3 juin 2015

 « L’argent et des votes ethniques »  Jacques Parizeau

Au moment du décès de Monsieur Jacques Parizeau, je me sens obligée de partager ce que j’ai toujours pensé des paroles que Monsieur avait prononcées le soir de référendum de 1995.  Je ne veux pas que les gens se souviennent de ce Grand Homme du Québec, comme d’un homme émotif et aigri.  Il ne l’était pas.  Quand il a prononcé son discours ce soir-là il l’a fait comme il le faisait toujours.  Il a posé un diagnostic froid sans émotion à sa manière de financier, la seule qu’il connaissait.

Monsieur Parizeau était un homme d’une grande sensibilité et d’une grande ambition pour le Québec.  Il connaissait le véritable sens des mots en français comme en anglais.   Il avait également le talent du diagnostic clair et la capacité de l’exprimer aussi clairement.  Quand il a prononcé son diagnostic sur le résultat du référendum il a utilisé les mots « on a été battu par l’argent et des votes ethniques ».  En français, selon la grammaire, l’article « des » est un article indéfini.  Il s’emploie devant des êtres ou des choses qui peuvent être comptées et qui ne sont pas encore identifiées et connues par la personne qui parle. »  C’était le cas au soir du référendum de 1995.

Pour avoir collaboré avec lui à titre de ministre, je connais au moins quatre valeurs importantes pour Monsieur Parizeau : l’honnêteté, la rigueur, la persévérance  et surtout le respect.  Ces valeurs guidaient toujours ses gestes, d’où sans doute, le mot de « Monsieur »  quand nous lui adressions la parole.

Durant la campagne du référendum de 1995, il avait observé, comme nous tous, la panique du camp du non en fin de course.  Il avait également vu la manifestation du camp du non où des milliers de canadiens venant de l’extérieur du Québec envahissaient les rues de Montréal pour manifester leur appui.  Comme plusieurs il s’était questionné sur la provenance du financement de cette manifestation monstre.  Ce financement, pratiquement occulte, nous avait tous préoccupé.  Qui avait payé pour tout cela?  Est-ce que ces dépenses étaient légalement enregistrées et conformes aux lois du Québec?  Enfin, il avait entendu comme nous tous, les appels des chefs des communautés juives, grecques et italiennes en appeler à leurs concitoyens d’origine, afin qu’ils votent non.  Aussi, il avait appris, comme plusieurs,  que le gouvernement fédéral accordait des certificats de citoyenneté à la vitesse de l’éclair pour les citoyens immigrants qui avaient choisi le Québec comme terre d’adoption.

Monsieur Parizeau a donc fait son diagnostic après la confirmation des résultats du vote et il a décidé d’exprimer à sa manière habituelle, à savoir froidement, ses constats.  Il aurait pu utiliser d’autres mots plus émotifs les uns que les autres.  Mais il ne pouvait rien valider parce que les faits ne pouvaient pas être vérifiés à ce moment-là.  Son honnêteté le forçait à faire un diagnostic, mais sa rigueur l’empêchait de se perdre en explications non vérifiées.   Son respect des autres l’empêchait de reprocher quoi que ce soit à qui que ce soit.  Il ne paraissait pas furieux, mais bien grandement déçu.

Ce n’est que beaucoup plus tard, quand tout a été comptabilisé et, que  les organisateurs, comme ceux qui ont financé toutes ses dépenses, ont parlé, que le Québec a eu la confirmation de ce « vol de démocratie ».

S’il avait prononcé des paroles différentes avec un ton différent de celui du diagnostic, peut-être que le Québec se serait révolté ce soir-là.  Et cela, il ne l’aurait pas voulu.

Le Québec est non seulement en deuil d’un grand homme mais également d’un honnête homme.  Malheureusement la manipulation de ces derniers mots du soir du jour « j » de 1995 l’aura écarté de la direction du Québec.  C’est vrai qu’il avait dit ne plus vouloir diriger une province, mais ce n’est pas la manière dont il aurait voulu quitter.  De cela j’en suis certaine.  Sa persévérance légendaire lui aurait montré une autre voix.

Il nous manquera à tous et tous les hommages qu’il a reçus depuis son décès ne compenseront pas pour tous les torts qui lui ont été injustement et dans certains cas,  malhonnêtement, reprochés ce soir du référendum de 1995.

 

Rita Dionne-Marsolais

 

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