10 février 2012

Récit de voyage au Vietnam

Voici le récit d’un voyage de 35 jours au Vietnam en novembre 2011 par Rita Dionne-Marsolais avec Lucie Papineau qui a pris toutes les photos.

vietnam0001.jpg

Un pays à visiter maintenant.

Comme ce pays change à la vitesse de l’éclair, il faut le voir bientôt car dans deux ans ce sera un tout autre pays.  On connaît le Vietnam pour la guerre interminable que les américains y ont livrée et qu’ils ont perdue (1973) ou pour la guerre d’Indochine que les français avaient également perdue (1954) après de nombreuses années d’occupation.  À l’arrivée à Hanoi l’étonnement est grand.  Pour un pays communiste, nous ne voyons pas beaucoup de militaires à l’aéroport si ce n’est l’immigration et la sécurité d’usage dans un aéroport.  Cela est d’autant plus apprécié que le vol est long:  Toronto-Séoul exige 13 heures avec Korean Air et celui de Séoul-Hanoi requiert un peu plus de 4 heures, sans compter les 5 heures d’attente à l’aéroport de Séoul.  Inutile de dire que l’accueil des représentants de notre agence a été grandement apprécié.  Notre arrivée à l’hôtel de charme de luxe, choisie dans la vieille ville, se déroule sans problème.  Notre agence a tout réglé.  Le représentant viendra demain matin pour le règlement du solde final.  Cette délicatesse est appréciée.  La chambre est grande et confortable.  À 22:30, après plus de 24 heures de déplacement et malgré la qualité exceptionnelle du service  et le confort de la compagnie aérienne, notre seul souhait est le sommeil… Pour une ville où l’on nous avait averties d’un bruit continuel, c’est le silence complet dans notre chambre.

Un peu d’histoire

Il y a 90 millions d’habitants au Vietnam, réparties en 56 ethnies.  « Viet » est la prononciation vietnamienne du caractère chinois « Yue » qui veut dire « au-delà », « passer par »  ou « traverser ». La seconde partie, « nam » signifie sud.  « Vietnam » se réfère au « Viet » « du Sud ».  Les Viets (ou Kinh ) venaient donc du sud du Yanzi et constituaient la principale ethnie au moment de la formation du Vietnam au XIXème siècle.  À cause du rôle important de cette péninsule sur le commerce et les migrations entre la Chine et l’Inde, le géographe danois Konrad Malte-Brun (1775-1826)  lui donna le nom d’Indochine.  En fait, c’est en 1862 que la colonie de Cochinchine est créée et que le Cambodge passe sous protectorat français.  L’Union indochinoise est construite à partir de 1887 et constitue un « puzzle » administratif d’une colonie comprenant la Cochinchine et quatre protectorats à savoir, le Cambodge, le Laos, Annam et le Tonkin.

La situation géographique stratégique de ce pays a fait l’envie de bien des conquérants.  Les plus envahissants venaient du nord, à savoir de la Chine.  D’autres sont venus  d’Indonésie pour s’établir dans le sud de la péninsule.  Au centre du pays, plusieurs chefs féodaux réussirent à établir des royaumes dont plusieurs ont eu pour capitale Hué.  Au fil des siècles, plusieurs dynasties ont tenté de chasser tour à tour l’envahisseur chinois.  Ce n’est qu’au 10ème siècle de notre ère que le Vietnam y réussit.  Entre le 10ème et le 18ème, différents empereurs se succédèrent ou se partagèrent le pouvoir.  Le « confucianisme » hérité de l’envahisseur chinois a laissé un héritage dans ce pays.  Cette philosophie privilégie l’éducation et avait donné naissance à une classe de mandarins hautement qualifiés.  Les mandarins formés à cette école, ont détenu l’autorité du pouvoir durant des siècles.  Même si des missionnaires chrétiens ont foulé le sol vietnamien à différents moments de son histoire, les demandes des puissances coloniales pour ouvrir un comptoir de commerce ont toujours été rejetées.  Alors que l’Angleterre jouissait des bénéfices de sa colonisation en Inde, les Français ne réussissaient pas à s’établir sur les côtes du Vietnam.  La crainte d’un autre envahisseur empêchait les mandarins de la cour, d’octroyer des autorisations de commerce aux français, désireux de profiter eux aussi de l’Orient.

Il faut se rappeler que l’Orient était un objectif commercial important pour les puissances européennes durant la période d’expansion coloniale.  Les Anglais avaient établi leurs assises en Inde et avait déclenché la guerre de l’opium avec les chinois (1839-1842 et 1856-1860) pour asseoir leur pouvoir.  Les Français de leur côté, cherchaient un source d’enrichissement et avaient jeté leur dévolu sur la péninsule vietnamienne, sans succès.  Toutefois, en 1843 puis en 1847, une politique vietnamienne de persécution des chrétiens fournit le prétexte à une intervention française au Vietnam, afin de libérer des missionnaires.  Pourtant, ce n’est qu’en 1861 que la victoire française ouvrit à la France, un accès et une  présence au sud Vietnam.  Cette présence était devenue une tutelle à compter de 1857 et devait durer près d’un siècle.  Ce fut alors le début d’une guérilla qui n’allait jamais s’éteindre vraiment.   Elle se poursuivit après l’indépendance du nord (1945) et ensuite, malgré le soutien (1955) et l’arrivée (1963) des américains dans le sud, jusqu’à la victoire finale vietnamienne en 1975.  À partir de cette date, le pays se ferme et vit de manière rigoureusement communiste.  En 1985, le gouvernement s’ouvre un peu à l’économie de marché pour refermer aussitôt, de sorte que des investisseurs étrangers coréens en veulent encore au gouvernement vietnamien.  On a ouvert à nouveau en 1999, pour refermer un peu plus tard.  On ouvre davantage en 2011 et actuellement,  on cherche des investisseurs étrangers et des touristes de manière plus agressive.  On permet même aux Vietnamiens la double nationalité jusqu’en 2014.

Un peu de géographie

 

Le Vietnam s’étend sur 1650 km du nord au sud  et ne dépasse pas 600 km en son point le plus large.  Les trois quarts du pays sont occupés pas des montagnes, à l’est et à l’ouest, au centre, des forêts et. un littoral maritime sur 2 500 km.  C’est intéressant de savoir que le mot « patrie » se dit en Vietnamien: eau et montagne.  Ce pays partage une frontière de 1150 km avec la Chine au nord,  750 km avec le Laos et 930 km avec le Cambodge l’ouest.  Il se partage en trois régions:  le Tonkin dans le nord, essentiellement montagneux, l’Annam au centre, formé de plaines coincées entre la mer de Chine et les hauts plateaux de deux chaînes de montagnes, et l’ancienne Cochinchine au sud (ancienne colonie française).  En plus de la mer de Chine, que l’on préfère nommée mer « méridionale » au Vietnam, ce pays est parcouru de fleuves importants.  Les principaux sont le fleuve Rouge, qui prend sa source dans la province chinoise du Yunnan et le Mékong, dans les faits, le troisième cours d’eau d’Asie (après le fleuve Bleu chinois et le Gange indien).

Hanoi

Hanoi est la capitale du Vietnam depuis l’occupation française.  Malgré les nombreux bombardements dont la ville fit les frais, l’héritage français est encore présent par un petit quartier français où trône le superbe édifice de l’opéra, inspiré de celui de Paris.  La résilience du peuple vietnamien nous frappe dans notre découverte de Hanoi.  Le sourire des gens, leur accueil, la beauté des femmes et le regard insaisissable des hommes nous font réfléchir à la réaction de ces jeunes militaires américains de 18 ans à peine, qui débarquaient dans ce pays en 1963.  En tant que nord-américain il est impossible de ne pas y penser à chaque coin de rue de la vieille ville de Hanoi.  Pour moi, dont un beau-frère et un cousin ont fait partie de ces « marines » et qui en sont revenus heureusement avec tous leurs morceaux, c’est une pensée constante presque obsédante.

Le premier jour de notre visite il fait doux (23C), c’est nuageux.  C’est samedi.  On se lève tôt au Vietnam, sans doute à cause de la chaleur, mais pas uniquement.  Il est fréquent d’avoir 2 sinon 3 emplois dans ce pays.  Ce peuple vit au rythme du 21ème siècle.  Les besoins sont grands pour une population dont plus de 60% a moins de 25 ans.  Hanoi est une ville propre.  Nous nous attendions à des vélos en quantité.  Nous avons eu droit à des motos et scooters en très grand nombre.  Seuls les écoliers se déplacent en vélo aujourd’hui ici.  Les Hanoïens  sont vaillants, ambitieux, talentueux, pressés et déterminés à réussir.  Les jeunes, et il y en a beaucoup, sont vêtus à l’occidentale et portent les grandes marques dont plusieurs ont des usines sur place, à cause du faible coût de la main d’oeuvre.  Les femmes en motos portent des gants longs, souvent couleur chair, et un foulard sur le visage, attaché à leur casque de moto (obligatoire) pour se protéger du soleil et de la poussière.  La couleur de la peau est importante ici.   Plus on est blanc, plus on est fier.  Les peaux foncées représentent une ascendance ethnique minoritaire qui ne semble pas valorisée.  Comme nous sommes samedi, nous ne voyons pas beaucoup d’écolières en costume national, appelé Ao Dai (prononcer Ao Sai).  Ce costume est plus fréquemment porté par le personnel au service des touristes et par les écolières.  Par contre, nous croisons beaucoup de couples de jeunes mariés faisant des photos ça et là, devant les temples, les pagodes ou dans les parcs.  Ils sont tous vêtus à l’occidentale.  Le mariage est une grande industrie ici, à en juger par les nombreux magasins affichant des tenues de mariage.  Le mois de novembre ouvre la saison des mariages.  Ça se voit partout.

Nous partons visiter à pied avec notre jeune guide de 31 ans, du nom de Nam.  Il nous accompagnera dans tout notre périple pour plus d’une semaine.  D’abord nous marchons dans la vieille ville comprenant le « quartier des 36 guildes ».  Chaque rue rappelle le passé artisanal de Hanoi.  Nous traversons la rue de la soie tout près de notre hôtel, puis celle des forgerons, des cordonniers, du papier, etc…  La rue de la contrebande est particulière car on y vend de faux billets destinés à être brûlés lors des cérémonies bouddhistes.  Bien que le taoïsme et le confucianisme soient pratiqués au Vietnam, le bouddhisme est la philosophie religieuse de la grande majorité des Vietnamiens.  Plusieurs temples et pagodes ont d’ailleurs été reconstruits depuis la fin de la guerre quand le gouvernement s’est rendu compte de l’intérêt touristique de ces temples.  Notre promenade nous conduit aussi à la visite de notre première maison vietnamienne.

La maison vietnamienne typique (appelée aussi maison-tube) compte une façade étroite n’excédant pas 4 mètres.  Les taxes municipales sont responsables de cette étroitesse, car leur calcul est basé sur la largeur du bâtiment et non sa superficie.  Par contre, la maison est très profonde (jusqu’à 60 m) et possède une cour intérieure ouverte, laquelle sépare les différentes parties de la maison: en avant le salon et derrière la cuisine.  La maison possède deux ou trois étages que l’on rejoint par des escaliers comptant un nombre impair de marches.  Les nombres pairs sont réservés aux morts.  Souvent le nombre de marches est un multiple de trois, ce chiffre étant un chiffre chanceux.  Également, il y a toujours un autel dans la maison vietnamienne, généralement dans la première partie à l’entrée de la maison.  Cette autel sert au culte des ancêtres.  Il regroupe la triade domestique composée des génies du Foyer, du Sol et de la déesse Terre.  On y place des offrandes pour honorer les derniers  membres de la famille décédés et on y brûle de l’encens à différentes occasions.  Ce culte des ancêtres est très important dans la culture vietnamienne.  Certains animaux sont aussi assimilés à des divinités et sont vénérés pour leur pouvoir surnaturel.  Les cinq  principaux sont le dragon symbolisant le principe masculin (yang), la vertu et la prospérité, le phénix représentant le principe féminin (ying), la grâce et l’immortalité, la tortue, signe de longévité et enfin la licorne, signe de bonheur.  Cet héritage animiste découle des anciennes croyances autochtones très présentes dans ce pays d’eau et de montagnes.

Hanoi est une belle ville.  Nous la découvrons avec Nam, qui y habite depuis plusieurs années bien qu’il n’y soit pas né.  Il y a fait ses études comme les nombreux jeunes d’ici.  Notre quartier se situe à proximité du Lac Hoan Kiem.  C’est une sorte d’oasis en plein centre ville.  Nous y prendrons notre premier repas du midi dans un joli restaurant au bord de l’eau.  Notre guide est un peu difficile à comprendre car nous ne sommes pas encore habituées à son accent.  Lui non plus d’ailleurs n’est pas habitué au nôtre, bien qu’il ait travaillé déjà pour des Québécois.   Le Québec est bien apprécié ici.  Nam nous sert à la fois de guide et d’interprète.  Il nous guide dans les choix de plats à goûter.  Il nous entraîne à traverser les rues de Hanoi généralement à deux sens et comptant souvent plusieurs voies.  Il y a bien des passages pour piétons, mais on ne semble pas en tenir compte.  Il faut donc adopter le rythme des Hanoïens et suivre le même pas que le ballet de motos, avec fermeté mais douceur!

Une promenade autour du Lac Hoan Kiem (lac de l’épée restituée) avec les familles, les jeunes vietnamiens et les touristes de tous les âges nous permet de digérer doucement ce premier repas totalement vietnamien.  La légende de ce plan d’eau veut que le Ciel ait donné à l’empereur Le Thai To (connu sous le nom de Le Loi) au 15ème siècle, une épée magique qu’il aurait utilisée pour chasser les Chinois du Vietnam.  Une fois la paix revenue, une tortue d’or géante serait sortie de l’eau pour s’emparer de l’épée, alors que « Le Loi » se promenait sur le lac.  En disparaissant dans les profondeurs du lac, la tortue aurait rendu l’épée à ses propriétaires divins, d’où le nom du « Lac de l’épée restituée ».  « Le Loi » est un héros célèbre pour son courage et sa générosité.  C’est lui qui amorça un mouvement de résistance contre les chinois en 1418.  Ce « prince de la Pacification » réussit à rallier à sa cause la majorité des aristocrates et des administrateurs vietnamiens.  Il isola les garnisons chinoises par des opérations de guérillas initiant sans doute la manière de gagner les guerres au Vietnam.  « Le Loi » monta sur le trône sous le nom de « Le Thai To » et rebaptisa le pays « Dai Viet » tout en entreprenant l’énorme tâche de reconstruction.  La dynastie des « Le postérieur » était née.

Après cette balade autour du lac, une promenade touristique en cyclo-pousse nous conduira à travers quelques autres rues de la vieille ville pour se terminer au théâtre des marionnettes sur l’eau.  Les Vietnamiens sont très friands des marionnettes sur l’eau qui racontent leur vie quotidienne ainsi que des histoires et des légendes locales, le tout avec une musique typique jouée sur place.  C’est très amusant et très beau.  Une chance que nous avons eu l’idée de prendre le programme à l’entrée (gratuit d’ailleurs) car nous n’aurions pas pu suivre ces jolies histoires de dragons, poissons, batailles, etc…  Rares sont les touristes qui semblent le prendre et pourtant il est disponible en plusieurs langues.

En fin de journée, fatiguées mais satisfaites de cette première visite, nous rentrons à la « Maison » (c’est le nom de notre hôtel).  Ce sera la première expérience des bienfaits du massage vietnamien.  Ce rite, sans doute différent pour les hommes et les femmes, est fort apprécié et peu coûteux au Vietnam.  Cette habitude asiatique nous remet à neuf en 60 à 90 minutes.  C’est une fin de journée superbe!  Nous dînerons à l’hôtel et tenterons de mettre à profit nos premières connaissances culinaires vietnamiennes avec une belle découverte du vin de Dalat, une région reconnue pour son climat agréable.  Nous allons adopter ce vin blanc pour notre séjour.

C’est dimanche, nous sommes en forme et prêtes pour la découverte du père du Vietnam moderne: l’oncle Ho.  C’est ainsi que l’on se réfère à Ho Chi Minh au Vietnam.  Fils d’un mandarin déchu durant la tutelle française, il est venu au monde dans le bouleversement des règles et de l’ordre confucéen en 1890, au sein d’une famille de petits fonctionnaires annamites.  Élevé dans un petit village jusqu’à l’âge de cinq ans, il vécut ensuite à l’ombre de Hué, la cité impériale.  On dit qu’il grandit dans une « modeste aisance ».  Après avoir été refusé à l’école coloniale en France, il entreprit son apprentissage de la vie qui le conduisit de l’Europe aux États-Unis en passant par la Russie et la Chine.  Il fit tous les métiers et se trouva au coeur des enjeux de son époque: communisme, colonialisme, révolution etc…   Après plusieurs luttes et essais sur l’anticolonialisme, il prend le nom de Ho Chi Minh, signifiant « Ho à la Volonté Éclairée » en 1942.  C’est à partir de ce moment qu’il s’engage activement dans la reconquête de l’indépendance du Vietnam.  Ce partisan du « communisme pragmatique » ne verra pas la libération ni la réunification de son pays, car il meurt en 1969 au tout début des négociations pour la paix.  L’histoire veut que son décès ne fut pas annoncé tout de suite, de peur de nuire aux négociations.  De plus, on n’aurait pas respecté ses dernières volontés à l’effet qu’il soit enterré modestement et que l’on dépense l’argent pour aider le peuple.  Son testament n’a pas été respecté entièrement car il était contre l’érection d’un mausolée à sa mémoire.

Nous devions visiter le mausolée d’Ho Chi Minh, sa maison sur pilotis (reconstruite évidemment) et le palais présidentiel.  Mais le site est fermé.  Aucune raison n’est fournie mais visiblement il y a visite de dignitaires.  En ce pays, nous ne discutons pas avec les autorités.  Notre guide est malheureux mais nous convenons de modifier le programme de la journée.  Au Vietnam, c’est le programme qui fait foi de tout!  Si c’est dans le programme, on le fait, sinon, impossible sauf si on paie un surplus.  Heureusement, comme notre programme a été établi par nos soins, après deux ou trois mois de travail avec l’agence et notre documentation, nous pouvons nous ajuster sans trop de contrariétés.  Nous ferons donc la visite de la pagode au pilier unique.  La pagode est le lieu de culte des disciples de Confucius.  Le temple est celui des bouddhistes.  Une nuance qui nous servira à mieux comprendre les différentes facettes de la culture vietnamienne.

La visite du « Temple de la littérature » suivra.   Dans les faits, il s’agit de la première université vietnamienne.  On y trouve  la « pagode aux Corbeaux » nommée ainsi par les français et consacrée à honorer Confucius.  Ce havre regroupe un ensemble des bâtiments qui semblent venir d’un autre âge.  Il remonte au 10ème siècle et fut à l’origine de la formation d’une bureaucratie sur le modèle chinois.  Cet ensemble symbolise la démarche de recherches de connaissances par l’étude, l’éducation et la justice.  C’est la base du confucianisme.  Pour un pays communiste, il est étonnant d’apprendre que l’éducation n’est ni obligatoire, ni gratuite au Vietnam, sauf pour les premières années du primaire.  C’est aussi le cas pour les soins de santé.

Curieusement il flotte deux drapeaux à l’entrée du complexe.  Il s’agit du drapeau national et celui des cérémonies.  Celui des cérémonies reprend les couleurs du drapeau national mais ajoute une grue en son milieu.  La grue est l’oiseau national du Vietnam.  Après le repas dans un superbe restaurant, où nous avons goûté plus audacieusement, à des spécialités vietnamiennes dans un décor colonial, nous continuons notre découverte de cette ville intéressante.  Généralement les Vietnamiens mangent sur la rue où foisonnent des petits restaurants de famille, avec des bancs et des chaises qui, pour les occidentaux s’apparentent à du mobilier pour enfants. Ces petits restaurants indépendants acceptent le « dông » (monnaie locale) vietnamien comme le dollar américain ou l’euro.  Les Vietnamiens sont très entreprenants et apprécient ces deux devises étrangères depuis que le pays s’est ouvert à l’économie de marché en 1985.  Le reste de la journée nous permet de visiter le musée d’ethnographie du Vietnam, de mieux comprendre l’histoire de ces 56 ethnies qui l’habitent et, d’en apprendre un peu plus sur le mode de vie de la principale ethnie, Kinh, ayant donné son nom (Viet) au pays.  Le musée des beaux arts nous fait découvrir des peintres de talent par une exposition magnifique en cours ce jour-là.  Enfin, le musée des femmes est une révélation, en particulier, l’étage consacré au rôle des femmes dans les nombreuses guerres de ce pays.  C’est une visite qui nous a marquées et qui pourtant n’était pas au programme.  Elle fut passionnante.  Ce fut notre compensation pour avoir raté le mausolée d’Ho Chi Minh.

Le lendemain, notre visite se poursuit vers les nouveaux quartiers de Hanoi.  Avant d’y parvenir nous passons à travers un quartier où habite notre guide.  Il s’y trouve un petit lac intérieur au centre duquel émergent le nez et les restes d’un avion B-52 (américain).  Hanoi a fait l’objet de bombardements sans arrêt durant 15 jours en 1972 et ce vestige demeure la fierté des Hanoïens qui l’ont abattu.  On y trouve un mémorial en l’honneur des nombreux morts durant cette rafle.  Le pilote a été fait prisonnier dans la prison de Hanoi érigée au temps des français.  Les soldats américains l’avaient d’ailleurs surnommée le « Hanoi Hilton ».  Érigée sous les ordres du Maréchal Pétain en 1896, cette prison est aujourd’hui un musée où plusieurs américains viennent en pèlerinage.  Elle constitue une visite émouvante, surtout centrée sur la période de l’invasion américaine, avec quelques vestiges de l’époque violente de la colonisation française.

Nous nous baladons aussi sur les rives du lac de l’ouest, nous visitons ses pagode et passons le long du Lac Truc Bach, ou lac de la « soie Blanche ».  Ces deux plans d’eau découlent du fleuve Rouge.  Le lac de la soie blanche évoque la mélancolie des concubines royales délaissées, qui passaient leurs journées cloîtrées dans les palais environnants, à filer et à tisser de la soie pour les princesses.  C’est dans le lac de la soie blanche que l’avion B-52 de John McCain (candidat présidentiel américain républicain battu par Barak Obama) a été abattu en 1972.  Il a ensuite été fait prisonnier au « Hanoi Hilton ».

En arrivant dans le quartier du lac de l’ouest, on constate sa richesse et son occidentalisation.   À proximité de l’une des nombreuses universités de Hanoi, ce quartier abrite des hôtels modernes et de luxe dont certains empiètent effrontément sur les berges du lac.  Depuis les nombreuses ouvertures à l’économie de marché en particulier depuis 2002 ce quartier subit des transformations impressionnantes à un point tel que des villages disparaissent en 24 heures!  Ce fut le cas du village des fleurs à notre programme, mais qui n’était plus qu’un quadrilatère de barrières de construction pour un nouveau gratte-ciel au moment de notre arrivée!

En route vers le haut Tonkin et Dien Bien Phu

 

Après ces quelques jours d’adaptation dans la belle capitale du Vietnam, nous entamons notre voyage en voiture qui nous conduira à travers tout le pays.  Notre voiture est toute neuve, le chauffeur en ayant pris livraison il y a trois jours.  Une belle Innova de Toyota.  Le chauffeur du nom de Hai, conduit de manière impeccable et très confortable.  À sa conduite nous concluons qu’il doit avoir une expérience avec les autocars car sa conduite est d’une constance impeccable.  En route, on apprend que les plaques d’immatriculation de couleur bleue appartiennent à des fonctionnaires ou à la police, alors que celle de couleur rouge reviennent aux militaires.   Le service militaire est de 2 ans et obligatoire à 18 ans, pour ceux qui ne sont pas à l’université.  Tous les autres véhicules ont des plaques blanches.  Depuis l’ouverture au marché (le Doi Moi), les vietnamiens peuvent posséder leur commerce et dans ce cas, leur voiture, ce qui est le cas de notre chauffeur.  Il est travailleur indépendant et fier de l’être, tout comme notre guide, bien qu’il soit plus âgé de 15 ou 20 ans.  Dans les villages comme dans les quartiers des villes, on remarque  toujours une maison du Comité populaire.  C’est une sorte de préfecture où les habitants sont tenus de s’enregistrer en arrivant et d’aviser s’ils déménagent.  C’est un contrôle des déplacements par le Gouvernement.  D’ailleurs, les étrangers doivent faire de même à l’arrivée à l’hôtel où l’enregistrement requiert le passeport et le visa, souvent détenus jusqu’au départ de l’hôtel.  Cela rappelle les séjours en Europe dans les années soixante!

En quittant Hanoi nous nous dirigeons vers Mai Chau et les premiers villages autochtones, appelés ici « ethnies ».  En route, un arrêt et une ballade en bateau, ou plutôt en vieux rafiot, sont au programme sur le réservoir du premier grand barrage hydroélectrique du Vietnam sur la rivière (song) Noire (Da) à Hoa Binh.  Il fut construit en 1979 avec l’aide financière et technique des Russes.  Ce sont les français qui ont construit les premiers petits barrages hydroélectriques du Vietnam, permettant l’électrification graduelle du pays.  On construit aujourd’hui des barrages de très grande capacité à travers ce pays de montagnes, assurant ainsi la fourniture d’électricité pour l’industrialisation, tout en régularisant le niveau des crues.  Notre courte « croisière » nous permet d’observer les villages des « Muongs » et « Daos Tien » disséminés sur les collines environnantes.  Sur le réservoir se trouve beaucoup de carrés de filets visiblement pour la pisciculture.  En route, on remarque le travail des femmes sur les chantiers routiers.  Cela confirme tout ce que nous avons découvert en visitant le musée des femmes de Hanoi….  Des panneaux de propagande, en quantité, sont aussi dispersés le long des routes comme dans les villages.  Le long de la route, il est fréquent de voir le riz déposé par terre pour sécher à l’air, souvent devant les maisons.  C’est une région fertile avec des rizières magnifiques.  Comme c’est l’automne il s’agit de la deuxième cueillette de riz.  Il est coupé à la serpe, enroulé en paquet puis, séparé à la machine, assez rudimentaire, pour en tirer le grain.  Le résidu de foin est ensuite brûlé sur place, ou servira de combustible.  Le riz est ensuite séché en carré devant la maison ou le long de la route.  Encore aujourd’hui, 80% des Vietnamiens vivent de l’agriculture.   Après la cueillette du riz, la terre est retournée avec l’aide d’un buffle, afin d’être asséchée.  Elle sera irriguée de nouveau pour la prochaine semence et une récolte est prévue au printemps généralement en avril.  En 1990, dans le cadre de « l’ouverture » le gouvernement a donné aux populations locales les rizières selon le nombre des membres de la famille.  À la suite de cette privatisation, la production de riz aurait quintuplé!

L’arrivée à Mai Chau dans un superbe hôtel de charme de 16 chambres, sur le bord des rizières est très agréable.  Le vin de riz local et un thé à la cannelle nous accueillent pendant que le guide procède à la logistique de l’inscription à l’hôtel.  Après un petit repos. Ce sera la visite à pied du village des « Thaïs blancs » à proximité.  Une baignade à la piscine pour Lucie est suivie d’un agréable repas dans le superbe restaurant de l’hôtel, avant d’assister en soirée à un charmant spectacle folklorique.  Il nous semble évident que notre guide apprécie ces très jolies danseuses, d’une élégance séduisante dans leurs très beaux costumes ethniques…. Il faut raconter ici l’anecdote du souper.  Après avoir mangé un élégant souper vietnamien, nous signons la facture pour porter la charge à notre chambre et laissons un bon pourboire en liquide.  Cette pratique nous assure que la récompense va aux serveurs et non au propriétaire de l’hôtel.  Ce pourboire représentait environ 15 % de la facture du repas.  Le lendemain matin, la jeune serveuse de la veille s’approche délicatement de notre table pendant notre petit déjeuner et, dans un anglais rudimentaire mais clair, nous fait comprendre avec un superbe sourire, facture et argent liquide à la main, que nous n’avons pas laissé suffisamment d’argent pour payer le repas, la veille au soir.  En éclatant de rire, nous lui indiquons que cet argent est pour elle et que le repas doit être porté à notre chambre.  Étonnée, mais ravie, elle n’en finissait pas de nous remercier.  Nous avons réalisé que rares étaient les touristes qui laissaient des pourboires, probablement parce qu’ils font tous partie de voyage de groupes où tout est inclus dans le prix du forfait.  Cela nous a été confirmé par la suite.  Il faut dire que notre manière de voyager nous assure toujours d’un service généreux et sympathique… sans parler de la qualité…

Dans notre découverte du Haut Tonkin en route vers Son La et Dien Bien Phu,  nous avons le plaisir de marcher dans un champ de thé au jasmin en fleur.  Le thé est un important produit d’exportation du Vietnam.  Ce champ est administré par l’État et la  femme qui y fait la cueillette et la coupe est très sympathique. Elle nous offre des feuilles et des fleurs blanches magnifiques.  Nous découvrons vraiment le pays de montagnes et d’eau qu’est le Vietnam.  Cette région montagneuse et difficile, est peu visitée par les touristes à cause de l’état des routes.  Cela changera sans doute dans un avenir rapproché puisqu’on y construit plusieurs barrages hydroélectriques.  Après l’ouvrage de Hoa Binh, construit en 1979, deux autres barrages vont inonder la vallée de la rivière Noire (song Da).  Celui de Son La sera le plus important d’Asie du sud-est et produira 10% de l’électricité du pays.  On y a déplacé 91 000 personnes, presque exclusivement des minorités ethniques.  Quand nous sommes passées, le réservoir était en voie de remplissage et la mise en service se fera probablement en 2012.  Les conditions des travailleurs et des ingénieurs à qui nous avons parlé, en attente de notre droit de passage, nous ont semblé précaires mais tout le monde avait l’air heureux d’y travailler.  La construction cause de nombreux retards aux différents véhicules, dont le passage est restreint par la nature même des travaux en cours.  Après un arrêt d’environ 30 minutes, et quelques causeries avec d’autres voyageurs de la région, nous apprenons qu’un autre barrage à Lai Chau, en amont de celui de Son La, est également en construction.  Nous continuons notre route dans certaines conditions assez difficiles pour le chauffeur, à tel point que nous nous demandons si nous réussirons à nous rendre à destination!

Heureusement tous les obstacles ont été vaincus grâce à un chauffeur très doué et nous arrivons à Son La, où un hôtel, propriété du syndicat du parti communiste nous attend.  L’horreur!  Un édifice carré, blanc, vieux, austère et aéré de partout avec des lumières de néon!  Même après avoir changé de chambre, nous ne sommes pas très heureuses.  Notre guide est au désespoir et fait de son mieux.  Prenant notre mal en patience et surtout très fatiguées du voyage, et sachant que ce n’est que pour un soir on fera contre mauvaise fortune bon coeur…  La télé a un écran plasma et il y a beaucoup de chaînes russes, sans doute à cause de leur participation aux projets hydroélectriques!  L’agence nous avait averties que les installations touristiques étaient difficiles sur cette route très peu parcourue par les touristes.  Ils avaient d’ailleurs fait tous les efforts pour nous décourager de suivre cette voie.  En fait , nous avons fait connaissance de quatre français qui suivaient un tracé semblable au nôtre et on a bien rigolé!  On se console comme on peut!  Nous ne verrons pas beaucoup de cette ville militaire plutôt terne.  De toute façon, il n’y a que la prison à voir à Son La.  Elle est intéressante parce qu’elle remonte au régime français (1908).   Cela nous permet d’en apprendre un peu plus sur cette période… De ce court séjour, nous retenons précisément que les Vietnamiens mangent du chien.  Mais il faut toujours manger le chien après le 15ème jour lunaire sinon c’est malchanceux!  Nous sommes donc dans la bonne période.  Ce soir-là, nous ne posons pas de questions sur la nourriture que l’on a consommée, au grand amusement de notre guide….

On quitte le lendemain avec un « Good morning Vietnam »  plein d’espoir et un « Goodbye Son la » au plus vite, en route vers Dien bien Phu, le but de ce périple.  Cette ville où les français ont perdu l’Indochine en 57 jours!  C’est une ville dont les Vietnamiens sont très fiers.  Le site de la célèbre bataille de « Dien Bien Phu », a été aménagé avec un musée relatant l’histoire de cette fameuse bataille ainsi que plusieurs points d’intérêt et de visites.  Peut-être teintés d’un peu de propagande, nous étudions l’histoire et le comportement prétentieux des français face à l’ennemi.  Cependant, dans les livres d’histoire français, les commentaires sur cette bataille ne sont pas plus élogieux pour les français (c’est le moins que l’on puisse dire).  La présentation audiovisuelle de ce musée est très intéressante et on ne peut que se demander à quoi les chefs militaires français ont pensé dans le choix de leur stratégie!  C’est le nombre de soldats et la capacité technique militaire des Viet-minh que le commandement français avait sous-estimés.  Il faut se rappeler qu’après la deuxième guerre mondiale, les français avaient probablement un peu moins de force militaire, alors que leurs anciennes colonies avaient probablement plus d’ambition d’indépendance qu’avant la grande guerre.  En plus, les nombreuses minorités ethniques dispersées à travers les montagnes, d’une densité exceptionnellement élevée dans la région, ont participé activement à cette bataille. Elles ont collaboré étroitement aux forces du général Vietnamien, le fameux général Giap, dont on dit qu’il était un génie militaire.  Ce dernier n’a pas épargné ni les efforts ni les hommes et ni les femmes pour gagner cette bataille.  Le cimetière de nombreux soldats vietnamiens a été financé par la France et permet de se recueillir sur ces milliers de tombes vietnamiennes.  Cette visite de Dien Bien Phu valait toutes les contrariétés de la route et l’inconfort des hôtels.  D’ailleurs l’hôtel à Dien Bien Phu bien que charmant et situé dans un havre écologique, a été une autre expérience désagréable non pas à cause de l’hôtel, mais des clients militaires et policiers qui y logeaient en même temps que nous.  Pas moins de 200 hommes en uniformes sont arrivés un peu après nous.  La responsable du service des repas nous avait réservé un salon pour le souper, de façon à nous isoler de cette bande de fêtards.  Mais au coucher, nous avons constaté que les murs de ce « bel hôtel écologique » était en carton (ou en paille?) et nos voisins de chambre ont causé toute la nuit ce qui nous a empêchées de trouver le sommeil.

En route vers Sapa le lendemain, la route est encore une fois très difficile, bien que nous traversions la ville neuve de Lai Chau. Elle prend la relève de l’ancienne ville en voie d’être noyée par le réservoir en construction sur la rivière noire.  Plusieurs « Thaïs noirs » et « blancs » sourient sur notre passage en plus des « Hmongs », des « Ha Nhi » et des « Xinh-Mun », autant de minorités ethniques qu’il nous est difficile d’identifier, mais dont notre guide nous précise les différences vestimentaires.  Cette route perpétuellement en travaux nous dit-on, est inquiétante à cause de la hauteur des montagnes, de la densité des forêts et de la faible densité de population.  Ici, toute la construction de route se fait à la main, les accidents de terrains empêchant les véhicules lourds de s’y aventurer.  Plus nous avançons vers Sapa, plus nous sentons l’isolement des montagnes et la beauté grandiose de ces monts fabuleux aux portes du Laos… Sapa fait partie des 1000 endroits à voir avant de mourir de Patricia Schultz.

Enfin au loin, c’est le toit du Vietnam, le Phan Si Pan, ce sommet que les plus hasardeux vont marcher.  À 3 143m, c’est le plus haut sommet du pays. Sapa est un centre touristique remontant au protectorat français.  C’est un village montagneux à 1 630 m d’altitude où l’air est pur et frais.  Les populations, formées d’ethnies « Dao rouges » et de « Hmongs noirs », sont accueillantes et savent faire le commerce de leurs produits.  En sortant de l’hôtel, ils sont partout, surtout des femmes, souvent avec des bébés sur le dos.  Elles vous suivent et vous offrent leur artisanat.  Elles sont très belles.  Notre guide nous conduit en excursion sur un sentier rocailleux, malgré nos réticences.  Mais c’est la seule façon de découvrir cette région et ses ethnies.  Durant tout le parcours de 3 à 4 heures, une jeune femme, chargé d’un bébé, échangeait avec lui et nous donnait des réponses très pertinentes aux nombreuses questions soulevées en passant à travers ces villages isolés.  De la culture de la marijuana (pourtant interdite) à la culture du café, en passant par de multiples cultures en terrasse, sans parler des rizières également en terrasse, nous avons toutes les explications requises.  À la fin de la visite, nous avons acheté ses produits en souvenir et en reconnaissance de sa gentillesse.

Sapa, c’est l’endroit pour se procurer des produits North Face.  Il y en a partout.  C’est là qu’ils sont le moins chers (selon notre guide).   North Face est un fabricant important au Vietnam.  Sapa c’est aussi l’endroit de l’alcool de riz, qu’il faut goûter évidemment.  Coeur fragile, s’abstenir…. Le marché de Sapa est reconnu et animé en tout temps.  Il reste quelques bâtiments coloniaux du temps où les français avaient établi une station  météorologique dans ce qu’ils appelaient les « Alpes » Tonkinoises.  En novembre, la température y est souvent froide.  Nous avons eu des journées ensoleillées et chaudes (18C) même si le soir la fraîcheur descendait rapidement.  Tous les soirs de notre séjour vers 17 heures, nous faisions un petit feu de foyer dans notre chambre.  Je devrais dire que le jeune de la maison le faisait pour nous.  Notre hôtel familial était tout neuf, en bois blond et stuc blanc, avec dans chaque chambre un véritable foyer.  À Sapa plusieurs hôtels possèdent des foyers dans les chambres, mais rares sont ceux qui sont fonctionnels!  En plus, notre chambre était dotée d’un joli balcon fleuri donnant sur la vallée.  Au lever du jour c’était magnifique de voir le soleil graduellement découvrir la vallée en chassant la brume du matin pour dévoiler des pâturages et des cultures en terrasse d’un beau vert émeraude.  Un paysage plus beau que sur les cartes postales.  On mange bien à Sapa et la vie y est douce…  Les touristes y sont très nombreux mais à cause de la présence de nombreuses populations ethnies, on ne sent pas l’oppression touristique car les touristes se fondent dans la population locale.

Après ce court séjour un peu hors du temps, nous reprenons la voiture pour aller à la frontière de la Chine dans la ville frontière de Lao Cai afin de prendre le train pour rentrer sur Hanoi.  La frontière est ouverte et nous voyons plusieurs personnes traversant le pont dans les deux sens.  Cette frontière est ouverte ou fermée, selon les nombreux conflits entre les deux pays.  Les Vietnamiens n’aiment pas les chinois, mais aiment bien leurs produits, beaucoup moins chers que les produits occidentaux!  La gare de Lao Cai est toujours bondée car la route entre Hanoi et Lao Cai (240 km) est très mauvaise.  Notre chauffeur rentrera donc seul à Hanoi.  Après les routes que nous avons prises dans l’ouest du Tonkin, nous ne sommes pas trop malheureuses de rentrer par le train.  Pour assurer un minimum de confort, nous avions réservé une cabine-couchette pour 4 personnes, sachant que nous ne serions que deux.  Nous avions aussi acheté un sac de couchage en soie à Hanoi avant de partir (comme le veut la coutume) car la propreté de ce train n’est jamais garantie.  Mais le voyage s’est bien passé.   Après un léger repas acheté avant de partir sur les conseils de Nam, nous nous sommes assoupies et nous sommes rentrées à Hanoi à 4 heures du matin un peu chiffonnées.  Heureusement une voiture nous attendait à la gare et notre arrivée à la « Maison » nous a permis de reprendre le sommeil perdu…

Le golfe du Tonkin

Les jours suivants seront réservés à la découverte de la côte est du Tonkin.  Un peu à l’ouest de Hanoi,  on visite le village reconstitué de Duong Lam, sur le côté nord du delta de la rivière rouge, à proximité duquel se trouve une pagode datant du 15ème siècle.  Ce joli village, nouvellement restauré, accueille des touristes qui peuvent dormir dans les anciennes maisons de bois, s’y restaurer avec une cuisine familiale excellente et faire quelques achats de foulards de soie absolument superbes et filés par les filles de la maison.  Compte tenu de leur prix, nous en avons fait des provisions comme souvenirs pour nos amies.  Le site de l’ancienne capitale, Hoa Lo à 80 km au sud de Hanoi, est  très pittoresque.  Ce site fut la capitale d’un petit royaume féodal successivement dirigé par les dynasties des Dinh (968-981), des Le antérieurs (981-1010) et des Ly (1009-1225) ( Le postérieurs).  On y visite deux temples qui sont en quelque sorte des répliques des anciens sanctuaires à l’intérieur de l’ancienne citadelle.  De là, une ballade en barque nous fait découvrir les grottes de Tram Coc, que certains se plaisent à appeler la baie terrestre de Halong.  Ce sont d’immenses cavernes que l’on visite à bord d’une barque plate glissant doucement sur l’eau.  La flore et la faune de ces rivières sont très riches.  Durant cette promenade en bateau nous traversons une vaste cavité ayant abrité un hôpital militaire Viêt-cong pendant la guerre contre les américains.  On prétend que d’autres grottes auraient également servi de prison à des pilotes américains capturés.  Des femmes manient efficacement la barre de ces barques avec leurs pieds ou leurs mains.  Au début de notre ballade, tout était calme et paisible avec un petit frisson seulement sur l’eau claire.  À la fin de notre circuit, un groupe de joyeux lurons Vietnamiens nous a dépassées dans un vacarme de fête.  Heureusement cela n’a pas duré plus de cinq minutes car c’était la fête qui les intéressait plus que le décor.  Notre retour sur Hanoi par, ce que les Vietnamiens appellent la « route de la souffrance » à cause de son état en perpétuelle construction, nous fait penser aux problèmes de construction de routes du Québec!  Ce retour nous permet d’apprécier l’envergure d’investissement en éducation dans la région.  Ces investissements en éducation universitaire proviennent de plusieurs pays ou de sources privées, car cette région industrielle a besoin d’une main-d’oeuvre qualifiée.  Ici, une université financée par l’État en collaboration avec des gens d’affaires vietnamiens, et là, une université privée est dédiée à un groupe d’entreprises spécifiques.  Ce pays se construit, forme des gens et sera bientôt un concurrent international redoutable…

Le lendemain, c’est le départ pour la Baie de Halong sur une autoroute moderne que l’on rejoint par un pont à péage.  Il y aura de la construction sur cette route qui redeviendra une route à deux voies au bout de quelques kilomètres.  Ce sera la première fois que nous verrons des travailleurs de route en pyjama rayé blanc et vert.  Il s’agit de prisonniers affectés à la construction de route.  La Baie de Halong offre l’un des paysages les plus somptueux d’Asie.  Nous y ferons une croisière de 2 nuits.  Cette croisière est une magnifique expérience au coeur de la huitième merveille du monde.  En arrivant, nous sommes étonnées du nombre élevé de jonques de croisières qui attendent au port.  Évidemment la nôtre est la plus belle et certainement l’une des plus récentes, en bois et cuivre de toute beauté.  Notre chambre est grande et la salle de bain rivalise avec les meilleurs hôtels.  Notre bateau ne compte qu’une douzaine de chambres.  Au total, nous sommes 19 passagers dont une famille australienne avec deux enfants de 4 et 6 ans, absolument charmants.  L’atmosphère est sympathique, le personnel est avenant, la guide sur le bateau est pleine d’humour et parle un excellent anglais.  Les passagers sont aussi intéressés que nous à découvrir cette baie mythique.

Cette baie est un parfait exemple de formation karstique.  Le terme « karst » désigne les phénomènes de corrosion du calcaire, en particulier le creusement de grottes et de gorges.  La multitude d’îles et d’îlots, près de deux milles, sont traversés de grottes et de tunnels, reliquats de réseaux de galeries beaucoup plus vastes.  Durant notre  courte croisière nous visitons plusieurs grottes au fil de l’eau ou en montagne, sur des îles plus ou moins  grandes.  Des ballades en kayak de mer nous ont permis de voir des coins difficilement accessibles autrement.  On y a croisé des sampans et des jonques qui glissent silencieusement sur ces eaux vertes transparentes et laissent une impression d’irréalité.  La plus spectaculaire des grottes a été baptisée la grotte « des merveilles » par les français.  Elle renferme d’innombrables stalactites et stalagmites prenant différentes formes dont les plus impressionnantes sont le phénix, le lion et un Bouddha!  Certaines de ces îles affichent même des autels où des offrandes sont faites avant la pêche par des pêcheurs locaux.  Les îles ont des plages magnifiques dont on peut profiter agréablement.  Lucie a trouvé l’eau de la Baie de Halong bien agréable!  En haute saison, je ne suis pas certaine que la croisière aurait été si douce!  Mais la saison touristique ne fait que commencer et cela nous permet de bien profiter de ces moments de grâce dans un endroit de rêve.  Avant de rentrer, le bateau fait une escale sur une île où se pratique la culture de perles.  Ces perles sont très belles et bien que le soi-disant musée soit plutôt rudimentaire nous apprenons que cette culture est assez récente au Vietnam.  Néanmoins on y produit de beaux bijoux.  Je me laisse tenter par une paire de boucles d’oreilles de perles noires, simples mais jolies, que j’achèterai sur le bateau où des bijoux sont offerts aux voyageurs qui souhaitent se rapporter un souvenir de cette expérience hors du temps … Malheureusement notre dernière nuit a été ruinée par un groupe de jeunes australiens et britanniques arrivés le matin du deuxième jour et qui ont fait la fête très tard en s’amusant au Karaoké, le sport national du Vietnam…. On peut s’imaginer ce que ça doit être en haute saison!  Cela nous ramène rapidement les pieds sur terre… Heureusement le lendemain nous rentrons à Hanoi après un avant-midi de farniente sur les chaises longues du dernier pont du bateau et un repas toujours aussi élégant et bon.  Le mystère de la Baie de Halong ce sont ces chaînes de montagnes au loin, enveloppées dans une brume, faisant ressortir ça et là des rochers dispersés sur la mer émeraude.  Par mauvais temps, ce mystère doit être très inquiétant mais par beau temps, ce n’est pas loin du paradis…

Sur la route du retour sur Hanoi nous sommes toujours aussi étonnées de constater comme les voitures sont belles, neuves et luxueuses.  On comprend que depuis l’ouverture au marché, les vietnamiens peuvent faire du commerce à leur profit.  Il y a donc des gens très riches parmi ces « communistes » ou cette « aristocratie rouge » comme l’un de nos guides les a appelés.  Comme avant les années 2000 on ne pouvait rien acheter, il est normal qu’aujourd’hui ceux qui en ont les moyens s’achètent des voitures.  Comme cela est récent, les voitures sont toutes neuves.  Comme on ne peut pas sortir l’argent du pays, autant s’acheter des voitures luxueuses.  Les Mercedes, BMW, et autres voitures de luxe sont partout.  Avant de rentrer nous faisons un détour par un petit village où l’art de l’estampe est maintenu vivant.  Un site se consacre à faire revivre cette vielle tradition vietnamienne.  Le vieux village est pratiquement disparu le long du fleuve Rouge.  On remarque les briques bien rangées et conservées sans doute pour servir à la construction de nouvelles habitations.  On visite la Pagode de la pointe du pinceau, peu connue des Vietnamiens mais mieux connue des étrangers.  Des moines y viennent encore et une cérémonie était en cours au milieu des rizières à maïs.  C’est le soleil rouge de fin de journée qui nous accompagne jusqu’à Hanoi dans un capharnaüm de voitures, de camions, de taxis, de motos à l’heure de la rentrée à la maison.  L’accueil à la « maison » est toujours aussi charmant et on nous donnera une chambre encore plus grande et plus confortable que la dernière fois.  C’est notre dernière journée avec Nam que nous remercions avec les pourboires d’usage, car demain, c’est le départ en avion pour Hué et le début de la visite plus touristique du centre et du Sud du Vietnam.

Hué

Au réveil nous apprenons à la lecture des journaux que les pluies des derniers jours dans la région de Hué ont causé des débordements de la rivière des Parfums.  Comme nous n’avons pas encore eu de pluie depuis notre arrivée, nous faisons confiance à notre chance en espérant que les inondations seront terminées à notre arrivée à Hué.  La chance est avec nous.  Le vol Hanoi-Hué se fait sans contrariété.  Il ne pleut pas à notre arrivée mais le temps est nuageux.  Notre nouveau guide est à l’accueil.  Il a 70 ans, c’est un homme ayant étudié chez les frères rédemptoristes.  Il connaît bien le Québec pour avoir étudié avec des pères québécois.  Il ne tarit pas du plaisir qu’il a à nous accueillir.  Il nous parlera de l’après-guerre et de la manière dont les « communistes » ont confisqué les biens des prêtres étrangers, les chassant du pays.  Il nous précise qu’il est catholique et que depuis peu (la dernière « ouverture »),  il peut pratiquer sa religion.   Il nous rappelle que les rédemptoristes ont été expulsés en 1975 et que depuis « l’ouverture » de 1999, ils tentent de récupérer leurs maisons mais avec grandes difficultés.  Les gens du sud se réfèrent souvent aux « communistes ».  Dans le nord, jamais nous n’avons constaté de différence entre la population et les communistes.  On comprend que le sud a gardé son fond capitaliste, hérité de la période coloniale…. Plus on progresse dans le sud, plus cela devient évident.  Notre guide nous précise que depuis l’ouverture, il y a un peu plus de liberté mais « très peu » selon lui.  C’est la première fois que nous entendons ce genre de propos.  Il est également vrai que c’est la première fois que nous avons l’occasion  de parler à quelqu’un de cet âge et qui a vécu l’avant et l’après communisme.  Notre guide a perdu son emploi de professeur à la fin de la guerre et il a, visiblement, beaucoup de nostalgie du passé.  Il a vécu toute sa vie à Hué.

Nous sommes dans l’ancienne province d’Annam.  En effet, cette région est entourée de montagnes de la cordillère Annamitique, d’où elle tire son nom.  Cette région fut coupée en deux de 1956 à 1975.  Le nord a obtenu son indépendance après la défaite française de 1954.  Cependant, sous la pression française, le sud a continué à faire l’objet de batailles intenses.  Elles étaient menées par l’armée du sud, assistée des américains.  Bien que les américains aient été anticolonialistes, leur crainte de voir les communistes chinois réussir leur avancée jusqu’au Vietnam, les poussait à soutenir le sud Vietnam.  La France n’ayant pas les moyens de continuer la lutte, les américains investissaient des hommes et de l’équipement, convaincus de pouvoir vaincre les Viêt-cong.   Les accords de Genève du 20 juillet 1954 entre Français et Vietnamiens, établirent une ligne de démarcation provisoire entre le Nord et le Sud Vietnam, au niveau du 17e parallèle.  Le pays était ainsi partagé entre la République démocratique du Vietnam, de Ho Chi Minh (vainqueur à Dien Bien Phu) au nord, et l’État du Vietnam au sud.  Ces accords instaurèrent une zone démilitarisée, au sud de laquelle les américains mirent en place leur propre ligne de défense baptisée « ligne McNamara ».  Encore aujourd’hui il reste un sol criblé de mines et de produits toxiques dans cette zone où plusieurs accidents continuent de se produire.  D’ailleurs, dans tous les guides touristiques il est recommandé de ne jamais sortir des sentiers clairement tracés par le temps.

Une promenade dans Hué est plutôt reposante.  Cette ville de 400 000 habitants est beaucoup plus petite que Hanoi.  C’est le foyer intellectuel et culturel du Vietnam.  C’est une ville  incontournable du circuit touristique.  Il est facile de s’y promener et de s’y retrouver.  Elle a été capitale  impériale de 1802 à 1945 et se trouve à 12 km de la mer de Chine méridionale.  Une citadelle y a été construite sur le modèle de la Cité impériale de Pékin.  Il s’agit d’un vaste carré, fortifié par une enceinte de 10 km de pourtour, et percée de dix grandes portes.  Elle est sise sur les rives de la rivière des Parfums.  Cette dernière tire son nom des fleurs sauvages longeant la rivière et qui embaumaient l’air environnant.

Notre découverte de Hué avec le guide, débute par une ballade en bateau sur la rivière des Parfums, au cours de laquelle notre guide nous informe qu’environ 12 000 personnes vivent sur l’eau.  Chaque bateau, et il y en a beaucoup, abrite une famille.  Ces bateaux sont tous faits à partir du métal retiré des pistes d’aviation que l’armée américaine a abandonnées au moment de sa défaite.  Le nôtre appartient à une famille avec 4 enfants, tous en bas âge.  Ils sont charmants.  Le bébé dormira dans un hamac suspendu durant toute notre promenade.  Le mari est capitaine et l’épouse nous offre des signets, des tableaux, et autres produits en papier faits par son père.  Ce papier « câydo », provient d’un arbre tropical typique de la forêt vietnamienne.  Acheter leur artisanat est une manière de les encourager.  Malgré la grande capacité de passagers du bateau, nous sommes seules  avec le guide qui nous explique ce qui défile devant nous: le pont Clémenceau, construit en 1897 par les français.  Clémenceau a été président du Conseil et on le surnommait « le Tigre » car il était très dur.  Le pont des américains, construit en 1975 pour supporter les chars d’assaut américains, qui devaient se diriger vers le nord.  Du bateau on peut admirer le marché très animé de la rive ouest et de l’autre, sur la rive est, l’hôtel Saigon Morin, offrant une magnifique architecture coloniale.  Aujourd’hui centenaire, cet hôtel est la propriété du parti communiste.

En filant dans notre grande barque, nous nous étonnons des tas de bois morts accrochés aux pylônes des ponts.  Le guide nous rappelle qu’il y a quatre jours, la ville de Hué a été inondée de 2 à 3 m d’eau.  Dès que la pluie a cessé tout est disparu en une journée, ce qui explique aussi la couleur brune de l’eau de la rivière des Parfums, généralement d’un bleu limpide.  Cette rivière d’environ 5 m de profondeur n’est qu’à 16 km environ de la mer.  Hué est une très jolie ville.  Sa reconstruction et sa restauration en font un site touristique important, malgré sa proximité de la zone démilitarisée située tout près.

Le but de notre tour de bateau est de visiter la région des tombeaux royaux.  La dynastie des Nguyen régna de 1802 à 1945.  Au début de 15ème siècle elle était alliée à la dynastie régnante des « Le » et dirigeait le nord du pays.  Ils furent chassés vers le sud par les Trinh au milieu du 15ème siècle.  Il s’ensuivit une guerre qui dura une cinquantaine d’années jusqu’à ce que les deux familles décident de se partager l’empire.  Les Nguyen s’approprièrent le Sud colonisant les territoires des royaumes cham et cambodgien.  En 1771, une révolte fit vaciller le pouvoir et un jeune prince, le futur empereur Gia Long, fondateur de la dynastie Nguyen mena la reconquête.  Il régna sur l’ensemble du pays à partir de 1802, s’opposant toujours aux influences étrangères.  Cette côte portait d’ailleurs le  nom de « côte de fer » à cause de la xénophobie sous la dynastie des Nguyen.  Quand les français prirent le pouvoir en 1858, les empereurs Nguyen continuèrent à régner sur l’Annam et le Tonkin mais, avec très peu de pouvoirs.  Le dernier empereur, Bao Dai, né en 1913, abdiqua en 1945.  Il fut déposé en 1954 et se réfugia à Paris où il décéda en 1997.

Nous descendons du bateau au temple de la  » Vieille Dame céleste ».  Ce temple bouddhiste a été édifié par le seigneur Nguyen Hoang en 1601. La tour octogonale en briques rouges, qui symbolise le lieu, fut élevée en 1844 seulement.  Chacune de ses sept étages représente une réincarnation de Bouddha, comme c’est souvent le cas sur les sites bouddhistes.  La légende veut qu’une vieille femme soit apparue au seigneur Nguyen, alors qu’il se promenait sur une colline aux abords de l’actuelle Hué, et lui prédit qu’un bon seigneur ferait édifier en ce lieu une pagode pour la prospérité du pays.  Ce qu’il fit  à 4 km au sud-ouest de Hué, en hommage à cette apparition.  Les nombreuses restaurations en font un site à la fois touristique et religieux important.  Le roi y avait fait érigé également une tour de la « source du bonheur »,  pour immortaliser sa grand-mère avec une statue de Bouddha en or pur.  Cette dernière aurait été volée sous le protectorat français!  Aujourd’hui la pagode est privée et entretenue par les bouddhistes qui y font des pèlerinages réguliers.  En 1710, le roi fit fondre une énorme cloche qui résonnait jusqu’à 15 km, pour avertir les ouvriers aux champs, et ce  jusqu’en 1975.  Notre guide ce matin-là, était bouddhiste comme la majorité des habitants de Hué.  Nous avons donc eu droit à une série d’explications, toutes plus fascinantes les unes que les autres.  Pour les bouddhistes, le passé n’est plus et le futur n’est pas encore là, c’est dans le moment présent que l’on peut être heureux.  C’est ce que Albert Camus a appelé le « moment de conscience ».   Pour les lettrés, Bouddha est un guide, mais pour les illettrés il est un dieu!  Nous apprenons que le ventre du Bouddha est gros pour y conserver tous les malheurs du monde.  Enfin, Bouddha prend aussi la forme d’une femme, c’est la déesse de la miséricorde.  Elle est présente dans plusieurs temples et les femmes viennent lui faire des offrandes pour avoir des enfants!

L’histoire de la pagode est inscrite sur une stèle portée par une tortue de marbre, symbole de longévité. Tout le reste de la journée fut consacrée aux visites de mausolées impériaux et à la citadelle.  Les Nguyen, contrairement à leurs prédécesseurs, ne se firent pas inhumer dans le village natal du fondateur de la dynastie, mais plutôt près de leur capitale.  Leurs tombes sont donc érigées de part et d’autres de la rivière des Parfums.  Toutes les nécropoles réunissent au moins quatre éléments architecturaux.  D’abord une grande cour, souvent en brique, accueille les visiteurs.  Une voie des Esprits est ensuite jalonnée de gardiens de pierre, ayant la forme d’animaux puissants (éléphants, chevaux ou autres créatures fabuleuses) et de dignitaires civils et militaires.  Cette « garde » mène à un pavillon où une stèle relate les mérites et les hauts faits du monarque défunt.  On y trouve ensuite un temple pour honorer le défunt et l’impératrice.  Enfin, le tombeau de l’empereur est entouré de hauts murs fermés de lourdes portes de bronze.  Le corps du monarque est en réalité enterré dans un endroit secret, à l’abri des profanateurs de sépulture.  De part et d’autre de ces monuments, s’élèvent des pavillons annexes réservés aux concubines et aux épouses du défunt, ainsi qu’aux serviteurs et aux gardiens de la tombe.  Le tombeau de Minh Mang (1820-1841), le second empereur de la dynastie des Nguyen, est à 12 km de Hué sur la rive gauche de la rivière des Parfums.  C’est le plus beau des tombeaux, nous dit le guide.  Cet empereur était dure en politique, anti catholique et a fait réalisé des travaux importants d’utilité publique, notamment dans le domaine des arts.  On y réfère comme étant le Napoléon du Vietnam.  Il aurait eu 142 enfants et se serait satisfait de 5 concubines par nuit, dont les trois cinquième étaient fécondées!!!  C’est lui qui aurait tracé les plans de son tombeau, dans la pure culture chinoise.  Construit sur la colline, il aurait employé 10 000 personnes par jour et autant de mandarins civils et militaires.  Il a été achevé par son fils qui aurait écrit l’histoire sur la stèle en mémoire de son père.  Fidèle à la culture bouddhiste, la mort n’étant que la fin d’une autre manifestation, l’empereur avait établi sa résidence d’été sur le site choisi pour son mausolée.

Tous les empereurs n’ont pas été aussi prolifiques.  J’ai rappelé plus haut que Bao Dai (1920-1997) avait été le dernier empereur.  Son père serait mort en 1925 à l’âge de 40 ans.  Son mausolée est un curieux mélange de style asiatique et français, tout en béton, sans jardin paysager ni logement pour ses concubines.  La rumeur veut d’ailleurs que le père de Bao Dai fut homosexuel et les photos dans son tombeau devenu musée, laissent peu doute.  Bao  Dai serait plutôt le fils du frère de son soi-disant père.  En tout cas, son soi-disant père affichait des goûts plutôt extravagants.  Avec l’accord des français il a dû augmenter les impôts pour financer la construction de son mausolée.  Cet empereur impopulaire aurait décidé de construire son mausolée sur un ancien cimetière chinois dont il a assuré la destruction.  La décoration de son mausolée témoigne de l’influence française par différentes touches, d’ailleurs plus ou moins esthétiques, à côté de mosaïques d’influence chinoise.  Un mur présente une délicate fresque affichant les quatre saisons: des abricotiers en fleurs faisant état du printemps, des lotus témoignant de l’été, des chrysanthèmes pour l’automne et des bambous pour l’hiver.

La journée se termine par la visite de la citadelle ou ce qu’il en reste.  Les nombreuses guerres ayant eu cours dans ce pays ont détruit beaucoup de son patrimoine culturel.  Ce n’est que depuis 1990 que le gouvernement s’intéresse à la préservation des sites historiques.  La citadelle est inscrite au patrimoine de l’humanité depuis 1993, ce qui encourage plusieurs pays réunis sous l’égide de l’Unesco, à entreprendre ou financer sa restauration.  D’ailleurs tout le site est un chantier de construction tout en demeurant accessible aux visiteurs.  Certains édifices sont terminés, d’autres encore en ruine.  La citadelle de Hué fut décidée au 19ème siècle seulement et son site fut déterminé par la géomancie, une pratique courante au Vietnam, afin de choisir l’emplacement le plus favorable à la vocation de l’édifice prévu.  La ressemblance avec la cité interdite de Pékin est remarquable. Son organisation reflète la hiérarchie confucéenne avec trois enceintes concentriques renfermant la Vielle-Capitale, la cité impériale et enfin la cité pourpre interdite.  Des fossés entourent chacune des enceintes.  Le site est très impressionnant et sa restauration en fera sûrement un bijou culturel.  Mais il faudra du temps car le site est immense et couvre 73 ha.  Au rythme où se font les changements au Vietnam il ne serait pas étonnant que d’ici 5 ans ce site soit entièrement et magnifiquement restauré avec l’aide de la communauté internationale!

Nous sommes déjà le 14 novembre et voilà la moitié de notre périple terminée.  Pour la première fois, le brouillard est lourd ce matin, et tout est mouillé car il a plu toute la nuit.  Difficile à dire si la pluie est terminée.  Nous partons pour Hoi An aujourd’hui, un autre incontournable du Vietnam.  Avant d’y arriver, il faudra traverser une chaîne de montagnes imposante, séparant la mer de Chine du Laos.  Nous pénétrons dans la région du royaume disparu du Champa.   Ce royaume de religion hindou a été constitué par des Indonésiens débarqués sur les côtes du Vietnam il y a bien longtemps avant notre ère.  Pour y parvenir, il faut traverser le « col des nuages », dominé par la montagne du cheval blanc, qui nous révèle un magnifique panorama côtier sur la péninsule de Lang Co, en mer de Chine méridionale.  Le « col des nuages » long de 25 km, tire son nom de sa situation à la frontière climatique, entre le nord et le sud du Vietnam.  Cela le plonge régulièrement dans un épais brouillard.  Un tunnel a été construit par les japonais ayant occupé le Vietnam dès 1940, mais dont le contrôle effectif ne dura que quelques mois en 1945.   Ce tunnel de 6 km de long permet de sauver beaucoup de temps pour les gens pressés, sans intérêt pour le paysage.  Il a par contre joué un rôle stratégique important durant les différentes guerres.

Danang

Arrivée à Danang c’est l’émotion.  En effet, cette ville d’un million d’habitants, sur le bord de la mer est la quatrième ville du pays.  C’est aussi un port international.  C’est ici que sont débarqués les 3 500 premiers marines américains, en février 1963.  On se croirait sur une plage du New Jersey!  On ne peut que s’imaginer ce que ces jeunes américains ont ressenti en débarquant à Danang.  Quoique le bord de mer soit splendide, tout au fond, les montagnes sont impressionnantes.  C’est d’ailleurs dans ces montagnes que l’on peut visiter aujourd’hui la montagne de marbre.  On y trouve des grottes, encore là, qui devaient constituer des cachettes parfaites pour les Viêt-cong.  À première vue, ce pays présentait des similitudes avec le leur, mais plus ces jeunes marines avançaient, plus l’inquiétude devait les gagner, en observant les regards impénétrables de ce peuple et les façons de vivre, comme de cultiver, tellement différentes des États-Unis.

On trouve à Danang un musée de l’art Cham, établi par les français en 1915, pour abriter les trouvailles des archéologues de l’École française d’Extrême-Orient.  D’abord un dépôt, sans doute pour entreposer les plus belles pièces devant être expédiées en France, il fut transformé en musée en 1936.  Il renfermerait aujourd’hui la plus belle collection Cham au monde, après des restaurations importantes entre 1992 et 1994, pour corriger les destructions de la guerre.  Ces sculptures hindoues ne nous ont pas impressionnées, bien que quelques pièces soient très belles.  Après avoir vu ce type d’art en Inde, les pièces présentées ici sont intéressantes mais sans plus.  On peut d’ailleurs présumer que Paris possède en ses murs, plus de pièces mémorables que le musée de Danang…

Hoi An

En route vers Hoi An, nous longeons la mer et c’est une suite de construction d’hôtels de chaînes américaines qui défilent devant nous.  Ces hôtels et condos sont partout le long de la côte.  C’est la célèbre « China Beach » où tant de marines américains venaient se reposer en permission.   On y verra nos premières barques rondes traditionnelles, des pêcheurs locaux en bambou tressé, qui constituent vraiment une curiosité pour nous!

À l’arrivée à Hoi An c’est le retour sur le Vietnam du passé.  Cette ville portuaire est charmante et la restauration de sa partie historique nous permet de mieux comprendre la culture et le mode de vie vietnamien.  Hoi An c’est la ville de la soie.  On aura droit à une visite d’une coopérative de production de soie, depuis élevage des vers à soie jusqu’à la fabrication de vêtement en passant par des pièces artistiques splendides.  C’est une visite éclair pour touriste pressé.  Malgré la tentation nous n’y ferons pas d’achats car nous avons vraiment l’impression que c’est une attrape à touristes, ce qui nous sera confirmé plus tard.  La visite de la vieille ville est agréable et nous avons l’impression de vivre dans un autre siècle.

La guerre a peu touché Hoi An car elle était déjà devenue une ville modeste après que les français lui eut préféré Danang dès 1850.  Jusqu’en 1995, la petite ville de moins de 100 000 habitants était un village de pêche.  Aujourd’hui 80% de la population vit du tourisme!  L’Unesco a lancé un vaste programme de restauration au début des années 1980, ce qui a permis de sauver la ville.  En contrepartie, l’affluence touristique lui a fait perdre beaucoup de son charme passé.  Néanmoins nous avons été séduites par cette ville et son histoire.  Il y aurait 844 bâtiments d’intérêt historique à Hoi An, avec une architecture remarquablement bien conservée, qui atteste de la richesse passée de ce port.  La vieille ville est interdite aux voitures ce qui permet de s’y balader agréablement, d’un côté et de l’autre de la rivière Thu Bon.  On y trouve des temples faisant aussi office de maisons communales, des vieilles demeures encore habitées mais que l’on peut visiter, un pont-pagode japonais et bien sûr des boutiques et restaurants.  Le pont-pagode japonais est étonnant et remonterait à 1593.  Il a été construit par les japonais établis à l’ouest de la rivière Thu Bon.  Ce pont aurait pris trois ans à construire, de l’année du Singe à celle du Chien, ce qui explique la présence de statues de ces animaux de part et d’autre du pont.  La légende veut que ce pont ait été construit pour exorciser un monstre reposant depuis l’Inde jusqu’au japon et responsable de graves bouleversements en Asie (sécheresses, inondations, tremblements de terre…).  Le petit édifice en forme de pont couvert passerait sur le dos de la bête et l’empêcherait ainsi de bouger et de nuire au déclenchement de catastrophes!  La pagode a été ajoutée cinquante ans plus tard par les Chinois dont le quartier était établi à l’est de la rivière.

La ville de Hoi An est belle et intègre toutes les influences subies par le Vietnam au fil du temps.  Son marché est très actif et très touristique aujourd’hui, mais avec un cachet d’un autre temps.  C’est à Hoi An qu’il faut acheter la soie et les boutiques ont toutes des tailleurs ou des ouvrières qualifiées.  Nous nous laisserons tenter et notre guide nous a conduites dans une petite boutique où le travail est bien fait, les tissus de qualité et le prix avantageux!  Il faudra 24 heures pour tout obtenir et l’ajustement est parfait.  Notre hôtel à Hoi An n’était pas dans la vieille ville mais vers la mer à environ 2 km du centre.  Il ressemblait aux hôtels des Caraïbes avec des installations modernes, une construction en bois magnifique, avec des marbres tout aussi luxueux.  Notre chambre avait un joli balcon donnant sur le jardin et les peignoirs de la chambre étaient en soie luxueuse!  D’ailleurs, dans pratiquement tous nos hôtels les peignoirs et les pantoufles étaient offerts.  Un luxe très apprécié qui me rappelait le Japon!

Durant ce séjour à Hoi An nous sommes allées à My Son, le site sacré du culte Champa.  Il pleuvait malheureusement ce jour-là.  Comme il s’agissait de notre deuxième jour pluvieux, nous ne pouvions pas nous plaindre.  Néanmoins, étant donné que ce site est en montagne ce fut une promenade compliquée.  Voir le Vietnam à la pluie n’est pas agréable car il y a beaucoup de boue, à cause de la nature du sol et c’est très glissant.  Notre guide avait prévu nous faire profiter d’un spectacle folklorique à l’arrivée, de façon à éviter la foule de touristes attendus en fin d’avant-midi.  Ce spectacle était très beau et sous un toit métallique qui nous abritait heureusement de la pluie.  Graduellement, la salle s’est néanmoins remplie assez rapidement.  Il ne reste à visiter que quelques tombeaux Cham, le reste du site étant constitué de ruines qui semblent en voie de restauration.  Nous avons eu un peu le même sentiment qu’au musée de Danang et nous avons été un peu déçues.  Ce qui par contre était fascinant, c’était de constater que ces tombeaux avaient servi de réserves de munitions ou de caches d’armes pour les Viêt-cong, comme en témoignent les nombreux trous immenses un peu partout, résultant des bombardements américains.  Alors que Hoi An a à peine été touchée, My Son semble avoir eu sa part de dégâts.  C’est dans cette région qu’a eu lieu l’un des plus tragiques épisodes de la guerre du Vietnam: le massacre de My Lai.  Tout le monde se souvient de cette photo du photographe de l’armée américaine montrant une fillette, courant nue et en pleurs, avec un mur de feu derrière elle… C’est une région qui a beaucoup souffert.

De retour à l’hôtel pour le lunch, le soleil est revenu lui aussi.  Un peu de piscine en après-midi nous permet de nous remettre en forme et de nous reposer avant de sortir pour le souper.  L’hôtel offre un minibus pour le déplacement des invités entre le site de l’hôtel et la vieille ville.   Cela  s’est avéré très pratique pour aller  prendre un repas le dernier soir, avec des amis québécois en visite également.  Ils avaient choisi un restaurant renommé, très agréable et très bon dans la vieille ville:  le Cargo.   La facilité des communications sans fil nous a permis de rester en contact et de nous rencontrer à l’heure et à l’endroit prévus au départ de Montréal!  Les services sans fil sont faciles au Vietnam où tout le monde a son téléphone portable comme c’est souvent le cas, dans des pays en développement.  Le repas vietnamien était excellent et le retour en taxi  s’est fait sans heurts.  Les taxis sont vraiment économiques au Vietnam.  En fait, le coût de la vie n’est pas encore cher dans ce pays.

Le lendemain, après un avant-midi au bord de la piscine nous quittons pour l’aéroport de Danang pour prendre le vol vers Nha Trang.  Il pleut à notre arrivée à Nha Trang.  Notre guide est une caricature des guides américains.  Avec son chapeau de cow boy en cuir, ses bermudas North Face, Hung est très coloré.  Il nous apprend que Nha Trang compte un million d’habitants et que sa ville doit sa notoriété au Dr Alexandre Yersin, un étudiant de Pasteur et le découvreur du bacille responsable de la peste.  Alexandre Yersin est considéré comme le fils adoptif du Vietnam où il s’installa en 1895 à Nha Trang.  Il introduisit et acclimata l’hévéa et le quinquina.  Il fonda un laboratoire à NhaTrang pour poursuivre ses études.  Ce dernier devint l’institut Pasteur en 1903 et est toujours en activité.  Il est situé tout près de notre hôtel.  Juste à côté se trouve un musée consacré à Yersin dans la demeure où il habitait.

Nha Trang

Les infrastructures routières de Nha Trang sont très modernes.  On y exporte du sable pour la fabrication du cristal au Japon.  Nha Trang est semblable à la côte de la Floride entre Miami et Fort Lauderdale: des hôtels de luxe, des condominiums en construction des restaurants modernes… C’est l’endroit de prédilection des Russes.  Il en débarque deux avions Airbus par jour en haute saison.  Ils viennent pour les achats et la mer.  Il n’y a pas de typhon à Nha Trang à cause des montagnes qui la protègent des quatre côtés.  La spécialité locale est la perle de la mer de Chine.  La cueillette des nids d’hirondelles est une activité également importante ici.  Les nids d’hirondelles, que nous n’avons pas goûtés, sont un délice de la  cuisine vietnamienne.  On construit d’ailleurs des montagnes artificielles pour attirer les hirondelles et en récupérer les nids!  En plus de son intérêt touristique, Nha Trang est un important centre militaire.

Le Vietnam y conserve 6 sous-marins, 2 navires de combat et plusieurs avions de combats pour se défendre contre la Chine.  Cette dernière tente par tous les moyens d’exploiter les nombreuses îles au large du Vietnam à cause du potentiel pétrolier qu’elles renfermeraient.  Sur la route de l’hôtel nous voyons le superbe complexe hôtelier « Diamond » dont la propriétaire est très riche et près du parti communiste.  La route est très propre et il semble que son entretien soit assuré par les habitants payés selon la quantité de gravier et de déchets ramassés.  Notre guide est très loquace.  Il parle français, anglais, russe et vietnamien.  Il a étudié à l’école normale supérieure ici et semble très ambitieux comme la plupart des jeunes ici.  Son explication du nom de Cochinchine est claire.  Les Portugais, ayant touché le sol sur la côte de Da Nang en 1516 et installé un comptoir à Faifo (aujourd’hui Hoi An), aurait compris le mot chinois « Giaochi »,  désignant le Vietnam en chinois, et donné naissance au mot « Cauchinchina ».  Plus tard, les français utiliseront le terme de Cochinchine pour désigner le sud du Vietnam.  Enfin, le Jésuite Alexandre de Rhodes débarqué à Faifo en 1651 aurait entreprit, à son tour, de traduire le Vietnamien en caractère latin tel qu’on le connaît aujourd’hui.

La baie devant Nha Trang ressemble à mon avis à la baie de Rio, mais avec moins de monde et beaucoup plus calme.  Un immense Bouddha règne sur cette plage contrairement au Sacré Coeur de Rio!  La plage est propre et longue de 20 km.  La plage et les hôtels sont séparés par une avenue à quatre voies dont le terre-plein est fleuri.  La journée se passe sur la plage.  La mer est très forte et il n’y a que des Russes autour de nous.  Ce sont des Russes élégants, en famille ou en couple, ayant visiblement une bonne éducation.  Quelques groupes de jeunes filles, visiblement en vacances, sautent dans les vagues.  Tout est traduit en russe ici.  Les Vietnamiens apprécient beaucoup les Russes qui les auraient toujours aidés.  D’où leur présence ici non seulement pour les vacances mais aussi pour les activités conseils aux militaires.   Les masseuses de plage travaillent fort sur des corps fatigués dont certains sont plus flasques que les autres….

Après cette journée reposante et luxueuse, nous partons pour Buon Ma Thuot, principale région productrice de café.  En effet, le Vietnam est devenu l’un des principaux pays exportateurs de café.  Avant de quitter Nha Trang nous jetons un dernier coup d’oeil sur cette baie magnifique, qui à cette heure matinale, présente une image de carte postale avec ses barques rentrant de la pêche, et ses sampans flottant doucement au large.  Notre guide est une femme d’âge mûr.  C’est la première fois, depuis la Baie de Halong, que nous avons une femme comme guide et en plus elle parle un excellent français.  Son père est mort en 1968, il était chef d’un département du sud du pays.  Sa famille possédait deux maisons.  Le gouvernement en a pris possession  avec une compensation « ridicule ».  Depuis l’ouverture, il est possible de reprendre ses anciennes propriétés ce qu’elle tente de faire.  Elle parle de ‘tuyau » lui ayant permis de faire avancer son dossier.  Les tractations en dessous de la table sont courantes ici et il faut toujours un tuyau… Elle a voyagé en France et garde pour la langue française un attachement évident.  Elle est plutôt réservée et n’aime pas les communistes.  Elle est discrète devant le chauffeur, « car il est communiste »,  mais elle devient loquace, quand nous nous promenons et causons entre nous.  Le touriste ne voit pas la dictature communiste et nous avons l’impression que la population est libre.  Mais ce ne serait pas le cas.  Il y a bien sûr quelques initiatives individuelles, mais les déplacements sont toujours contrôlés.  Il faut s’inscrire à la maison communautaire et chaque famille possède un carnet avec le nom de tous ceux qui vivent dans la maison.  Si le propriétaire de la maison est loin il est possible d’habiter la maison moyennant un « cadeau » sous la table offert aux autorités jusqu’au retour des propriétaires.  Tout se monnaye ici.

En partant de Nha Trang nous traversons la région des hauts plateaux.  On y produit du café, de la canne à sucre, du poivre, etc… On est riche ici et cela se voit par les maisons plus grandes et plus luxueuses.  Le long de la route on peut voir le poivre ou le café à sécher sur la bord de sa route.  Le poivre prend une semaine de séchage, alors qu’il faut un mois pour le café.  Il reste à l’extérieur et si le temps est menaçant on le recouvre le soir. En route, nous serons témoins d’un accident de la route.  En fait, il venait d’avoir lieu et le corps était couvert d’une natte.  Par contre, on pouvait voir la moto tordue écrasée à la droite et le camion qui l’avait visiblement frappée, à gauche sur le côté de la route avec deux roues en moins.  Ce n’est pas une belle scène à regarder et nous passons rapidement.

L’hôtel de Buon Ma Thuot (prononcer Bon ma tou), n’a que 3 ans et est très moderne.  Les hauts plateaux ont été interdits aux touristes jusqu’en 1990.  Ils sont peu visités encore aujourd’hui car les routes sont difficiles.  On  trouve pourtant les plus beaux paysages du Vietnam avec des populations ethniques, toutes plus intéressantes les unes que les autres.  Nos visites sont surtout naturelles ici, en ce sens que nous visitons des forêts, des chutes où il faut descendre à pieds sur 15 m de haut.  Nous traversons des ponts suspendus, nous observons des crocodiles, des singes, et des pythons heureusement en cage….Au retour, il pleut averse une fois sur la route.  Curieusement cela dure très peu et au village suivant, il ne pleut plus.  Le Spa de l’hôtel est apprécié à l’arrivée, car l’excursion ou plutôt les excursions de la journée, nous sont rentrées dans le corps!  Mais ce massage suédois avec boule chinoise  redonne vie!  Comme demain c’est l’anniversaire de naissance de Lucie, je lui offrirai ce traitement bienfaiteur!  Après un repas à côté de Brésiliens assez beaux mais surtout bruyants, nous tombons de sommeil….

Le lendemain, c’est la visite d’une réserve naturelle de Yok Don à la frontière cambodgienne.  Les routes sont très difficiles pour s’y rendre mais à l’arrivée c’est une autre découverte culturelle.  Les ethnies ici sont de religion protestante, ce qui est plutôt étonnant.  Les ethnies sont des EDes et des Mnongs.  Buon Ma Thuot, c’est la dernière grande bataille avant la prise de Saigon et un nouveau musée sur les ethnies, offert par la France, permet de les découvrir.  Nous ne pourrons le visiter car l’inauguration officielle est prévue pour le lendemain et on y achève les préparatifs de dernière minute!  Une immense sculpture à l’entrée de la ville témoigne du rôle important joué par les ethnies avec l’armée pour la libération du pays.  C’est impressionnant.  Ce qui frappe ici, c’est la fusion des religions où chaque ethnie possède la sienne.  Ainsi, on  voit l’héritage Cham (hindou), bouddhiste et différentes religions chrétiennes.  Tout ce monde vit en harmonie sous le manteau communiste dont l’ouverture sur la pratique religieuse remonte à 1990 seulement.  En effet, en 1975 le gouvernement a interdit toute pratique de religion.  L’ouverture en 1990 reposerait sur le potentiel touristique, basé sur l’héritage religieux.  Aussi, toutes ces restaurations d’édifices religieux sont financées par des pays alliés ou des organismes internationaux ou des particuliers étrangers ou non.  Le gouvernement accepte ces « dons » car il veut les devises étrangères….

Nous commençons à clarifier un peu l’organisation politique de ce pays.  Seulement 5 à 8 % de la population est membre du parti communiste.  N’est pas membre du parti communiste qui veut.  Il faut avoir un passé ou un lien familial avec quelqu’un qui est membre.  Cela peut prendre 3 à 5 ans avant d’être accepté comme membre du parti.  Il y a un secrétaire du parti communiste par province et la personne la plus importante du pays n’est pas le Président mais bien le Secrétaire général du parti communiste.  On les appelle les « aristocrates rouges ».  Ici, pour avoir une fonction officielle, il ne faut ni déclarer ni pratiquer une religion.  D’ailleurs, il ne faut parler ni religion ni politique au Vietnam si on veut vivre en paix.

Dalat

Après avoir bien célébré la fête de Lucie, nous partons le lendemain pour Dalat avec un nouveau guide, une nouvelle voiture et un nouveau chauffeur.  Cette station météorologique en altitude jouit d’un climat fort agréable.  C’est la ville du printemps perpétuel.  C’est aussi la ville à laquelle on réfère comme étant le « petit Paris ».  La route pour s’y rendre est difficile mais Dalat est, depuis l’époque française, le lieu de prédilection des riches saïgonnais.  C’est une région agricole riche où la population est catholique.  En route, nous découvrons les plantations d’hévéas et apprenons que tous les jours, des femmes cueillent le précieux liquide blanc (le latex() qui deviendra le caoutchouc.  C’est une récolte qui ressemble à celle du sirop d’érable!  Un arbre d’hévéa dure 20 ans environ, et produit à partir de la quatrième année.  Nous faisons connaissance avec des jeunes anglais voyageant avec les « easy riders ».  Ce sont des jeunes motocyclistes qui prennent des passagers pour leur faire visiter les régions du Vietnam.  Ils ont de belles motos et les passagers sont généralement jeunes avec peu de bagages.  Cela semble vraiment sympathique et si le temps est beau, cela doit être formidable!  Tout le long des routes du Vietnam, surtout dans le sud, on trouve des aires de repos avec hamac et casse-croûte, pour les motocyclistes.  Dans cette région les arbres de poinsettias sont étonnamment grands (2 m) par rapport à nos petits plants de poinsettias du temps des fêtes!

Notre hôtel est situé sur une montagne dans l’ancien quartier colonial français.  Il est constitué de maisons individuelles comptant deux ou trois suites par maison.  Une grande maison sert de restaurant et une superbe serre accueille les clients pour le thé, l’apéro ou tout simplement la paresse!  Les jardins sont magnifiques.  Tout le personnel est jeune, souriant et désireux de parler anglais.  Leur compréhension de l’anglais est toutefois moins facile.   Notre suite possède deux chambres dont l’une est très grande et sert aussi de petit salon avec son foyer au charbon qui ne fonctionne pas.  Une immense salle de bains d’une autre époque, en marbre blanc, dessert les deux chambres.  Nous semblons être les seules étrangères dans l’hôtel.  Il y a un couple de nouveaux mariés à l’évidence, des familles et, au repas, des gens d’affaires.  En effet, tout près se trouve le siège de la compagnie d’électricité du Vietnam.  Les plaques des quelques voitures sont bleues pour la plupart.  Cet hôtel est situé à quelques minutes à pied du musée Lam Dong, l’ancien musée des Ethnies montagnardes qui occupe la demeure de la femme du dernier empereur Bao Dai, celui qui a fini ses jours en France après la défaite des français.  C’est un musée très intéressant où nous continuons de découvrir des ethnies fascinantes.

Nous rencontrerons dans cette région, les « Lats », regroupés en neuf hameaux peuplés de « Mas » et surtout de « Co Hos » protestants et catholiques,  ayant conservé leur habitat traditionnel sur pilotis.  Ces ethnies ont été évangélisées par les américains mais ce sont les français catholiques qui les ont sédentarisées.  Le chef des Lats nous a accueillies dans la maison communautaire à Bon Dong.  Ces ethnies étaient animistes avant leur évangélisation et il reste dans leurs églises, des manifestations de cet ancien culte.  Le chef parle un excellent français et nous a même chanté des chansons françaises.  Il était infirmier durant la guerre.  Plusieurs Lats ont été évangélisés par des prêtres québécois du nom de Dupont ou Vaillancourt.  Ils vivent dans un système matriarcal.  C’est la fille qui hérite et les enfants portent le nom de la mère.  Il nous raconte comment les femmes achetaient le mari avec des animaux.  Un homme valait un buffle.  Sa femme à lui, aurait pays 5 buffles, parce qu’il parle trois langues.  Il prend bien soin d’ajouter qu’aujourd’hui on n’achète plus le mari mais, c’est la femme qui paie la noce… On vit toujours en matriarcat dans cette communauté.  Il rappelle qu’avant, on pouvait être polygame mais, plus aujourd’hui.  Les Lats ont été déplacés ici en 1952, à la suite d’une construction de barrages en 1945 et en 1948.  Durant nos échanges, on entend la musique de « happy birthday to you » au loin.  Ce sont les vidangeurs qui s’annoncent et tout le monde va sortir ses vidanges en entendant ce chant.  Cela fait tout un effet!

Dalat n’a pas été beaucoup touché par la guerre même si les américains y avaient installé une base radar de grande puissance.  Les installations y sont demeurées.  Il reste de magnifiques édifices coloniaux qui nous permettent de nous imaginer la vie facile et les soirées mondaines  « au temps de la colonie française ».  Notre visite de cette région est passionnante.  On y trouve une concentration de production de fleurs magnifiques et notre guide, visiblement amateur de jardinage, nous fait découvrir toutes les beautés des différentes sortes d’orchidées dont il raffole.  Il existe ici d’ailleurs un véritable village des fleurs.  C’est tout simplement splendide.  La terre argileuse et volcanique de cette région à 2 169 m d’altitude est très propice pour la culture des fleurs.  Comme les Vietnamiens en sont très friands, la production de fleurs est expédiée à travers le pays.  Mais le marché demeure un lieu merveilleusement fleuri.

La visite d’un monastère Zen nous fait découvrir une autre flore bien cultivée par les moines.  Le monastère est construit sur une ancienne base d’artillerie de l’armée du sud Vietnam, sur le plus haut sommet de Dalat.  Une centaine de bonzes et de bonzesses y pratiquent la méditation.  C’est la diaspora vietnamienne qui finance ce monastère, comme en témoigne les différents bancs identifiés au nom et à la résidence des donateurs.  Certains donateurs viennent du Canada.  En visitant son jardin de roches, nous apprenons que toutes le roches que l’on a observées un peu partout et quelques fois dans des espaces ayant l’air de jardins, sont en fait des signes Zen et elles sont disposées selon l’art Suseki ou, l’art de disposer les pierres.  Enfin, un lac au pied du monastère remonte à 1980 et provient d’un barrage en amont, ayant concentré les eaux de plusieurs sources.

La gare de Dalat est à l’image de la gare de Deauville en France et elle a gardé son charme d’époque.  Nous la visiterons en prenant le train pour voir une pagode spéciale, toute recouverte de pièces de porcelaine cassée.  En restauration perpétuelle, sa construction remonte à 1950.  Dalat est plein de surprise: la maison de Bao Dai dessinée par Le Corbusier est d’un art déco intéressant.  Aussi, la maison dite « folle » est la plus amusante.  Cette maison est aujourd’hui un hôtel en construction permanente.  Sa propriétaire, qui en est l’architecte est la fille d’un haut responsable du parti communiste.  L’architecture est un mélange de Gaudi et des contes de Disney.  Elle compte 10 chambres à louer et il en reste 20 à terminer.  La visite est non seulement une expérience culturelle, mais un défi sportif, car il faut marcher sur des échelles et des passerelles pour traverser des grottes abritant les chambres.  L’architecte était présente durant notre visite.  Une véritable curiosité!

Le lendemain nous sommes allées visiter une ferme de grillons.  C’est un délice au Vietnam, car ils contiennent beaucoup de protéines.  On les mange à l’apéritif.  Nous n’avons pas fait l’expérience gustative mais nous avons appris qu’ils se mangeaient cuits, sautés à l’huile.  Un kilo de grillons comptent environs 1 000 grillons.  Chaque femelle pond 500 oeufs et meurt.  Les oeufs sont conservés dans la terre humide, dans un plat, durant 15 jours pour la naissance des bébés.  Il faut deux mois pour qu’ils atteignent la maturité.  On les couvre pour la nuit.  Chaque cage de bois contient 3 000 oeufs…. Plus loin nous avons visité une distillation d’alcool de riz.  C’est la cosse de café qui sert de combustible.  Il faut 15 jours pour la distillation et une fermentation de 3 mois dans des urnes de céramique, produit un alcool à 60-75%.  Certaines bouteilles contiennent un serpent qui donnerait encore plus de qualité à cet alcool!   Ensuite, nous arrêtons à une fabrique artisanale de soie depuis la cueillette des cocons, élevés par différentes familles qui, après une période de 26 jours, les vendent  à la fabrique.  C’est dans cette fabrique plutôt primaire, que le fil est tiré des cocons, qu’il est enroulé, puis teint et tissé selon différents motifs.  C’est très intéressant à observer.  Enfin, nous arrivons à la « cascade de l’éléphant » haute de 30m et large de 20m que nous escaladons de manière sportive…  Après une visite de la pagode adjacente datant de 1996, on rentre à Dalat.  Un repas élégant au Café de la Poste,  nous ramène à une autre époque, et nous donne de l’énergie pour terminer notre dernière journée à Dalat.  Demain nous prendrons l’avion pour Ho Chi Minh ville, dernière étape de notre voyage….

Ho Chi Minh Ville

Notre arrivée à Saigon se fait en fin de journée.  C’est la première fois que notre guide n’est pas là.  Quand on regarde autour de nous, il semble que plusieurs touristes soient dans la même situation que nous.  Au bout de quelques minutes qui nous semblent interminables, notre guide s’amène avec d’autres collègues.  Il semble que la porte de sortie de l’aérogare ait été modifiée sans avertissement.  Compte tenu de l’heure, il n’est pas impossible que ce soit tout simplement un retard dû à la circulation.  En arrivant, le recours à l’appellation Saigon plutôt que Ho Chi Minh ville attire tout de suite la sympathie du guide.  Saigon c’est une ville avec 8 millions d’habitants.  Des milliers de motos  (5 millions), scooter, voiture, autobus, et ambulances tentent de se frayer un chemin.  Étonnamment on ne klaxonne pratiquement pas.  Le rythme est lent, mais serré.  Les avenues sont larges et séparées par des bornes indiquant d’un côté la voie réservée aux voitures et de l’autre, celle réservée aux motos.  Des policiers s’assurent du respect de ces règles.  Notre hôtel est immense, moderne et luxueux avec ses 400 chambres.  De jolies hôtesses en habit national, Ao Dai de toutes les couleurs, nous accueillent avec un sourire magnifique.  Elles parlent un excellent anglais et comprennent nos répliques!  Notre hôtel est situé à Cholon, le quartier chinois de Saigon.  Il possède un minibus pour amener les clients au centre-ville de Saigon notamment au marché reconnu de Saigon.  Nous n’avons pas particulièrement aimé le quartier mais l’hôtel était parfait.  Il est installé dans un complexe de centre de conférences avec des boutiques et un Spa.

Notre visite de Saigon nous permet de revivre l’histoire récente de la ville, notamment les guerres.  Le palais de l’Unification remontant à 1878 est intéressant.  Les américains ont reconstruit ce palais à leur arrivée ici.  Ils en avaient fait leur centre des opérations au sous-sol, véritable centre nerveux militaire.  D’ailleurs à leur départ on a découvert des micros partout dans le palais, incluant dans les colonnes de granit!  La visite du bureau de Poste est aussi intéressante.  L’édifice est superbe et nous y avons rencontré le dernier écrivain public.  Cet homme de 80 ans écrivait et écrit encore un peu, pour les gens analphabètes qui veulent envoyer des messages aux leurs.  Basé à la poste centrale de Saigon, c’est un véritable monument et une curiosité touristique.   C’est en l’honneur ou plutôt à la mémoire de l’oncle Ho que la ville a été nommée Ho  Chi Minh ville après la guerre.  Le quartier français appelé cité coloniale, est intéressant et nous y avons fait l’expérience de la « police touristique ».   Elle constitue une aide précieuse pour traverser ces grandes avenues inspirées des Champs Elysées.  Le marché vaut aussi une visite, bien que la quantité de produits offerts en décourage plusieurs.  La visite du Musée des souvenirs de guerre avec notamment, l’exposition « Requiem », à la mémoire des 135 photographes morts au Vietnam et en Indochine, est mémorable.

Durant notre séjour à Saigon, nous irons visiter les célèbres tunnels Viêt-cong.  Les Vietnamiens ont creusé ces kilomètres de tunnels pour poursuivre leurs guérillas dès l’occupation française.  Les premiers tunnels de Cu Chi sont longs de 40 km et remontent à 1948.  Ils se trouvent dans une plantation d’hévéas et servaient à dissimuler les armes et à se cacher.  À partir de 1960, les Viêt-cong ont entrepris de les réhabiliter et agrandir le réseau jusqu’à 250 km.  Leur but était de relier les foyers de résistance pour servir de base arrière aux actions menées à Saigon.  Ces tunnels étaient très difficiles à creuser car le sol d’argile était dur, mais son avantage résidait dans sa capacité de résister au passage des tanks et aux bombardements.   Ces tunnels utilisaient les matériaux volés dans les bases ennemis ou pris à la suite des bombardements.  Ces tunnels sont très étroits: 80 cm par 80 cm.  Les Vietnamiens y pénétraient délicatement et de justesse.  Aujourd’hui il a fallu creuser un tunnel plus large pour permettre aux touristes de faire l’expérience, à mon avis terrorisante, de circuler à quatre pattes dans ces tunnels.  Je m’y suis retrouvée face à face avec une chauve-souris.  Mauvaise expérience….  Il était impossible aux américains d’y pénétrer, ils étaient trop grands et trop costauds.  Les Vietnamiens ont une ossature fragile et petite.

Tout y est dans ces tunnels: hôpital, centre de commandement, dortoirs, cuisine etc…  Pour éviter que l’ennemi ne découvre leur site, ils avaient créé des fourmilières artificielles, percées de petits trous servant à l’aération, surtout pour la fumée de cigarettes.  La fumée se refroidissant avant d’arriver à la sortie, elle sortait à la même température que l’air, ce qui assurait que la fumée reste au niveau du sol.  Dispersées tout autour de ces tunnels, des trappes profondes servaient de pièges pour l’ennemi aventurier.  L’ennemi tombait dans le trou et son corps était déchiré et transpercé par des lances verticales qui l’attendaient au fond du trou.  L’horreur était au rendez-vous.  La trappe se refermait sur le corps du malchanceux qui ne mourait pas tout de suite, mais se blessait suffisamment pour être infecté sérieusement.  C’est ainsi que les soldats américains pouvaient entendre crier leurs collègues sans jamais savoir où ils étaient tombés.  Cette visite était difficile mais extrêmement révélatrice sur cette triste période.

Un peu plus loin, en bordure du Cambodge, on arrête dans un temple Caodîste où nous découvrons cette religion fondée vers 1920, par des prisonniers qui, pour survivre, se sont réunis pour adorer leur dieu respectif et ainsi, s’unir en une seule religion visant à s’adresser directement au ciel.  Cao Dai signifie d’ailleurs « directement au ciel ».  Ce temple, très visité par les touristes, est une curiosité et la cérémonie est pour le moins étonnante.  Les touristes sont installés sur le périmètre en haut à l’intérieur de cet immense temple pendant qu’en bas, des moines, hommes et femmes, habillés de couleurs différentes selon leur niveau hiérarchique, procèdent à la cérémonie religieuse.  Ce grand temple caodaïste est à la fois pagode, cathédrale et temple.  Son style sino-vietnamien a de quoi déconcerter.

Une visite d’une journée dans le Delta du Mékong ramène à la mémoire toute la littérature de Marguerite Duras.  En arrivant, on a l’impression de connaître les lieux.  Néanmoins il fait moins chaud que dans les descriptions de Marguerite Duras.  C’est peut-être à cause de la période de l’année.  Le Mékong c’est le grand fleuve d’Indochine, reconnu pour ses crues importantes.  Le delta du Mékong est étonnamment populeux.  On compterait 16 millions d’habitants vietnamiens ici.  Nous montons dans une barque pour effectuer notre visite de ce delta.  On y voit une activité très grande et pas seulement touristique.  On voit beaucoup de barges remplies de sable destiné à la construction.  On voit des lys d’eau et des « arecs » cet échassier élégant qui symbolise la femme au Vietnam et, qui passe son temps dans les rizières en quête de nourriture pour ses petits.   Nous passons plusieurs îles à partir de My Tho.  Nous voyons le pont de 5 km construit en coopération avec les Australiens et qui relie le Vietnam au Cambodge.

En arrivant à l’île de la Tortue nous descendons pour prendre un carrosse d’une autre époque, tiré par un cheval, qui nous conduira à travers les champs et les rizières jusqu’à un semblant de restaurant au milieu du delta, où nous goûterons au fameux poisson appelé « oreilles d’éléphant ».  Grillé sur un feu, ce poisson est servi verticalement entre deux supports de bois en forme de V.  La serveuse nous aide pour le service car nous sommes visiblement impressionnées par cette manière de présenter ce poisson délicieux.   Nous goûterons aussi durant la promenade à un thé au miel.  Un autre délice vietnamien que nous apprenons à préparer.  Enfin, la visite se termine par une ballade dans une pirogue pour parcourir le canal où nous sentons encore plus fortement, les impressions des livres de Marguerite Duras….  Ce grand fleuve prend sa source en Chine.  Il y a plusieurs barrages hydroélectriques sur le Mékong:  3 en Chine, et plusieurs autres en construction aussi au Laos et au Cambodge.  Cela cause des conflits fréquents.  La Commission de la rivière Mékong regroupe les quatre membres que sont le Cambodge,  le Laos, la Thaïlande et le Vietnam.  Tous ces pays sont aux prises avec l’équilibre fragile d’une croissance économique, d’une protection de l’environnement et de la subsistance des populations locales.  Dans le cas du Mékong, la décision de chacun des membres risque d’affecter sérieusement la vie de la population des autres, d’où les délais nombreux.

Les derniers jours de notre périple vietnamiens se déroulent à Mui Né, une station balnéaire à 200 km environ à l’est de Saigon.  C’est un endroit magnifique où les nombreuses dunes de sables parsemées de pins, et la mer juste à côté, offrent un paysage merveilleux.  L’hôtel est un centre de villégiature très couru où nous retrouvons des allemands, des américains, des anglais, des australiens, des français etc… Le directeur est un américain de 66 ans de San Francisco qui s’y est établi pour finir ses jours ici.  Il est très gentil et nous offre un vin et fromage tous les jours à 17 heures.

Pour se rendre à Mui Né nous avons emprunté le nouveau tunnel à la sortie de Saigon.  Il avait été inauguré la veille!  Nous avons traversé le quartier de haute technologie et pris la route principale du Vietnam en ce sens que, c’est encore la seule route entre Saigon et la capitale Hanoi.  Un trafic terrible de camions et de caravanes circulent continuellement sur cette route bien qu’il ait été moins lourd à l’aller qu’au retour car nous savons quitté Saigon la fin de semaine.  Étonnamment, nous avons traversé plusieurs villages très catholiques!  Des statues de la Vierge Marie, de Saint Joseph ou du Christ sont dispersées non seulement devant les églises, mais jusque sur les balcons des maisons.  Cela fait une curieuse impression pour un pays communiste.  Mui Né, c’est le Vietnam de tourisme et de vacances.  Il y a peu de Russes mais beaucoup d’Européens.  C’est une clientèle sympathique et assez confortable.  Nous y avons rencontré une allemande du nom de Marion qui voyageait seule mais dans un groupe et qui était fort sympathique.  Comme nous, il s’agissait de la fin de sa visite au Vietnam et  elle rentrait chez elle, à Cologne, en fin de semaine.  Plusieurs tours finissent leur séjour ou le commencent ici.  Il est étonnant de ne pas avoir vu d’oiseaux sur cette plage.  Par contre on y a recueilli des coquillages et une magnifique étoile de mer.  Tous les matins le temps est beau et doux.  En début d’après-midi le vent se lève et progresse jusqu’au coucher du soleil!  Puis le soir il fait de nouveau doux et beau.  Nous n’avons pas trouvé l’explication de ce phénomène sauf les caprices de dame nature…

Le retour sur Saigon après 4 jours est très long car la route est très encombrée.  Nous faisons nos derniers achats le lendemain, avant de prendre notre avion.  Les vols seront longs et nous nous préparons psychologiquement pour ce retour.

Si on veut découvrir le Vietnam il faut s’égarer du circuit traditionnel qui, à notre avis limite la compréhension de la complexité de la vie de ce pays.  Nous avons l’impression de terminer une découverte d’un pays qui ne sera plus le même demain…..

Références:

1.  Vietnam, Guide Vert Michelin, 2011

2.  Vietnam, Lonely Planet, 9ième édition, français

3.  Vietnam, Bibliothèque du voyageur Gallimard, 1999

Catégorie : Articles | Imprimer