guerre d’indépendance. Le café a d’ailleurs pris le nom d’Aziyadé du nom de celle qui avait séduit Lotti.
C’est là que nous avons vu un couple de jeunes mariés en tenue islamiste et dont les yeux de l’épouse étaient la seule chose visible chez elle. D’ailleurs dans un élan de coquetterie, elle détachait son ”masque” pour le replacer plus élégamment. Un véritable spectacle à observer. On descendra par le téléphérique pour reprendre le bus. Notre guide est assez intéressant.
Notre visite se poursuit par la côte du Bosphore et une visite du palais Dolmabahçe. Ce dernier est le symbole des derniers feux de l’Empire Ottoman. Il a fallu 13 ans pour le construire. Il devient un musée en 1947. Ce palais au bord du Bosphore a été la résidence des derniers Sultans. Ataturk s’en servait comme résidence d’apparat. Il est magnifique et parfaitement restauré. Construit au 19 ième siècle ce palais présente un style baroque alors en vogue en Europe. Le terme Dolmabahçe signifie ”jardin comblé” parce que ce palais fut construit sur un terrain gagné sur le Bosphore. Débuté en 1843 sa construction sera achevée en 1854. Alors que du côté de la rue il est fermé par une haute enceinte, une simple grille longe la façade du côté de la mer d’une longueur de 248 m. Il est possible de visiter tout le complexe: les nombreuses salles de réception, du trône jusqu’au harem et les pièces réservées au Sultan comme à sa famille. Une visite impressionnante que je n’avais pas pu faire lors de ma première visite à Istanbul.
Nous continuons pour traverser en Asie par le pont du Bosphore. Depuis 2016 on l’a baptisé le ”pont des Martyrs” en hommage aux victimes de la tentative du coup d’État dans la nuit du 15-16 juillet. De l’autre côté nous aurons encore droit à une pause sur un promontoire d’où nous pouvons observer Istanbul et la mer de Marmara depuis l’Asie. Le point de vue est intéressant. Nous prendrons ensuite le bateau pour l’après-midi pour une croisière sur le Bosphore jusqu’à la mer Noire. Nous y prenons un court repas en voyant défiler devant nos yeux les belles résidences et les palais d’antan dont plusieurs sont convertis en hôtel de luxe comme le Four Seasons et le Kempinski pour ne nommer que ceux-là. Nous pouvons observer les édifices de l’Université Galatasaray, la mosquée Ortaköy, du même architecte que le palais Dolmabahçe et plus loin les résidences des Stambouliotes bien nantis. Le spectacle est impressionnant jusqu’à la mer Noir.
Au retour, c’est la rive asiatique qui s’offre à nos yeux en plus de la nombreuse circulation de containers, pétroliers ou autres navires russes tout autour. On prétend qu’au 14 ième siècle les deux rives du Bosphore étaient profondément différentes. La rive européenne était chrétienne et en déclin, alors que la rive musulmane était en pleine progression. Aujourd’hui la rive asiatique abrite le quartier Üsküdar où on compte plusieurs mosquées. Toutefois ce ne serait plus aujourd’hui le plus musulman des quartiers d’Istanbul. C’est pourtant de ce quartier que partaient les caravanes qui se rendaient en pèlerinage à La Mecque. On peut y observer des ”Yali”, ces élégantes demeures en bois bâties sur les rives est du Bosphore. Puis nous rentrons sur la Corne d’or pour revenir au quai des croisières à Eminönü pour rentrer en autocar à l’hôtel. Le dîner se prendra au restaurant de l’hôtel en bordure de la rue où il y a pas mal d’action et d’où nous pouvons observer la ”faune” locale! Nous étions assez fatiguées après cette journée et notre repas fut lent et confortable jusqu’à ce qu’un groupe s’installe pas très loin de nous et que les gens commencent à fumer le narguilé. Heureusement nous avions terminé notre repas et avons décidé d’aller nous reposer compte tenu de notre fatigue de la journée et du fait que Luce ne supporte pas la fumée ni l’odeur de ce narguilé. Dans la soirée on discute du lendemain et des priorités à voir.
Au petit déjeuner du lendemain, nous rencontrons des résidents de l’hôtel qui habitent la Californie mais qui sont d’origine Iraquienne. C’est un couple très intéressant et très cultivé. Nous échangeons sur nos impressions. Tous les deux à la retraite, ils voyagent visiblement beaucoup. Nous les verrons pratiquement tous les matins par la suite. Elle était professeur d’université et lui chirurgien-dentiste. Ils sont venus d’Iraq en 2001 au Canada après avoir travaillé à Dubai. Ils vivent aux Etats-Unis parce que leur fille a étudié aux Etats-Unis et y pratique comme dentiste. Ils ont voulu s’en rapprocher, bien que leur fils vive encore au Canada.
Nous décidons que les visites seront limitées au Grand Bazar dans la journée et dans la soirée nous irons voir un spectacle de derviches. Le Grand Bazar d’Istanbul est une expérience en soi. En chemin vers le Grand Bazar, nous croisons plusieurs personnes chargées de paquets ou de valises. C’est plutôt surprenant. Une fois rendues sur place, il faut se comprendre et prendre les bonnes allées pour se procurer ce qui nous intéresse. Au début, on observe les façons de faire des vendeurs comme des acheteurs. C’est plutôt amusant. Après avoir exploré quelques allées on se met à la négociation et aux achats. On s’amuse beaucoup. Luce est comme une enfant dans un magasin de bonbons! Tout l’intéresse. Il lui faut des souvenirs pour tout le monde. Chacun fait l’objet d’une réflexion et d’un choix spécial. Après quelques heures il faut acheter une valise pour y transporter tous les achats. C’était prévu évidemment. Cette sorte de ”course” aux achats se termine quand nous en avons assez et surtout quand nous voulons prendre une bouchée. Nous arrêtons dans un salon de thé où l’on sert de ces desserts turcs magnifiques en bordure de terrasse. Avec un thé raffiné on déguste des babas variés absolument sublimes. Après cette pause, nous rentrons à l’hôtel chargées de paquets mais contentes de notre expérience.
Une fois reposées on se met en marche pour descendre doucement vers la rive du pont Galata afin de réserver notre spectacle de derviches pour la soirée. Les derviches tourneurs font partie de la confrérie Soufie la plus connue de Turquie. Le rituel de ces derniers est le ”sema”. Il s’agit d’une danse rythmée par une mélodie accompagnée d’une flûte et d’un tambour. Le lieu du spectacle est bien caché au fond d’une de ces petites ruelles au bout d’une place. Le GPS du téléphone est très utile pour se retrouver. Notre intention était de prendre le souper dans le coin et ensuite se déplacer vers la salle de spectacle. Comme nous arrivons à la salle à 17 heures, on nous annonce que le spectacle de la soirée est complet mais qu’il reste quelques places pour le spectacle qui débute. N’écoutant que notre courage et surtout notre bon jugement, nous procédons à l’achat des billets et assistons à un spectacle assez étonnant.
On a déjà vu ce genre de spectacle à la télé ou en film, mais le voir en personne cela est émouvant. Ce phénomène d’extase mystique a ses origines dans tout le monde musulman. Les derviches tourneurs font partie d’un ordre ayant des adeptes dans toute l’Anatolie et la Syrie et jusqu’en Egypte. L’ordre aurait été dissous par Atatürk en 1925 et ses biens confisqués. Après s’être maintenu dans la clandestinité, il semble que depuis une trentaine d’années l’ordre refait surface dans un esprit de renaissance de l’islam. D’où les spectacles d’aujourd’hui dans ce qui s’apparente à une sorte de musée. Leur danse, le ”sema” est accompagnée de musique et de chant plutôt lancinant. Le ”sema” consiste à reproduire le mouvement des corps célestes. D’ailleurs une sorte d’animation ”céleste” complète la prestation. Une expérience après laquelle nous sommes un peu étourdies. Sur la route du retour, toujours grâce au GPS du téléphone nous prenons le repas dans un agréable restaurant et nous goûtons à une spécialité turque: une sorte de ragoût cuit au feu dans une jarre de terre cuite dont on casse le goulot pour le service en assiette. C’est excellent sans parler du spectacle!
Après ces quelques jours d’immersion turque, nous voulons visiter le palais du Topkapi. Je tenais à ce que Luce voie ce palais qui m’avait tant impressionnée lors de ma première visite et dont le pavillon abritant son ”trésor” m’avait tellement emballée que j’y étais restée pratiquement 3 heures. Après une bousculade avec des chinois envahissants, malgré nos billets ”coupe-file” nous pénétrons dans cet immense complexe. Quelle déception toutefois parce que le pavillon du trésor n’est pas accessible étant en ”restauration”. Pour le reste c’est intéressant mais après avoir visité le palais de Dolmabahçe c’est moins prenant. Néanmoins nous y passerons quelques temps pour visiter ce qui est accessible.
Les visites des lieux touristiques d’Istanbul, en particulier dans la zone Topkapi/mosquée bleue/ Ste Sophie, me sont devenues insupportables à la suite de deux bousculades avec des chinoises. L’une à la suite de l’autre, ces dernières m’ont littéralement marché dessus. L’une d’entre elles m’a d’ailleurs blessée à la jambe. Je suis devenue agressive à tel point que je crois lui avoir fait peur en m’exprimant virilement! J’étais furieuse. Elle avait l’air terrorisée mais je lui ai donné une leçon de bienséance dans la langue de Molière sans trop de retenue. C’est formidable le tourisme, mais encore faut-il avoir un peu d’éducation et de respect envers les autres!
À la suite de ces incidents, nous décidons de visiter et si possible prendre un soin de Hamam au célèbre Hürrem Sultan Hamami. Il nous avait été recommandé par Sue, la propriétaire du bateau. Situé tout près de Hagia Sofia il possède une section réservée aux hommes et l’autre aux femmes. Il été construit en 1556 pour l’épouse de Soliman le magnifique, par le grand et le plus célèbre architecte de l’Islam, Sinan. Restaurée au coût de 13 millions $ après une longue période de négligence, il a été réouvert en 2011. Evidemment c’était complet et nous décidons de réserver ”la totale” pour une remise en forme l’après-midi de notre dernier jour à Istanbul. Quelle heureuse décision!
La veille de notre départ, nous retournons dans la zone densément touristique de Hagia Sofia. D’abord nous cherchons une petite boutique ou plutôt un atelier de calligraphie, une des passions de Luce. Après une grande promenade et de multiples détours nous trouvons le précieux lieu. Evidemment les deux jeunes filles qui y travaillent ne parlent pas un mot ni d’anglais ni de français, mais elles sont charmantes et patientes. Après plusieurs échanges Luce réussit à leur demander d’avoir son prénom écrit en turc. Après quelques tentatives, nous ressortons avec les fiches bien écrites de la première tentative et de la seconde plus réussie, du moins on l’espère. Tout le monde est content. Luce règle ses comptes et nous nous dirigeons vers le Hamam de l’épouse de Soliman le Magnifique! Quel après-midi formidable en vue.
L’expérience est fascinante dans un lieu mythique et magnifique d’une richesse inouïe. En entrant, nous avons l’impression d’entrer dans un lieu sacré d’un calme surprenant. Tout est en marbre blanc et de toutes sortes de tons, avec trois étages en bois précieux qui semble du teck, probablement pour résister à l’humidité. Le plafond est vouté et percé d’étoiles d’où passe une lumière parcimonieuse. D’une fontaine de marbre au centre jaillit un doux jet d’eau couvrant les bruits de l’accueil. Dotée de serviettes turques en coton léger et changée dans des peignoirs confortables, nous sommes accompagnées vers le coeur du Hamam où la chaleur est intense et l’humidité très dense. Les traitements débutent par des ablutions à l’eau très chaude coulant de robinets anciens en cuivre dans des vasques en marbre débordant tout autour. C’est le nettoyage et la mise en situation. Notre traitement est particulier, sans doute tout à fait turc, puisque l’on peut observer ce qui se passe autour de nous: eau chaude, argile, brossage, bulle parfumée etc. Suit ensuite le massage, le facial et le traitement de pieds, le tout entrecoupé de pauses repos. Pour être une amatrice de spa, cela répond aux attentes mais dans un décor très particulier. Au final, nous prenons le thé et quelques gâteries alors que les préposées nous remettent un cadeau de remerciement. Une expérience coûteuse mais fabuleuse.
Après cette expérience, nous rentrons doucement à l’hôtel pour faire les valises, les arrangements pour le départ du lendemain, les derniers apéritifs sur le toit avant de sortir pour notre dernier souper dans cette ville exceptionnelle à la porte de l’Asie. Nous prendrons notre avion en passant par le salon exceptionnel de la classe affaire de Turkish Airlines au nouvel aéroport d’Istanbul. Je le recommande à tous, n’ayant jamais vu autant de luxe et de service dans ce type de salon! Décidément dans ce pays, les biens-nantis sont bien traités partout!
En résumé, notre séjour a été des plus agréables. D’abord, ce fut une navigation calme qui nous a fait découvrir cette partie du monde qui a marqué l’humanité. Elle m’a laissé un souvenir inoubliable. Le bateau était conforme à mes attentes. Pas luxueux selon mes standards mais très confortable. La nourriture était impeccable. L’esprit du bateau était bon. Le seul problème est que l’on fume beaucoup dans ce pays et le personnel fumait un peu trop. Aussi, nous étions très contentes d’avoir pris chacune une cabine parce que selon un dicton: le bateau perd un pied par jour. Il n’y a pas de place pour deux filles dans les cabines qui nous ont été assignées. J’y retournerais avec un groupe de personnes qui se connaissent, s’apprécient et s’entendent sur un circuit précis. Nous avons eu la chance d’avoir des compagnons de voyage intéressants. Plus d’arrêts seraient agréables également pour visiter quelques sites archéologiques remarquables car il y en a beaucoup en Turquie. Mais pour cela il faut prévoir deux semaines.
Enfin le séjour à Antalya est inoubliable et la visite d’Istanbul une expérience culturelle particulière.
Septembre/octobre 2019
Rita Dionne-Marsolais
Sources: Nombreux guides de voyage et le Guide Vert Michelin 2013.
https://www.arkadaslik-yachting.com
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