4 avril 2018

voyage en Amérique centrale

Croisière sur la côte des Amériques

Une croisière pour voir le Canal de Panama!

Comme j’avais déjà fait la côte ouest américaine en voiture il y a de nombreuses années, cette fois j’ai voulu aller plus au sud.  Ainsi nous avons pris le bateau à San Diego et en sommes descendus à Miami traversant de ce fait le canal de Panama.  Quelle expérience inoubliable!

Avant de prendre le bateau nous avons voulu visiter un peu cette belle ville de San Diego.  La ville a beaucoup de charme et offre beaucoup d’intérêt. Elle est surtout connue pour ses importantes bases navales et militaires.  En effet, 112 000 militaires y vivent et représentent une grosse industrie dont on estime la valeur à 24 milliards de dollars en 2017 seulement.

Compte tenu de la courte durée de notre séjour nous avons opté pour une journée touristique.  C’est le « Captain Bob » qui nous a accueillis dans le bus touristique « Hop On/Hop Off ».  Visiblement un ancien militaire (aviateur ou « Navy » si on se base sur sa taille et son allure), avec beaucoup de classe et très bon animateur.  Il connaît bien sa ville et nous la présente avec affection et humour.

D’abord il rappelle la curieuse histoire de cette ville.  Elle remonte au premier Européen à y être débarquée.  Un portugais du nom de Cabrilho prend possession de la baie et de la côte au nom du roi d’Espagne en 1542 et nomme le site «San Miguel » .  C’est seulement en 1602 que la ville sera baptisée du nom d’un saint catholique: San Diego de Alcala (Saint Didace).

Plus tard, en 1769 la mission de San Diego de Alcala sera fondée par les pères franciscains.  Elle sera la première des 21 missions espagnoles établies en Haute Californie.  Un vieux quartier mexicain hérité de la première mission catholique demeure encore aujourd’hui essentiellement à des fins touristiques.  Il s’agit de « Mission Valley »où l’on peut trouver quelques souvenirs d’artisanat s’inspirant de la communauté indigène initiale de cette région, les « Kumeyaay ».  C’est un quartier dont l’intérêt repose surtout sur l’église historique de la mission reconstruite à quelques reprises à la suite de tremblements de terre et devenue basilique depuis.

Après l’indépendance du Mexique en 1821 San Diego devient la capitale de la Haute Californie mexicaine.  Elle sera cédée aux Etats-Unis, comme toute la Haute Californie, à la suite de la défaite du Mexique aux mains des Etats-Unis (1846-1848) contre un montant de 50 millions$.  En 1850, après la ruée vers l’or, l’Etat de Californie rejoindra les Etats-Unis d’Amérique et San Diego deviendra le siège du nouveau comté de San Diego!

Plus tard, en 1867, Alonzo Horton un développeur immobilier choisit de s’établir à cet endroit dont il voit le potentiel en achetant tout le bord de l’eau à l’encan.  Il aurait payé 265$ pour 800 acres.   Il commence alors à en faire la promotion auprès d’investisseurs en leur offrant des terres gratuitement considérant que ces derniers amèneront des résidents avec eux.  Il construira sa ville connue aujourd’hui sous le nom de « old town ».  C’est là que se trouve le Wyatt Theater, en souvenir de Wyatt Earp qui y serait venu en 1881.  Ce joueur aurait ouvert plusieurs maisons de jeu à San Diego.  Dans cette partie de la ville on trouve également la première fontaine extérieure construite avec éclairage aux Etats-Unis et le plus vieux magnolia de Californie!

Aujourd’hui San Diego compte environ 1,5 millions d’habitants.  Un magnifique pont la relie à la petite ville riche de Coronado où résident plusieurs personnalités américaines comme John McCain.   Le pont pour s’y rendre est gratuit depuis 1986 et nous amène dans ce centre touristique où habitent 24 000 personnes.  C’est là que l’on peut voir le célèbre hôtel Coronado.  Construit en 1887-1889 cet hôtel a été le premier à l’ouest de New York à avoir l’électricité.  Il aurait fallu 70 wagons pour le meubler!  Il est connu pour avoir été le site du tournage du film « Some like it Hot » avec Marilyn Monroe.  L’une des plus belles plages de la région se trouve à ses pieds d’où l’on voit Tijuana au Mexique!.

Du « Coronado Bridge » construit en 1967-1969, on voit très bien le port (d’où part 38% de tout le cargo aux Etats-Unis) ainsi que l’immense base militaire américaine.  C’est en 1928 que les bases militaires y ont été établies pour loger la « Naval Air Station ».  Plus loin se trouve le le « US Marine Corps Air Station» (à ne pas confondre avec la « Navy » américaine).   En face de la Naval Air Station, on trouve l’aéroport de San Diego où a été construit le non moins célèbre  avion «Spirit of St Louis ».  Piloté par Charles Lindbergh en mai 1927, il rejoindra l’aéroport Le Bourget (en France) depuis New York réalisant la première envolée outremer.  D’ailleurs l’aéroport de San Diego porte le nom de « Lindbergh Field ».

La ville de San Diego possède également un très grand parc de 4,9 km carrés.  Il tire son nom du célèbre explorateur Vasco Nunez de Balboa, à qui l’on doit la première traversée de l’isthme de Panama vers le Pacifique en 1513.  Le parc Balboa offre 16 musées, des salles de spectacles et le célèbre zoo de San Diego notamment.  Ce parc est un héritage de l’exposition universelle ayant eu lieu à San Diego en 1915.

En poursuivant notre visite on traverse différents quartiers dont celui de la petite Italie.  Plusieurs grandes villes américaines possèdent un tel quartier.  À San Diego il comptait la plus vieille et la plus grande communauté italienne aux Etats-Unis avant qu’une autoroute ne traverse le quartier.  Il compte 56 quadrilatères où vivent 6 000 familles italiennes.  C’est dans ce quartier que nous avons pris le repas du midi.  On ne se trompe jamais avec un repas italien!  En plus, ce quartier est très sympathique avec une belle animation.

La ville de San Diego a été la capitale du thon entre 1960 et 1980.  Aujourd’hui il n’y en a plus et l’industrie s’est déplacée ailleurs.  Il semble que ce soit la bière qui symbolise la ville avec pas moins de 50 micro-brasseries aujourd’hui.

En résumé, San Diego est une belle ville, intéressante à visiter et tout à fait charmante!  Il faudra y retourner.

En route vers Panama

Nous montons sur le bateau en début d’après midi.  C’est une bateau de 600 places où l’organisation semble assez efficace.  Nous n’avons pas à attendre beaucoup.  C’est la première fois que je voyage sur Azamara et sur l’Azamara Quest.  Il fait partie  de la famille Princess mais en plus haut de gamme.  En effet, sur ce bateau tout est compris incluant boissons et pourboires ce qui n’est pas négligeable et très pratique.  Néanmoins, les pourboires seront toujours de mises sur une croisière!  Cela va un peu de soi.  Le service était excellent, le personnel souriant et accueillant et le confort impeccable.  La croisière a été calme avec une mer et un temps splendides durant toute la durée du voyage.  On a vu des baleines en route vers le Mexique, des dauphins et des poissons volants durant les journées en mer.  Cela est toujours impressionnant à regarder.

Première escale:  le Mexique. Cabo San Lucas est une station balnéaire bien connu des riches Californiens.  Sur la pointe sud de la basse Californie, c’est un site touristique mexicain très couru et notre visite à pied dans cette ville le confirme.   La ville du « Cap St Luc », c’est son nom en français, est surtout connue pour avoir abrité le sommet des pays du G20 en 2012.  C’est un site ultra touristique avec une population locale d’environ 55 000 habitants.  Plusieurs de ceux-là d’ailleurs sont des vedettes, artistiques ou sportives, généralement de Los Angeles dont les villas sont inaccessibles en haut des montagnes entourant la ville.  Ils doivent avoir une vue splendide à la fois sur la mer de Cortez et sur le Pacifique.

Une visite à pied nous a donné une forte impression touristique.  Par contre, le soir nous avons été invités à assister à un spectacle mexicain assez particulier.  « Catrina » est la patronne du jour des morts pour les Mexicains.  Nous l’avions découverte à San Diego dans le quartier de la  Mission où de nombreux magasins présentaient Catrina sous forme d’une sorte de masque mortuaire.  Une artiste m’avait expliqué que cette patronne était très importante et très présente au Mexique, relevant d’une vieille légende.  C’est au coeur du canyon sauvage « El Tule » dont le lit de la rivière était à sec en cette saison, que s’est déroulé le spectacle qui nous a initiés à la célèbre légende.  Avec pour fonds de scène les murs secs du canyon, le spectacle de cirque, de danse et d’acrobatie a fait virevolter des squelettes s’inspirant de la légende de « Catrina ».  Pour les Mexicains il s’agit d’un rituel en mémoire des morts leur permettant de rester en contact avec les leurs.  Un spectacle intéressant et curieux.  Sur la route du retour au bateau on a pu observer l’intensité de l’activité nocturne de cette ville animée d’une jeunesse sportive et agitée.  San José del Cabo à 33 km de là serait la ville historique qui vaudrait le détour!  Ce sera pour une autre fois.

Après deux jours de repos en mer au cours desquels j’ai pu faire l’expérience du spa du bateau comme des terrasses et des différents secrets du bateau, nous arrivons à Huatulco dans l’État d’Oaxaca, au Mexique.  Ce petit village est entièrement touristique.  Son histoire remonterait aux tribus Toltecs et aux Quetzalcoatl.  Il ne semble pas rester grand chose de cela.  C’est un endroit où les plages, les criques, les points de vue et la mer sont définitivement magnifiques.  On y trouve un aéroport international et plusieurs grossistes y reçoivent des touristes (Transat, Sunwing, Westjet etc.).  Définitivement un bel endroit pour se reposer.

Malgré un tour, soi-disant guidé, de cette ensemble je n’ai pu que constater que son accès facile à la mer et ses accès protégés doivent faire le bonheur des trafiquants.  D’ailleurs sur différents promontoires on peut voir des petites maisons d’observation de l’armée ou de la police locale.  Il est bien interdit de s’en approcher.  Le petit village de La Crucecita de 40 000 habitants environ  abritent surtout des marins et des militaires.  On y compterait pas moins de 250 marins.   Ici on voit très clairement que nous sommes en saison sèche parce que les feuilles des arbres sont toutes rabougries et brunes!    Encore ici la tradition du jour de la mort est très présente.  Notre guide nous suggère d’ailleurs de visionner le film « COCO » dont l’animation dévoile ce qu’il faut savoir sur le sens de cette journée pour les Mexicains.

Cette région très propice aux tremblements de terre requiert des exigences de construction spéciales.  Malgré un tremblement de terre de force 8,2 l’automne dernier, aucun édifice n’a été détruit.  Enfin, le village plus éloigné de la zone touristique est plutôt modeste avec seulement une église au centre-ville et quelques boutiques.  La population mexicaine est catholique à 80% d’où l’importance de l’église sise devant la place principale de la ville.  Evidemment on a visité une boutique où on nous fait la démonstration de la confection  au métier des tapis de laine mexicains.  Fait intéressant, ce sont les coccinelles qui se nourrissent des feuilles d’aloès qui, une fois écrasée, donnent la couleur rouge se retrouvant sur presque tous les tapis mexicains.  Évidemment un visite au Mexique ne serait pas complète sans un arrêt à une boutique « d’argent » et une pause pour une bière mexicaine!

La croisière se poursuit vers le sud avec le dernier arrêt mexicain à Puerto Chiapas.  Ce port est situé à 13 km du Guatemala dans le Chiapas, l’État le plus pauvre du Mexique.  La ville la plus près est Tapachula près de laquelle se trouve le site archéologique précolombien d’Izapa.  Une visite s’imposait et notre guide était passionnante.  Cette ville était un important centre de commerce et de production du cacao.   On y trouve des stèles (89), des autels (61), trois trônes et un ensemble de 68 monuments dont ce qui fut une importante pyramide ainsi que des constructions ayant dû abriter des résidences, des lieux de culte et deux terrains de jeux de balles. Notre guide nous explique d’ailleurs les principes du jeu de balles auquel s’adonnaient les populations Mayas.   Le site n’est pas entièrement dévoilé parce qu’il demeure une propriété privée même si l’exploration archéologique est assumée par l’État.  On ne peut affirmer d’ailleurs qu’il est exclusivement Maya à cause des dessins trouvés qui laisseraient planer la présence de la culture Olmec, antérieure au Maya.  Certains archéologues prétendent que ce site était à l’intersection de deux cultures et de deux langues par les contenus des dessins trouvés.  Plusieurs de ces découvertes sont d’ailleurs en exposition dans différents musées du Mexique notamment au Musée des Beaux arts et au Musée d’anthropologie de Mexico.

Il y a beaucoup de policiers au site comme à la ville de Tapachula à cause sans doute de l’existence du groupe révolutionnaire pour l’indépendance du Chiapas.  Notre guide ne s’est pas étendue sur le sujet mais ses réponses d’une grande candeur étaient intéressantes.  Le site archéologique est situé au pied du volcan Tacanà, la sixième plus grande montagne du Mexique.  Il s’étend sur 1,5 milles et correspondrait exactement à l’horizon du solstice de décembre.  On prétend que ce site serait à l’origine du calendrier sacré des Mayas. C’est très sec ici et on peut bien observer les nombreuses stèles et les structures rocheuses très bien conservées nous donnant une bonne compréhension de l’aménagement urbain.  Ces terres sont encore très fertiles si on se fit aux alentours ou la végétation est luxuriante malgré la sécheresse de la  période.

Un spectacle de danses et de chants Chiapas a suivi sur la grande place de la ville de Tapachula.  Notre guide nous souligne que l’origine de l’implantation des peuplades de cette région n’est pas claire et deux théories existent:  la première que ce furent les Perses qui s’y installèrent en premier et l’autre que ce seraient plutôt les Vikings.  Personnellement je miserais sur les Perses parce que ce que j’y ai vu me semble avoir plus d’affinités avec cette culture qu’avec celle des Vikings.  Mais les paris sont ouverts!

La visite de Tapachula nous permet d’apprécier cette culture très particulière.  Notamment on peut observer des bracelets tissés au bras de femmes.  S’il est porté à droite, c’est que la femme est célibataire, s’il est porté sur le bras gauche, elle est engagée.  Le costume Chiapas est très décoré et marie les couleurs de la flore locale avec la couleur noire représentant la jungle.  On parle 9 langues dans cet État mais la langue enseignée est l’espagnol jusqu’à l’âge de 18 ans.

La ville compte un imposant planétarium assez récent, servant autant aux réseaux scolaire et culturel qu’aux visites touristiques.  Avant d’y entrer un magnifique spectacle de danse et de musique nous est présenté pour nous mettre dans l’ambiance des légendes que nous découvrirons à l’intérieur.  La « danse du jaguar » est assez impressionnante.  Le jaguar est un animal unique et important pour les Mayas parce que selon la légende il a le pouvoir de naître et de mourir à volonté.  Le dieu soleil est la source de la vie.  Le spectacle du planétarium fait le lien de toute la création selon les croyances Mayas.  C’est assez émouvant et très bien fait.  Cette visite très intéressante au Chiapas a permis de mieux connaître un peuple indigène dont on ignore pratiquement tout.

Après le Mexique nous descendons vers le Guatemala berceau du monde Maya (7 000 ans).  Notre prochain arrêt sera Puerto Quetzal du nom de l’oiseau multicolore, symbole de ce pays au coeur du monde Maya.  Le mâle de cet oiseau possède une superbe queue utilisée par le passé pour les couronnes des Rois!  Le Quetzal est aussi le nom de la monnaie de ce pays de 16 millions d’habitants.  C’est ici que nous découvrirons la capitale de l’Empire colonial espagnol:  Antigua Guatemala.

En route vers Antigua Guatemala, on suit le « Pacific Highway » pour apprendre que la culture du maïs est née ici et qu’on en trouve 40 variétés .  Ce pays compte 33 volcans dont 5 sont actifs.  Ils forment le cercle de feu de l’Amérique centrale.  Il arrive souvent que des villages entiers soient recouverts de cendres.  Le nom du pays signifie « lieu rempli d’arbres » et la route en témoigne assez bien.  C’est la canne à sucre qui constitue la base de l’économie guatémaltèque.  Cueillie en saison sèche, nous pouvons voir de grands champs de cannes coupées.  Selon notre guide environ 45% du territoire est fortement accidenté.  Ce pays serait le quatrième pays le plus inégalitaire d’Amérique latine et le neuvième au monde.  C’est tout dire.  Ce pays est pauvre et son histoire mouvementée. Il aura connu 36 ans de guerre civile.

La civilisation maya a prospéré durant environ 2 000 ans avant l’arrivée des espagnols.  Entre 1523 et 1527, les conquistadores espagnols ont détruits la civilisation maya et soumis des populations entières.  Durant cette période coloniale de 300 ans, les espagnols ont régné en maîtres absolus sur un empire qui s’étendait du Chiapas (Mexique) jusqu’au Costa Rica.  Sa capitale ou « capitainerie générale » était alors la ville d’Antigua Guatemala.  La population est partagée entre les « ladinos » et les Mayas.  Les ladinos sont généralement des métisses ou des descendants espagnols (et européens) alors que les autres sont appelés « indigenos » parce que d’ascendance maya.

Le Guatemala est grand comme l’État du Tennessee.  Tout le long de notre circuit nous aurons l’occasion d’observer le volcan Acatenango  toujours fumant et le Fuego plus tranquille.  C’est un spectacle impressionnant.  Ce pays est riche mais ses richesses sont concentrées en peu de mains surtout celles d’immigrants européens issus des nombreuses vagues d’immigration tout au cours de l’histoire du pays. Le cacao y a longtemps servi de monnaie d’échange parce qu’il n’y a pas d’or dans ce pays.  Depuis le vingtième siècle on trouve maintenant du jade de grande qualité de sorte que ce pays est très sollicité par les chinois qui viennent acheter cette pierre très importante dans leur culture.  Le café cultivé ici est parmi le meilleur au monde (selon le guide) ce pays étant parmi les dix plus grands producteurs de café.

En arrivant à Antigua Guatemala c’est la surprise.  On se retrouve hors du temps.  On arrive par une allée bordée d’arbres qui fait penser à l’Espagne particulièrement à Séville.  Cette ancienne capitale du royaume du Guatemala qui s’échelonnait du Mexique au Costa Rica présente une architecture datant de 1543 à 1775.  Evidemment nous nous concentrons sur la vielle ville « Ciudad vieja ».  Ici la religion et l’autorité du pays était très proche et de fait c’était la ville la plus religieuse du continent. Les nombreux monastères, couvents, cloîtres ou églises en témoignent.  Certains ont été transformés en hôtel de luxe notamment.  D’anciennes résidences bourgeoises ou plutôt d’anciens palais sont également concentrées dans cette partie de la ville et leur architecture est impressionnante.  Plusieurs sont aujourd’hui également converties en hôtel ou restaurant.  Ces rues en pierres de roches quoique difficiles pour marcher nous ramènent à une autre époque.

Dans la cathédrale on peut voir des statues dorées et vêtues de vêtements luxueux authentiques.  Elles ne sont exposées que durant les fêtes religieuses (comme le carême) encore aujourd’hui.  La grande place est bordée d’édifices prestigieux dont le palais, siège de l’autorité coloniale et la cathédrale.  Au centre de la place se trouve une fontaine avec une sirène pour rappeler la tentation des hommes!

Cette ville est reconnue pour le travail du jade remontant à 3 000 ans par les Olmecs et poursuivi par les Mayas.  Ce n’est qu’en 1974 que le jade du Guatemala a refait surface grâce est un couple d’archéologue et d’anthropologue américains Mary Lou et Jay Ridinger.  Nos avons eu droit à une visite de leur musée et de leurs ateliers.  Mary Lou nous a présenté l’histoire du jade guatémaltèque et a partagé certaines connaissances avec nous afin de nous faire apprécier cette pierre semi-précieuse.

Avant l’arrivée des Espagnols, les Mayas valorisaient le jade.  Après l’arrivée des Espagnols, l’or est devenu la priorité puisque c’était ce que le conquérant privilégiait.  Le jade est donc tombé dans l’oubli.  Ce n’est qu’en 1974 que le couple Ridinger a trouvé la veine originale du jade guatémaltèque exploitée encore aujourd’hui.  Le jade est pratiquement indestructible.  Il est impossible à fendre.  Il aurait 400 millions d’années de vie.  On peut le travailler mais c’est très difficile et cela nécessite beaucoup de technique.

Le mot « jade » vient de l’expression « piedra de hijada » qui signifie « pierre des reins ».  Comme les européens n’étaient pas familiers avec cette pierre et encore moins son épellation, l’expression s’est transformée en piedra d’ehijada » et finalement en français « pierre de jade ».  Ce couple s’est basé sur les travaux d’un géologue curateur du Smithsonian dont une publication en 1957 témoignait de 20 ans de recherches de jade au Mexique et en Amérique centrale.  C’est le couple Ridinger qui a découvert la veine de Motagua d’où provenait le jade trouvé dans les différentes ruines ou tombeaux.  Plusieurs autres veines ont depuis été découvertes.

Plutôt que de voir les sites archéologiques spoliés par les pilleurs de tombes, ce couple a décidé de mettre en valeur la richesse trouvée en formant les guatémaltèques au travail de leurs lointains ancêtres.  Ils tenaient à le distinguer du jade chinois et créer des produits authentiquement guatémaltèques pour favoriser l’émergence d’une petite industrie dans ce pays et les régions avoisinantes.   Ils ont trouvé entre autres un nouveau jade de couleur lilas et un autre arc-en-ciel ayant fait l’objet de validation au laboratoire de gemmologie de Hong Kong.  Le jade peut prendre différentes couleurs selon ce qui l’entoure; par exemple, le jade devient bleu s’il côtoie le cobalt.

Aujourd’hui ce couple exploite des boutiques de bijoux de jade au Mexique, Belize, Honduras, El Salvador en plus de leur centre d’Antigua Guatemala.  Un article de Dave Hargett (Jadeite from Guatemala:  contemporary view) publié en 1990 dans « Gems and Gemology » fait le point sur le sujet pour ceux que cela intéresse.  Cette visite et cette courte conférence de Mari Lou Ridinger valaient le déplacement à elles seules.  En effet, cette excursion prend une journée complète à cause de l’éloignement du port de Puerto Quetzal à 84 km d’Antigua Guatemala.

Pour le repas du midi nous avons eu l’occasion de manger dans l’ancienne abbaye des Dominicains datant du XVIIe siècle et pratiquement détruite lors du tremblement de terre de 1773.  Cette communauté était la plus riche de l’empire espagnol probablement parce que ses moines étaient les confesseurs du Roi.  Devenu « Hôtel-Musée Santo Domingo », ce complexe est impressionnant.  Les propriétaires en creusant ont découvert les ruines sous les décombres.  Ils ont partagé l’immense domaine en deux parties. Les travaux de restauration commencent en 1989.  D’une part l’hôtel comprend les anciens lieux de résidence des dominicains et d’autre part le reste du complexe fait partie d’un musée, avec les dépendances, les lieux de prière, de repas, de stockage, de cuisine etc.  Au centre un magnifique jardin est partagé par tous.  La partie des dépendances a été cédée à l’Université Nationale de Guatemala pour servir de site éducatif et culturel.  Les expositions sont à la fois permanentes et d’une durée limitée.  Celle que nous avons vue étaient superbe en comparant des oeuvres de verre d’aujourd’hui avec des figurines de l’époque Méso américaine.

Sur la route du retour au bateau nous avons pu voir la grande cathédrale de l’époque dont le sol a survécu au tremblement de terre de 1773 et dont les tuiles sont aux couleurs des dominicains (rouge et blanc).  Selon le guide, la démocratie est difficile au Guatemala.  Toujours sous la protection américaine, le pays peine a donné de l’emploi à ses habitants.  La principale source de revenus des habitants serait les fonds transférés par les leurs qui travaillent ailleurs en Amérique principalement aux Etats-Unis mais aussi au Canada.  Ils auraient envoyé 8 milliards$ en 2017 seulement dans leur pays.  Enfin, il semble bien que la corruption soit encore très présente au pays.  Ce pays a attiré beaucoup de convoitise à la fois de la part des Américains puisque la United Fruit Company y était très présente et les immigrants européens qui règnent encore sur des pans entiers du pays, notamment dans la région des plantations de cafés, encore propriétés de descendants de familles allemandes pour ne nommer que ceux-là.

Notre prochain port est San Juan del Sur une station touristique réputée du Nicaragua.  On voit d’ailleurs du port les somptueux hôtels et condos agrippés à la falaise devant nous.  Du bateau nous filons vers le lac Nicaragua encore une fois par la « Pan Américaine ».  Ce pays est le plus grand de l’Amérique centrale.  Son nom est issue du nom du chef de la tribu indigène la plus  populeuse à l’époque coloniale, les Nicaros.  Nous sommes à 40 km de Costa Rica.  Pour se rendre à Granada il nous faut filer vers le nord.

Malgré une histoire tourmentée et un mouvement révolutionnaire sandiniste important durant le 20 ième siècle, ce pays serait aujourd’hui un secret bien gardé.  En effet, ce serait le pays le plus sécuritaire de l’Amérique centrale.  Il compte 6 millions d’habitants et plus de 40 volcans dont 8 sont actifs.  Même la capitale Managua est sise sur un volcan.  En 1972 un tremblement de terre aurait tué pas moins de 1 000 personnes à Managua à cause de la fragilité des constructions.  Depuis ce temps on s’est inspiré des normes japonaises pour la réglementation de toutes les constructions.  On estime que 80% de la population du pays habite la côte Pacifique.  Elle est surtout de descendance espagnole.  La population noire elle est surtout concentrée du côté de l’Atlantique.  On y parle espagnol mais on enseigne l’anglais dès la première année.  L’école est gratuite et obligatoire jusqu’après le secondaire.  Chose curieuse, il y a deux cycles d’enseignement: le matin de 7 à 12 heures et l’après-midi jusqu’à 5 heures.  Ainsi on peut enseigner à plus d’enfants dans une journée!

L’implantation espagnole remonte à 1524 et l’indépendance à 1821 alors que le pays rejoint « les provinces unies d’Amérique centrale ».  Il devient une République souveraine en 1854 seulement.  De 1893 à 1909 ce pays connaîtra un grand essor grâce à la présidence de José Santos Zelaya.  Il isole le pouvoir politique du pouvoir religieux et construit un pays qui deviendra le plus riche de l’Amérique centrale.  C’est à lui que revient le rêve d’un canal entre la mer des Caraïbes et le Pacifique encore en vie aujourd’hui dans ce pays.

Malheureusement, les américains ont choisi le canal de Panama dont je parlerai plus tard causant un profond désaccord qui conduira éventuellement au renversement du gouvernement de Zelaya en 1909 par le soutien de l’armée américaine au groupe de l’opposition conservatrice.  A partir de ce moment-là le Nicaragua sera à la merci des Etats-Unis jusqu’à la révolution sandiniste (1929) faisant appel à l’ensemble des peuples d’Amérique centrale pour prendre le contrôle de leur pays respectif.  Le général Sandino sera assassiné en 1934 par celui qui en deviendra le dictateur Anastasio Somoza Garcia.  Aux ordres des Etats-Unis sa famille poursuivra l’héritage au Nicaragua jusqu’à son renversement en 1979.  Le dernier de la dynastie des Somoza démissionne alors et quitte le pays pour le Paraguay où il sera assassiné en 1980.

Les années suivantes seront mouvementées avec un gouvernement oscillant entre anciens « somosistes » et « sandinistes » avec en prime une guerre civile.  Ce n’est qu’en 2007 que Daniel Ortega, sandiniste bien connu prend le pouvoir et décide de diriger le pays sobrement.  Depuis ce temps le Nicaragua est devenu l’un des pays de la région avec le plus faible taux d’homicides.  Selon la FAO (organisme de l’ONU) il aurait également réussi à réduire de façon significative la sous-nutrition en seulement quelques années.

En route vers Granada nous arrêtons au bord de l’immense lac Nicaragua avec son île d’Ometepe abritant deux volcans:  Concepcion et Maderas.  Seul Concepcion avec 1700 mètres d’altitude est actif et dangereux pour les 30 000 insulaires.  Maderas avec 1394 mètres d’altitude serait inactif.  Le lac est immense et majestueux et après ceux de Titicaca et Maracaibo, il serait le troisième plus grand lac d’Amérique latine avec 8 264 km carrés de superficie,. C’est un des plus grands lacs d’eau douce au monde et l’un des rares où on trouve des requins bouledogues réussissant à remonter le fleuve San Juan depuis la mer.

Granada est située sur la rive ouest du grand lac Nicaragua et est dominée par le volcan Mombacho. C’est la troisième plus grande ville du pays avec ses 110 000 habitants.  Son histoire remonte à 1524.  Son histoire et son architecture en font une cible du développement touristique du Nicaragua.  Plus tard, après avoir disputé le titre de capitale du pays avec Léon, la ville de Managua fut retenue comme capitale du Nicaragua en 1858.  Ce fut un important centre de commerce de bois, de cacao, d’or et d’argent d’où les nombreuses attaques de pirates européens de France et d’Angleterre au XVIIe siècle.

La visite de Granada nous conduit à l’histoire des Franciscains dont la présence était très importante dans cette ville.  Il en reste d’ailleurs des vestiges importants dont l’église San Francisco et son musée dans l’ancienne abbaye datant de 1585.  Plusieurs stèles très anciennes ont été  trouvées dans les alentours et sont maintenant dans ce musée.  Elles représentent des jaguars, des taureaux, des lézards et remonteraient à l’époque pré-colombienne.  Ces animaux étaient très importants pour les Mayas comme je lai déjà mentionné.

Cette ville offre de magnifiques anciennes maisons espagnoles avec des cours intérieures de toute beauté.  La cathédrale de Granada est impressionnante ainsi que les nombreuses maisons la côtoyant.  Enfin, le parc central nous offre la vue d’une ville en restauration où passent de nombreux jeunes (américains surtout) traînant sur la place principale et dans les hôtels environnant ainsi que de nombreux artisans vendant leurs créations.  Elle n’a pas toutefois l’envergure d’Antigua Guatemala ni le même degré de restauration.  Par contre sur la route du retour nous avons eu droit à un spectacle rarissime selon notre guide.  En effet, c’était soir de pleine lune et la lune blanche ressortait d’un ciel rouge et au fond, le volcan se profilait et posait une sorte de voile juste à côté de la lune.  Vraiment impressionnant.

Notre prochain arrêt sera Puntarenas au Costa Rica pays que je connais mieux pour y avoir séjourné à plusieurs reprises.  Je n’y ai donc fait qu’une brève promenade dans la ville.  Ce port est typique de toutes les villes portuaires et une visite au marché local a permis d’observer un peu la vie des « Ticos ».  Ce n’est pas une ville particulièrement intéressante et j’avais déjà fait les expériences de la forêt tropicale alors je suis rentrée au bateau doucement parce qu’il faisait très chaud.  On se rappellera que le Costa Rica, appelé aussi la petite Suisse de l’Amérique, aura été le seul pays de l’Amérique espagnole à avoir obtenu son indépendance sans effusion de sang.

Après un jour en mer nous arrivons au canal de Panama.  Il faut toute une journée pour passer le canal.  De loin, en arrivant dans la région de Panama nous pouvons observer le profil de la ville avec à tribord la « Trump Tower »!   Panama City que certains appellent également « Little Tel Aviv » donne l’impression d’arriver à Miami.  Nous la voyons de loin et passons devant le yacht Club avant de nous engager sous le pont qui relie les deux côtés du canal, à savoir le côté appelé « français » (en référence à son histoire)  et le côté américain.  Le pont a haubans devant nous est connu comme étant le « pont du centenaire » construit dans le cadre du centenaire de l’inauguration du canal.  Il vise à remplacer le « pont des Amériques » inauguré en 1962 reliant les deux côtés de l’isthme et assurant la circulation entre les deux Amériques  par la route panaméricaine.

Quelques notions historiques s’imposent ici.  Ce lien entre les deux mers relève d’un défi d’ingénierie.  Ceux qui le prennent évitent moins de la moitié des 22 000 km ( 9 500km) requis pour rejoindre l’un des océans par le cap Horn et le détroit de Drake, seules alternatives pour passer d’un océan à l’autre.

C’est le français Ferdinand de Lesseps, concepteur du canal de Suez, qui a réussi à débuter la construction du canal de Panama en 1880.  Plusieurs avant lui avaient cherché un moyen de traverser rapidement l’isthme de Panama dès le XVIe siècle sans succès.  Une concession fut octroyée par le gouvernement colombien, alors propriétaire de ce territoire, à Lucien Napoléon Bonaparte-Wyse pour 99 ans.  Ce dernier représentait une société civile française. Cette concession dite « Wyse » couvrait 5 km de part et d’autres du canal afin d’en assurer l’exploitation.  A la suite d’une levée de fonds géante à la Bourse de Paris par la « Compagnie de Panama », De Lesseps réussit à débuter la construction du canal de Panama même si son projet coûtait 47% plus cher que le projet de canal envisagé au Nicaragua à la même période, et également promu par un autre français du nom de Emile-Justin Menier.

Le chantier connaît toutefois de nombreuses difficultés qui vont du paludisme, de la fièvre jaune et des glissements de terrain jusqu’au manque de capitaux et au décès de pas moins de 5 600 travailleurs.  La Compagnie de Panama sera liquidée en 1889, neuf ans après le premier financement et un an après le second.  La faillite est catastrophique, les actionnaires sont ruinés et la presse de l’époque fait état de corruption et parle du « scandale du canal de Panama ».  Plusieurs corrupteurs se sont suicidés ou exilés et, le Ministre français des travaux publics de l’époque sera condamné à cinq ans de prison.

Le défaut de ce projet reposait sur sa conception: à savoir un canal au niveau de la mer sans écluse.  Or les conditions topographiques ne s’y prêtaient pas contrairement au canal de Suez, préalablement réalisé par De Lesseps.  Il fallait des écluses à cause des dénivellations importantes des accidents de terrain.  Malgré les propositions d’écluses faites par un autre ingénieur français, De Lesseps a refusé tout aménagement avec écluse.  Ce sera son erreur.

En 1901 le gouvernement français autorise la vente de la concession Wyse aux Américains dont l’achat sera ultérieurement autorisée par le congrès américain en 1902.

Malheureusement, le gouvernement Colombien refusa d’étendre les privilèges de la concession Wyse aux américains.  Mal lui en pris, car le président Roosevelt encouragea et soutint, en conséquence, un mouvement pour l’indépendance du Panama. En 1903 le gouvernement américain reconnaissait la déclaration d’indépendance du nouveau gouvernement de Panama.  En 1904 les Américains désireux de contrôler cette partie du monde, achètent la concession du canal à la suite d’une décision du président Théodore Roosevelt pour 40 millions $ payés à la nouvelle compagnie française détentrice de la concession Wyse.

En plus, les américains se font accorder le contrôle et les droits perpétuels d’administration et de gérance sur une zone de cinq miles (8 km) de part et d’autres du canal.  Pour cela le nouveau gouvernement de Panama recevra  10 millions de $ et 250 000$ par an à perpétuité de la part du gouvernement américain.  Le canal n’a été remis au gouvernement de Panama qu’en 1999 après de difficiles négociations tout en maintenant un droit d’accès prioritaire aux bateaux américains.  Aujourd’hui c’est une compagnie chinoise qui opère le canal pour dix ans, assurant la première source de revenus du Panama.

Le canal de Panama aura finalement été construit par le corps des ingénieurs de l’armée américaine. Il compte trois ensembles d’écluses et un lac artificiel, le lac Gatun.  Le concept rejoint celui de l’ingénieur français qui avait tenté sans succès de convaincre De Lesseps de l’importance des écluses.  Le canal sera inauguré en 1914.  L’inauguration de son dernier élargissement s’est faite en 2016.  On estime que 5 % du commerce maritime mondial passe par le canal de Panama.

Notre traversée du canal débute à 6:30 le matin avec l’arrivée du pilote local et durera jusqu’à la fin de la journée.  Il n’y a pas beaucoup de circulation parce que nous sommes dimanche.  Nous n’aurons donc pas de retard.  En arrivant dans l’isthme du côté du Pacifique nous sommes à l’approche de l’écluse de « Miraflores ».   Elle sera suivi de l’écluse San Miguel.  Ces écluses comptent deux voies chacune et permettent la circulation dans les deux sens en même temps.  Nous continuons dans la zone la plus dangereuse du canal puis traverserons la Cordillères des Andes et la « culebra » qui veut dire couleuvre.  En effet, cette partie du canal est très étroite et sinueuse d’où le danger.  On y observera un centre d’entretien du canal où se trouve une grue de 400t qui nous apparaît immense.  En fait, elle a été prise aux Allemands après la seconde guerre mondiale.  Elle fait partie de quatre grues allemandes dont les deux dernières se retrouvent aux Etats-Unis et en Russie.  La quatrième revenant à l’Angleterre, aurait coulé dans la Manche.

 

En avançant doucement vers le lac Gatun on apprend que les bâtiments au loin abritent l’un des trois instituts de recherche du Smithsonian.  Par ce lac, où l’eau douce se mêle à l’eau salée on arrive aux écluses de Gatun.  L’écluse d’Aqua Clara aboutit à la mer des Caraïbes.  On peut saisir l’envergure de ces écluses alors qu’un très gros bateau, un Panamax, transportant des containers, traverse de l’Atlantique vers le Pacifique juste à côté de nous.  Il n’y a pas plus d’un mètre de chaque côté de ce bateau, stabilisé, comme notre bateau, par deux mulets, à savoir deux locomotives électriques de chaque côté, en avant et en arrière du bateau.  Notre bateau étant plus petit il reste environ 3 mètres de chaque côté du nôtre.  Le spectacle est très impressionnant.

En traversant à ce rythme la zone du canal on peut voir les édifices de l’ancienne base américaine.  Ils sont en très bon état et pour cause.  Ils forment une « cité de la connaissance » où des étudiants sont formés pour des études supérieures à  l’étranger.  Ce pays étant encore sous protection militaire américaine, comme le Costa Rica, leurs meilleurs éléments peuvent avoir accès à l’aide américaine pour poursuivre leurs études.

En continuant vers l’Atlantique, ou plutôt la mer des Caraïbes à ce niveau, on voit très bien la lagune que les français avaient aménagée lors de leurs travaux à la fin du XIXe siècle.  Notre conférencier, le Dr. Dave Roberts dont la famille a vécu longtemps à Panama nous donne généreusement plusieurs informations pour nous permettre d’apprécier et surtout de comprendre ce qui se présente à nos yeux.  En quittant cette zone nous pouvons voir un autre pont à haubans en construction.  Débuté en 2013 par les Français il devait être terminé en 2017, mais ce n’est pas le cas.  Il s’élève à 241 pieds au-dessus du niveau de la mer.  Il est magnifique.

Pendant ce temps d’observation un énorme pétrolier termine sa traversée alors que nous nous engageons dans la dernière chambre de l’écluse qui descendra le bateau au niveau de l’océan Atlantique.  On sort du canal à 16h02 pour prendre la mer vers Carthagena en Colombie.  C’est une journée dont on se souviendra longtemps!

Nous arriverons le lendemain matin à Carthagena là où est née la légende de l’Eldorado!  « Cartagena de Indias » comme l’appelaient les Espagnols est essentiellement un port servant d’entrepôt pour les trésors volés aux tribus autochtones par les conquistadores.  L’arrivée dans cette baie de Carthagena est magnifique.  On peut nettement reconnaître Boca Chica d’un côté et Boca Grande de l’autre.  Ces deux péninsules offrent deux entrées sur Carthagena.   Nous y pénétrons par Boca Grande.

Carthagena des Indes a été fondée en 1533 par Pedro de Heredia et fut un grand port de l’Empire colonial espagnol.  Heredia croyait être arrivé aux Indes!  D’où le nom de Carthagena de Indias.  Elle devint un Important centre de traite des esclaves.  De par sa localisation accessible entre le Mexique, St Domingue et le Pérou, sa fonction de stockage attira nombre de pilleurs dont le plus célèbre fut l’anglais Francis Drake.  Héros pour les Anglais et pirate notoire pour les Espagnols, Sir Francis Drake a laissé sa marque autant à Carthagena que dans toutes les Caraïbes!

En arrivant aux abords de la ville on remarque tout en haut d’une colline un édifice blanc et rouge/ocre surplombant la ville.  C’est le couvent de la Popa. On ne peut accéder qu’à pied à ce couvent des Augustines.  Ce que nous ne ferons pas évidemment.  Construit en 1606 il constituait un refuge pour les esclaves noirs.

Cette ville est connu pour ses fortifications.  La forteresse San Felipe a d’ailleurs été construite par les esclaves à compter de 1557.  Elle devait protéger la ville mais cela ne l’a pas empêchée d’être prise par les français en 1697.  Carthagena est devenu un État indépendant de l’Espagne en 1811.

Notre première visite se fera en calèche pour nous donner une perspective de cette ville partagée entre la vieille ville et la ville plus récente.  Cette visite m’a permis d’utiliser mon espagnol parce que le cocher ne parlait pas l’anglais.  Dès qu’il a su que je comprenais l’espagnol nous avons pu avoir de beaux échanges et des informations plus intéressantes.   Compte tenu de la situation politique du pays voisin, le Vénézuela, on ne peut que remarquer les vendeurs ambulants offrant toutes sortes de babioles.  Il est difficile pour nous de les reconnaître mais les guides attirent notre attention en nous recommandant la vigilance!

Notre cocher doit avoir dans la vingtaine.  Le service militaire est obligatoire (par tirage) en Colombie dès l’âge de 18 ans sauf si on est marié, ou le seul fils, ou aux études.  En calèche on ne peut que remarquer la densité de la circulation!  Le long de la mer il y a un trafic fou.  On peut voir différents symboles de Carthagena dont la statue de la Princesse indigène Catalina, première interprète entre les espagnols et les indigènes, le parc Simon Bolivar, le libérateur de l’Amérique Latine et la place San Pedro de Claver, ce prêtre jésuite français apôtre des esclaves noirs.  On contourne la première maison des Rois d’Espagne et la rue des esclaves, la place des douanes, la première cathédrale datant de 1586, détruite par Walker vers 1702.  Enfin on arrive à la maison de Gabriel Garcia Marquez habitée par le frère de ce dernier depuis son décès.  Cette maison est entourée d’un mur rose et fait le coin face à la mer.  On peut facilement imaginer l’auteur de « L’amour au temps du Choléra » assis à une table de travail à l’étage et décrivant la baie de Carthagena telle qu’elle lui apparaissait dans toute sa splendeur!

Une promenade à pieds dans la vieille ville permet de découvrir les secrets cachés de Carthagena.  La forteresse San Felipe de Barajas date de 1536 et fut reconstruite entre 1639 et 1657.  Elle est nommée ainsi en l’honneur de Philippe IV, roi des espagnols.  C’est la plus grande forteresse de l’Empire colonial espagnol avec des murs gigantesques long de 12 km et de 1m1/2 de profondeur dans la mer.  De ses murs on peut contrôler tous les accès à Carthagena, autant depuis la mer que de la terre.  Elle a été classée au patrimoine de l’UNESCO en 1984 et depuis ce temps sa restauration lui permet de servir à certaines fonctions officielles.  À partir d’une grande entrée elle contiendrait beaucoup de tunnels, de salles immenses et de pièces de tout genre.  La statue de l’amiral Blas De Lezo héros de Carthagena règne au pied de la forteresse.  Cet héros espagnol d’origine basque serait le plus grand stratège de l’histoire de la marine royale espagnole.  Sa statue le montre avec seulement un oeil, un bras et une jambe ayant défendu la forteresse jusqu’à la victoire.  Une image authentique d’un vrai héros quoi. Il aurait réussi à vaincre les anglais lors de leur tentative de prendre Carthagena après une bataille de 67 jours!

Cette ville a connu son lot de batailles et de sang versé.  Le drapeau de la Colombie en témoigne d’ailleurs avec ses trois couleurs:  jaune pour le soleil, bleu pour la mer et rouge pour le sang.  Une promenade sur les murs des fortifications offre une vue imprenable sur la baie.  De là on peut voir la plus vieille église remontant à 1559.  Encore ici les confesseurs des rois d’Espagne, les Dominicains ont érigé de riches couvents et églises.  L’église de Santo Domingo avec ses cinq piliers siège encore sur la plus étroite rue de la vieille ville.  Son cloître aurait eu un tunnel le reliant au palais de « l’Inquisition » sur la rue de l’inquisition devant la place Bolivar.  Dans sa cour intérieure on peut voir des amandiers vieux de plusieurs siècles.  Aujourd’hui centre de conférence de l’ambassade espagnole on peut y voir une magnifique sculpture du colombien Fernando Botero devant l’édifice.  La calle de Amargura (tristesse) tout près était la dernière étape de la procession menant à la place  de l’exécution durant l’inquisition!

Ce qui frappe dans la vieille ville c’est le nombre d’édifices convertis en hôtel.  Leur cour intérieure est magnifique.  D’ailleurs l’hôtel Sofitel est logé dans l’ancien couvent des religieuses de Santa Clara lequel possédait un tunnel qui le reliait au monastère des franciscains un peu plus loin.

Une visite du Musée de l’or nous apprend que l’or permettait aux défunts de vivre dans la vie future.  Une pièce précise attire notre attention.  Il s’agit une pièce d’or travaillée en forme d’utérus trouvée dans la montagne.  Pour ces indigènes la terre était la mère de tous les hommes et ce serait la raison de la présence de cette pièce dans une montagne de Carthagena.  Elle provient sans doute d’un lieu de sépulture.

Sur la route du retour nous traverserons un ancien beau quartier de Carthagena où les maisons sont d’une grande richesse mais dont la plupart sont converties en boutiques ou galeries marchandes.  Enfin, nous arrivons au port en traversant un parc magnifique nous permettant d’observer plusieurs sortes d’oiseaux locaux dont de magnifiques paons.

Cette dernière visite complète une découverte exceptionnelle de l’histoire et de la culture de l’ancien Empire colonial espagnol et surtout de ces populations autochtones longtemps ignorées de l’histoire des Amériques.  Au fur et à mesure que les fouilles archéologiques pourront se matérialiser, cette partie du monde nous révélera des secrets fabuleux dont nous ne pouvons pas imaginer l’importance.  C’est à suivre.

Ce qui m’a frappé dans cette découverte des pays de l’ancien empire espagnol américain c’est l’importance des Etats-Unis qui ont compris très tôt qu’il devait contrôler cette partie du monde pour assurer l’accès à ses richesses.  Toute l’histoire du canal de Panama en témoigne.  Mais aussi  il ne faut pas négliger le rôle important de la « United Fruit Company » .  Fondée en 1899 à 1871 son l’histoire (très intéressante) remonte à 1871 à Costa Rica.  Devenue la  Chiquita Brands International en 1989, elle a influencée toutes les décisions politiques de cette région pour assurer son hégémonie commerciale.  Symbole de l’impérialisme américain elle a inspiré l’écrivain américain O. Henry à inventer l’expression « République Bananière ».  Présente dans tous ces pays, elle a fortement influencé les décisions américaines assurant le contrôle politique de cette partie du monde.  Deux de ses actionnaires, les frères Dulles John Foster et Allen ont été très près du gouvernement américain.  Allen a d’ailleurs été le premier civil à diriger la CIA en 1953.   On peut facilement comprendre alors l’influence américaine toujours présente dans cette partie du monde.

Le retour sur Miami sera l’occasion de récupérer de la fatigue du voyage sur un bateau confortable, élégant et luxueux malgré des cabines de grandeur standard et des salles de bain pas très grandes.  Les soins du spa compense par contre pour cela.  D’ailleurs il n‘y a pas de raison de rester dans notre cabine!  Plusieurs belles douceurs permettent de profiter de ces deux jours de mer avant le retour à la maison!

Rita Dionne-Marsolais, Mars 2018

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