3 juillet 2013

Une semaine à Prague en avril 2013

Il y avait bien longtemps que je voulais aller à Prague.  Cette ville me fascine depuis ce printemps de 1968, moment où les chars d’assaut russes traversaient la ville pour stopper toute velléité de liberté dans ce pays.  J’étais à ce moment-là en stage d’études à Zurich comme plusieurs étudiants étrangers.  Il y avait parmi nous, un étudiant Tchèque qui, à la fin d’une journée, s’est joint à nous pratiquement en panique. Il venait d’apprendre que son pays et sa ville avaient été envahis par les autorités Russes et que sa liberté était désormais en suspens.  Il venait de réaliser qu’il ne pourrait plus jamais rentrer chez lui.  Son chagrin, son inquiétude et sa peur étaient palpables.  Sans nouvelles de ses parents, ni de ses amis restés là-bas, sans argent, il était perdu au sens propre du terme. Son stage n’était pas terminé mais son avenir lui paraissait bloqué, sa tristesse et son désarroi étaient immenses.

Ce jour-là, j’ai découvert qu’il y avait deux mondes: les gens libres vivant dans une démocratie et les gens opprimés vivant sous des dictatures.  Ces deux mondes avaient pour moi un visage humain.  Celui d’un étudiant de mon âge désemparé face à des événements qui bloquaient son avenir et sur  lesquels il n’avait aucune prise.    Quelle chance j’avais de vivre dans un pays de liberté.

Depuis ce célèbre jour du printemps de Prague, je m’intéresse aux affaires internationales.  Par besoin professionnel je m’intéressais aux affaires économiques internationales.  Mais en 1968 à 20 ans, je venais de comprendre le sens du mot fraternité humaine.  Aussi, quand l’empire soviétique s’est écroulé il fallait que j’aille voir ce pays que je ne connaissais pas, mais à qui je devais une ouverture sur le monde.  Il m’aura fallu près d’un demi-siècle pour concrétiser ce souhait.

 

La République Tchèque

La naissance de la république tchécoslovaque remonte au 28 octobre 1918 sur les ruines de l’Empire austro-hongrois.  En effet, quand l’empire austro-hongrois s’écroule après la première guerre mondiale le nouvel État coincé entre la Pologne, l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, la Roumanie et l’Ukraine prendra le nom de  Tchécoslovaquie.  Ce nouvel État est laïc et démocratique avec un parti communiste d’un côté, et une droite nationaliste de l’autre.

La crise économique de 1929 affaiblit le pays et la proximité avec l’Allemagne entraîne une germanisation importante de l’économie et de la société tchèques.  Aussi quand Hitler envahit la Tchécoslovaquie, l’État Tchèque n’offre pas une résistance très forte.  Il y a deux explications qui ressortent du fait qu’Hitler ait épargné Prague de toute destruction.  La première est celle que l’on trouve dans les livres et relève de la germanisation déjà avancée au moment de la montée du nazisme.  L’autre repose sur une lecture historique faite au cours de la recherche pour ce voyage.  J’y ai lu qu’Hitler avait l’intention d’éliminer tous les juifs de Prague sans toucher à la ville de façon à montrer au monde combien une ville peut être magnifique et belle sans une présence juive.  Je ne sais pas si cela est véridique, mais cela offre une certaine cohérence avec le personnage…

Néanmoins, durant la seconde guerre mondiale et la période qui a suivi, le pays est morcelé et divisé, mais Prague demeure sa capitale.  En 1948, les communistes prennent le pouvoir et le conserveront jusqu’en 1989, date de la révolution de Velours.

La révolution de « Velours » durera jusqu’à la scission de la Tchécoslovaquie et la naissance de deux Républiques en 1993: la République Tchèque et la République Slovaque.  Le premier président élu de la République tchèque sera nul autre que l’écrivain Vaclav Havel, l’âme du premier Forum civique anticommuniste de 1989.  Sur 10 millions de population, on en retrouve environ 12 % ou 1,2 millions à Prague seulement.

Ma compagne de voyage Lucie Papineau et moi partons donc le vendredi Saint 29 mars 2013 pour Prague.  Partir de Montréal pour Prague en passant par Amsterdam, c’est traverser un monde de différences même en 2013.  D’abord, l’efficacité d’Amsterdam et surtout de son aéroport Schiphol rend très facile le déplacement vers Prague.  Les connexions sont nombreuses et faciles.  L’arrivée à l’aéroport de Prague, Letisté Ruzyné se fait simplement.  On sent et on voit bien que l’on est dans un territoire  différent.  La langue y fait pour beaucoup car le tchèque est très difficile à comprendre.  Heureusement l’utilisation de l’alphabet latin facilite un peu la mémorisation visuelle et nous permet de nous retrouver un petit peu à travers la ville.

Le plus difficile en arrivant est de  se procurer des devises.  En effet, les guichets distributeurs de billets ne sont pas faciles à trouver s’il y en a et la commission prélevée est significative.  Aussi, la couronne tchèque (Kc) est la devise nationale mais on nous avait dit que l’Euro était accepté presque partout.  Cela est vrai, mais étant donné l’état de l’économie et sans doute un relent du passé, la devise locale en liquide est souvent suggérée si ce n’est exigée.  Il y a sans doute une foule de raisons pour cela.

En arrivant, nous avions une voiture déjà commandée à l’hôtel lors de notre réservation.  Le chauffeur nous attendait avec notre nom clairement inscrit.  C’est toujours réconfortant de se faire accueillir et transporter sans effort vers son hôtel.  Le paiement s’est fait en Euros, sans problème puisque le tarif avait été précisé au moment de la réservation.  Tout était dans l’ordre.  Cela augurait bien pour la suite.

 

Prague, capitale de la Bohème

Les habitants de la république Tchèque sont appelés Bohémiens, quelle que soit leur origine.  La population slave en constitue la majorité et les Tziganes, la minorité.  Avant la deuxième guerre mondiale, les juifs et les allemands formaient des communautés significatives à Prague.  Les Tziganes seraient venus du nord de l’Inde au cours du 13ième siècle. Ils auraient été dispersés sous l’occupation nazie et bien qu’encore présents aujourd’hui, ils subiraient souvent des marques de discrimination.

Notre déplacement vers la vieille ville nous permet d’observer une ville plutôt endormie.  En effet, même si c’est le milieu de l’avant-midi, la ville n’est pas très active.  Il faut dire que c’est samedi et qu’il fait froid car nous sommes à la fin mars et la ville est plutôt grisâtre avec un ciel bas.  La circulation est facile, il n’y a aucun bouchon.  Nous traversons des quartiers d’apparence industrielle.  L’architecture me semble austère sans doute un relent de l’ère soviétique.  Puis nous traversons  la rivière Vltava et ce sont les premiers édifices de contes de fée.  Une architecture décorée, des couleurs claires et différentes se présentent à nous avec des édifices aussi étonnants les uns que lesautres.  On a vraiment l’impression d’être en visite dans un autre siècle.  Nous sommes dans la vieille ville.

Notre hôtel est construit sur le site d’un ancien cloître.  L’édifice est sévère et en brique rouge, mais l’accueil est sympathique.  Tout le personnel est souriant, parle assez correctement l’anglais et surtout, tout le monde est serviable.  Nous avons l’impression d’être attendues et cela nous fait du bien après un vol de nuit!  Le confort est apprécié et la chambre est disponible tout de suite ce qui est rassurant.

D’abord, nous nous installons confortablement dans ce qui deviendra notre base pour la prochaine semaine, puis nous confirmons les deux visites organisées pour le lendemain.  Afin de mieux nous situer dans cette ville belle mais un peu difficile à comprendre à l’arrivée, il est préférable de se faire guider au début.  Ensuite, c’est l’initiative de la visite à pied que nous entamons vers la place touristique de la vieille ville et son l’horloge « astronomique » sise juste à côté.  Les repères sont fragiles même si tous les édifices ont leur personnalité, mais les ruelles et les venelles  sont sinueuses et il me semble facile de s’égarer.  Une église évidemment deviendra notre point de référence pour l’orientation au retour.

Il fait vraiment froid et il faut ajouter des pelures.  Le chapeau ne sera pas en reste ni les gants d’ailleurs.  Le temps est incertain mais heureusement le soleil pointe du nez en cours de journée, juste assez pour assister au spectacle du changement d’heure de la célèbre horloge.  La chance est avec nous car nous pouvons y assister depuis la terrasse, chauffée et recouverte, juste en face, avec un bon verre de vin pour nous réchauffer.

Comme nous sommes hors saison, la « place de la vieille ville » n’est pas encore complètement envahie de terrasses.  Cependant comme nous sommes à la veille de Pâques, les kiosques et autres présentoirs artisanaux tapissent la Place du côté du monument mémorial de Jan Hus.  Cela nous permet de goûter des spécialités culinaires tchèques dans une atmosphère un peu festive, malgré le froid.  Une sorte de beigne chaud saupoudrée de sucre à glacer est particulièrement délicieux.

Il y a des touristes partout et ce n’est pas parce que nous nous trouvons en face de l’office du tourisme!   Des guides parlant toutes les langues offrent leurs services devant les bureaux de l’Office.  Leur parapluie indique la langue qu’ils parlent et on peut choisir qui l’on veut.  Aujourd’hui il n’est plus nécessaire d’avoir une « accréditation de guide officiel » pour agir comme guide à Prague, alors il faut être vigilant pour choisir afin de faire des visites sérieuses.  Les visites varient selon les quartiers à découvrir et la durée du circuit.  Elles sont généralement très économiques.   Évidemment les pourboires sont appréciés et dans notre cas ils ont été vraiment mérités.

Par rapport au reste de l’Europe, le coût de la vie est moins cher à Prague.  En fait, il se compare au coût de la vie au Québec et quelquefois moindre.  Évidemment tout ce qui est fabriqué là-bas coûte beaucoup moins cher.  Aussi il faut se choisir des souvenirs locaux et le choix est grand.  Tout ce qui se visite a un coût et il y a des avantages à se procurer la « Prague Card » si on veut prendre le temps de visiter l’intérieur des nombreux édifices historiques où la carte permet des rabais quand ce n’est pas l’accès gratuit.

En une semaine, nous aurons à peine le temps de voir la ville et il nous faudra beaucoup de parcimonie pour choisir les sites à visiter, par manque de temps.  Je me rends compte qu’une semaine ce n’est pas suffisant, d’autant que j’ai dû écourter d’une journée.

Nous logeons dans la vieille ville, la Staré Mesto  du même côté de la Vltava que le quartier juif surnommé Josefov.  De l’autre côté de la rive de la Vltava, se trouve la Mala Strana qui s’étend au pied du Château.  Ce dernier appelé le Hrad (château) forme un quartier installé sur une colline de la rive gauche de la Vltava.  Tout cet ensemble forme le coeur historique de Prague relié par le célèbre pont Charles qui joint les deux rives.

Ce pont mythique est envahi de touristes, de visiteurs ou de locaux en toute saison et à toute heure.  C’est une belle construction dont une tour médiévale subsiste encore.  En y marchant, on peut imaginer toute l’histoire qui s’est déroulée sur ce pont depuis sa première construction avec la « tour du pont de la vielle ville » terminée en 1380 par Peter Parler.

Le guide Michelin nous rappelle que ce grand ouvrage gothique est resté longtemps l’unique pont de la ville, appelé simplement pont de Prague ou pont de pierre.   C’est seulement en 1870 qu’on le baptise le « Pont Charles », du nom de l’empereur Charles IV qui en avait ordonné la construction au 14ième siècle.  L’empereur Charles IV était très chrétien et Prague lui doit beaucoup de ses constructions historiques et religieuses. Il crée l’université de Prague en 1348, magnifiquement gothique.  C’est la première université d’Europe centrale.  Il construira également la cathédrale gothique St-Guy sur la colline du Château ainsi que beaucoup d’autres édifices historiques de la ville.

Comme ailleurs les jésuites ont laissé leur marque à Prague.  Une série d’édifices regroupés autour du Clementium construit par eux, témoigne de leur passage.  Les membres de la Compagnie de Jésus sont arrivés à Prague au moment de la « recatholicisation » de la population dans la seconde moitié du 16ième siècle à l’invitation de l’empereur Ferdinand 1er.  Installés au début dans un monastère au débouché du pont Charles, ils réussirent à faire de leur collège un établissement recherché pour l’éducation.  En 1622 ils assumèrent la responsabilité de l’Université Charles.  Ils régnèrent en maître sur l’enseignement universitaire et la formation de la pensée tchèque jusqu’à leur expulsion par Joseph II  en 1773.  Plus tard toutes les bibliothèques jésuites furent confisquées partout en Bohême et regroupées dans la Bibliothèque Impériale devenue aujourd’hui Bibliothèque nationale.  Cette bibliothèque compterait des trésors inestimables dans  le Clémentium, plus grand complexe architectural de Prague après le Château.

Le château de Prague peut s’observer de toutes les rives de la Vltava.  Cette rivière mythique serpente en traversant sinueusement la ville de Prague sur 30 km ce qui rend un peu difficile l’orientation dans la ville.  Il y a environ trente ponts qui traversent la Vltava.  Ce bras de l’Elbe relie Prague au réseau fluvial du nord de l’Allemagne et en a fait un port important.  On y trouve en amont des barrages et des centrales hydroélectriques qui ont permis de rendre cette rivière accessible aux bateaux.  Une croisière sur la Vltava s’impose d’ailleurs pour voir cette ville depuis l’eau de jour comme de nuit.  On y découvre une ville différente… On peut facilement imaginer les patineurs qui s’y promenaient durant les hivers où la rivière et la température le permettaient avant l’existence des nombreux barrages.

Dans le quartier du Château c’est une suite de belles résidences qui s’offrent aux yeux des visiteurs.  Ces maisons remontent à l’époque médiévale.  Par contre, les palais urbains ont été construits plutôt aux 16, 17 et 18ième siècles sur les hauteurs du Château.  C’est « l’exubérance architecturale de la Renaissance en Bohême » que l’on peut apprécier encore aujourd’hui.  À ces constructions magnifiques s’ajoutent des jardins témoins de l’époque baroque.

Du pont Charles à l’architecture romane, aux cathédrales à l’architecture gothique ou baroque en passant par les palais à l’architecture renaissance avec ou sans insertions en faux reliefs (les sgraffites), Prague présente une variété de conception architecturale témoin du génie et de la créativité de l’être humain.  Plus tard, le cubisme, le rondocubisme et l’art nouveau y ont aussi laissé également leur marque tout comme l’oeuvre de Mis Van der Rohe, célèbre architecte allemand qui y a  laissé son « style international ».

L’architecture durant la période communiste relève plutôt du fonctionnalisme et n’est pas particulièrement attirante.  Mais l’après-communisme a donné naissance à des oeuvres étonnantes, dont  la « maison qui danse » de l’architecte américain, Frank Gehry.  Cette construction ne cesse de nourrir la controverse.  Elle symboliserait la joie du retour à une vie plus gaie.  Elle remonte à 1996 et serait inspiré de Fred Astaire et Ginger Rogers.  Elle est devenue le symbole de Prague.

Personnellement une oeuvre m’a beaucoup plus.  il s’agit d’une sculpture portant le nom de « métronome ».  Sise sur le site où, du temps des communistes, trônait une statue de Staline.  Cette sculpture présente un immense métronome avec une aiguille rouge marquant le temps de droite à gauche.  Cette sculpture symboliserait les mouvements politiques de la République Tchèque, d’un côté à droite et de l’autre à gauche…  Cette sculpture a été érigée en 1981.  Elle occupe le site au nord du centre-ville sur les hauteurs du plateau de Letna.

Une autre oeuvre étonnante a attiré mon attention au pied de la colline de Pétrin en montant pour atteindre l’abbaye de Strahov.  En marchant vers le funiculaire, une sculpture prend la forme d’un escalier sur lequel un profil d’être humain en fonte, se tient debout sur les premières marches.  Sur la première il est complet, plus il monte, plus le personnage s’efface, et en haut il n’est qu’une ligne profilée.  Le corps a disparu.  C’est une sculpture en témoignage de la destruction humaine par le communisme qui voit à ce que l’être humain disparaisse de chaque être au fur et à mesure de sa progression…  Il s’agit d’un « monument aux victimes du régime communiste » dans l’escalier du parc de Pétrin.

Les tours jumelles de l’abbaye de Strahov sont visibles de partout è Prague.  L’abbaye remonte au 12ième siècle et a traversé l’âge roman et le siècle des lumières.  Ce que ses bibliothèques et ses collections regroupent font partie des trésors de Prague.  À ses débuts, l’abbaye avait pris le nom de Sion.  Plus tard elle prit celui de Strahov qui signifie « garde » en tchèque, en raison de sa position stratégique aux abords ouest de la ville.  Malgré le fait d’avoir traversé des siècles de changements religieux, elle a maintenu son rôle d’institution éducative jusqu’au régime communiste  qui en fit un musée de la Littérature tchécoslovaque en 1950.

L’abbaye fut remise à l’ordre des « prémontrés » après la révolution de Velours.  Ses archives littéraires rassembleraient plus de sept millions de pièces.  Une visite de la bibliothèque baroque ne laisse pas indifférent.  Les deux salles: celle de la Théologie et celle de la Philosophie sont deux des « plus beaux endroits jamais conçus pour la conservation et la présentation de livres ».  C’est toute l’histoire du monde qui se retrouve dans ces lieux.  D’ailleurs, on peut y admirer sous vitre, le manuscrit de l’an 800 des évangiles de Strahov, orné d’enluminures.

En discutant avec nos guides, nous apprenons que 60% de la population Tchèque est athée, 25% catholique et 15% serait protestante.  Seulement 3 000 juifs vivraient encore en République Tchèque.  L’anglais est aujourd’hui obligatoire à l’école et l’allemand est également très populaire.  Par contre, la plus grande proportion de touristes est de langue espagnole.  Cela mérite une explication et elle remonte au 17ièmesiècle.

Une toute petite église, construite à l’origine par des luthériens allemands à compter de 1611, et consacrée à la sainte Trinité, borde la rue Karmelitska au numéro 9.  En 1620, elle fut rebaptisée l’église Notre-Dame-de-la-Victoire après la bataille de la Montagne-Blanche et confiée à des carmélites espagnoles.  Inutile de dire que l’église  fut profondément modifiée pour s’adapter au nouveau culte.  Elle jouit aujourd’hui d’une renommée internationale principalement auprès des espagnols et des latino-américains car elle abrite « l’enfant Jésus de Prague » depuis 1628.

La petite figurine de cire a été donnée aux carmélites par la princesse Lobkowicz.  Cette princesse la tenait de sa mère d’origine espagnole qui l’avait apportée avec elle lors de son mariage au roi Tchèque.  Durant la période de « recatholisation » après 1620, on attribua à la statuette des pouvoirs miraculeux.  « Elle aurait protégé la ville de la peste et de la destruction pendant la guerre de Sept ans, exauçant les prières et guérissant les malades ».  On peut encore voir la statuette sur un autel dans l’église et visiter la salle-musée de ses costumes, tous plus riches les uns que les autres, changés régulièrement grâce aux dons de différents pays.    Voilà pourquoi tant d’hispanophones visitent Prague….

La bataille de la Montagne Blanche est rappelée fréquemment à Prague.  C’est une bataille à laquelle on réfère comme le début d’un âge des ténèbres (« Temno »), une période marquée par la mainmise des Allemands sur le pays.  La célèbre bataille se déroula le 8 novembre 1620 alors que l’armée impériale catholique affronta les troupes des Etats protestants de Bohême.  Pour les catholiques, la victoire revient à un triomphe de la foi et plusieurs constructions d’églises ont célébré ce haut fait.  Le désastre pour les intellectuels, le clergé et la noblesse de Bohême est total.  Les biens sont confisqués, les chefs exécutés et des milliers sont contraints à l’exil.  La victoire donnera naissance à une nouvelle ferveur catholique au pays.

Dans la poursuite de notre exploration de Prague, on découvre sur les trottoirs, des plaques de cuivre identifiées à des noms de familles juives ayant vécues à ces adresses avant la deuxième guerre mondiale.  Elles sont plus fréquentes sur l’avenue de Paris, la rue la plus chère de Prague dans le quartier Josefov.  Dans ce quartier, c’est toute l’histoire juive de Prague qui nous envahit.  On y retrouve la plus vieille synagogue au monde remontant au moyen âge et plus loin  la plus riche des synagogues.  Le quartier Josefov compte beaucoup de points d’intérêts pour ceux que l’histoire juive européenne intéresse.

Un détour vers le Théâtre des États nous ramène loin dans l’histoire.  C’est le premier théâtre permanent de Prague fondé en 1781, où la première triomphale de Don Giovanni de Mozart fut jouée en 1787.  Il est petit, mais il était sans doute grand à l’époque.  Il prit le nom de théâtre des États en 1799.  Les spectacles s’y donnaient en tchèque aussi bien qu’en allemand.  Il était financé par la noblesse, le clergé et la bourgeoisie tchèques.  Ici on comprend pourquoi Prague est devenue au fil des ans un important centre de production cinématographique.  Tout ce secteur regorge de venelles et de constructions aussi fascinantes les unes que les autres.  Ce doit être le paradis d’un réalisateur à la recherche de site historique…  D’ailleurs au cours des promenades, souvent on reconnaît un édifice, une rue, une façade déjà observée dans un film.

Il y a un autre théâtre d’importance à Prague.  C’est le théâtre National.  On prétend que c’est le plus grand monument du Réveil National Tchèque.  Ce bâtiment néo-Renaissance constitue « un don fait à elle-même par la Nation » tel que l’indique l’inscription au-dessus de l’avant scène.  Il a été financé grâce à une souscription auprès de pratiquement tous les Tchèques à compter de 1868.  Ravagé par un incendie accidentel, il fut reconstruit rapidement et financé à nouveau de la même manière.  Tout y est joué en Tchèque uniquement et remonte à l’empire austro-hongrois en 1868.  Il aurait été agrandi en 1977 et en 1983 avec une façade en pavés de verre un peu détonante très critiquée.

Une visite de la nouvelle ville nous permet de faire connaissance avec le centre commercial du Prague moderne.  Les magasins cachent souvent des intérieurs somptueux et chargés d’histoires toutes plus étonnantes les unes que les autres.   La place Wenceslas est agréable à marcher pour découvrir un autre aspect de cette ville partagée entre son passé très riche et l’appel de la modernité.  Les contrastes sont souvent fascinants.

Enfin, s’il est une chose qui frappe à Prague en plus de l’architecture et l’art visuel dans son ensemble, c’est la musique sous toutes ses formes.  Toutes les églises, couvents, palais offrent des concerts gratuits ou payants qui permettent de se reposer entre deux promenades et d’apprécier les plaisirs artistiques de cette ville d’art.

En terminant ce récit, je ne saurais trop insister sur les paradoxes de cette ville.  Les jeunes sont tout à fait modernes avec les mêmes ambitions que les jeunes québécois.  Le tourisme est la voie la plus rapide pour gagner des sous rapidement.   L’économie actuelle est très ralentie et plusieurs jeunes Praguois se dirigent vers les services aux touristes par manque d’autre travail.  Le salaire moyen dans cette ville serait autour de 1 200 Euros par mois.  Notre premier guide était diplômé en droit et bouclait ses fins de mois comme guide.  Il doit faire 3 ans de stage avant de pouvoir pratiquer le droit.  Une autre provenait du secteur financier, mais avait perdu son emploi à la suite de la derrière crise.  Elle agissait comme guide en attendant que l’économie reprenne!  Enfin le troisième venait du Magreb!  C’est le seul qui était accrédité.  Il était passionnant avec une foule de détails que l’on ne retrouve pas dans les livres.  Il vivait à Prague depuis 20 ans, à cause d’une femme, bien sûr,

Souvent assez retenus, les Praguois n’ont pas le sourire facile surtout après 40 ans.   Ce qui frappe le visiteur c’est l’efficacité du service.  Il n’est pas nécessaire de demander deux fois ou de confirmer.  Et on nous le dit.  Si on vous dit que c’est convenu.  Ce l’est.  Cela fait du bien surtout quand on compare aux pays asiatiques où ce n’est pas toujours le cas!

On ne parle pas bien l’anglais à Prague, mais ce n’est pas faute de ne pas essayer.  Heureusement la quantité importante de touristes permet à des personnes de nationalités différentes d’aider le touriste à mieux comprendre ce qu’on lui dit.

J’ai aussi eu l’impression qu’il y avait beaucoup d’économie souterraine et les pourboires sont ouvertement appréciés.  Cela est un peu normal.  Les gens de moins de 30 ans sont visiblement plus modernisés, plus ouverts, plus souriants.  Les plus de 30 ans, présentent des visages variables selon leur situation économique probablement.  Au-delà de 50 ans, ce n’est pas toujours souriant.

Par contre, on peut dire que c’est une ville où on peut passer beaucoup plus qu’une semaine, si la diète tchèque nous convient.  En effet, la nourriture est surtout faite de ragoûts, ce qui peut être confortable en hiver, mais un peu lourd le reste de l’année.  Mais le choix existe il suffit de faire l’effort de chercher selon ses préférences.  Comme partout, les restaurants italiens dépannent.

Enfin, le pays possède aujourd’hui un système parlementaire avec quatre grands partis.  La première élection présidentielle a eu lieu en janvier 2013.

Références:  Guide Vert Michelin, Guide bleu Hachette, documents divers.
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